Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 septembre 2020 par laquelle la maire de Paris a prononcé à son encontre une suspension temporaire de sept jours de l'autorisation lui permettant d'exercer une activité commerçante sur l'ensemble des marchés découverts parisiens, du dimanche 11 au samedi 17 octobre 2020 inclus.
Par un jugement n° 2016538 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2022, M. C... représenté par Me Epoma, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2020 de la maire de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de 1991.
Il soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne tient pas compte des éléments propres à sa situation ;
- elle est entachée de plusieurs erreurs de fait ; contrairement à ce qu'il lui est reproché, il n'a pas pris une place sans autorisation le 18 avril 2019 au marché Daumesnil ; il n'a pas provoqué d'esclandre le 7 mai 2019 ; il n'a pas proféré d'insultes à l'encontre d'un placier le 5 janvier 2020 puisqu'aucun placier n'était présent sur le marché " Daumesnil " à cette date ; il n'a pas tenu de propos injurieux le 13 mai 2020 à l'encontre d'un placier ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 97 du règlement des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris dès lors qu'il n'y a aucun élément constitutif d'atteinte ou trouble à l'ordre public dans son comportement susceptible de donner lieu à une suspension ;
- la sanction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2023, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les arrêtés municipaux du 10 décembre 2014 et du 12 novembre 2019 portant règlement des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Falala, avocat de la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... est titulaire, d'une part, d'une carte d'abonné lui permettant d'exercer une activité commerçante comme abonné sur le marché découvert " Daumesnil " et, d'autre part, d'une autorisation d'exercer en qualité de commerçant volant sur l'ensemble des marchés découverts parisiens dans la limite des places disponibles. A la suite de plusieurs signalements effectués par les gestionnaires des marchés " Daumesnil ", " Charonne " et " Place des fêtes ", la maire de Paris a, par une décision du 23 septembre 2020, décidé de prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure de suspension temporaire d'activité d'une durée de sept jours, du dimanche 11 au samedi 17 octobre inclus. M. C... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision litigieuse.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".
4. Si M. C... soutient que la décision litigieuse est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier qu'elle vise, notamment, l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales et les dispositions des arrêtés municipaux du 10 décembre 2014 et du 12 novembre 2019 sur lesquels elle se fonde et indique, avec suffisamment de précision, les faits qui ont conduit à son édiction. Par suite, et nonobstant la circonstance que cette décision ne fasse pas état de l'ensemble des éléments propres à la situation de M. C..., en particulier sa surdité alléguée qui l'obligerait à parler fort, elle est suffisamment motivée. Le moyen ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales : " Le maire de Paris est chargé de la police municipale en matière : / (...) 5° De maintien du bon ordre dans les foires et les marchés ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 2224-18 du même code : " (...) / Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées ". Aux termes des arrêtés municipaux du 10 décembre 2014 et du 12 novembre 2019 portant règlement des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris, applicables aux faits litigieux, les commerçants ont l'obligation de respecter, notamment, le gestionnaire du marché ou son représentant ou toute personne habilitée à faire un contrôle, d'occuper la seule place qui leur est attribuée par leur abonnement ou par le placier s'il s'agit de commerçants volants, de ne pas troubler le bon fonctionnement du marché par des atteintes à l'ordre public (altercations, rixes, tapage, non-respect des règles de sécurité, de tranquillité et de salubrité publiques ...) et, notamment, de porter atteinte verbalement ou physiquement aux personnes chargées du contrôle et du placement des commerçants.
6. M. C... conteste les faits qui lui sont reprochés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier produites par la ville de Paris qu'un courriel du 18 avril 2019 émanant du groupe Bensidoun, gestionnaire du marché Daumesnil pour le compte de la ville de Paris, relate un incident survenu le 12 avril 2019 au cours duquel Monsieur C... a invectivé un autre commerçant volant que le placier avait installé sur un emplacement qu'il avait pris sans autorisation, qu'un rapport d'incident du 7 mai 2019 rédigé par le placier du marché Daumesnil indique que M. C... " a fait un scandale à 10h au marché, parce que j'ai donné la place à côté de lui à une vendeuse volante de produits artisanaux qu'il aurait menacée " et qu'un rapport d'incident du 6 janvier 2020 indique qu'au marché de la place des Fêtes, le 5 janvier 2020, M. C... a proféré des insultes et frappé violemment à l'épaule le représentant du groupe Dadoun, gestionnaire de ce marché pour le compte de la ville de Paris, ce qui a conduit ce dernier à appeler la police nationale qui a fait intervenir la brigade des incivilités des marchés (DPSP) et que M. C... a refusé de s'acquitter des frais de son emplacement. Enfin, la décision litigieuse se réfère à un message électronique du 4 juin 2020 émanant du groupe Bensidoun indiquant que le régisseur placier du marché Charonne avait déposé une déclaration de main courante le 2 juin 2020 à l'encontre de M. C..., à la suite d'un échange qui les avait opposés le 13 mai 2020 au cours duquel ce dernier avait tenu des propos menaçants, injurieux et discriminatoires à son égard parce qu'il ne pouvait lui assurer qu'une place lui serait réservée lors de la tenue du prochain marché. En se bornant à produire des plaintes et main courantes qu'il a lui-même déposées, sans précision sur leurs éventuelles suites judiciaires, M. C... ne remet pas sérieusement en cause la valeur probante de ces témoignages concordants et crédibles sur son comportement agressif et sur les troubles qu'il a provoqués, qui émanent de représentants de deux sociétés concessionnaires différentes. Par suite, la réalité de ces incidents doit être regardée comme établie et le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
7. En quatrième lieu, M. C... soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'y a aucun élément constitutif d'atteinte ou trouble à l'ordre public dans son comportement. Toutefois, les faits reprochés à M. C..., et qui doivent être regardés comme établis ainsi qu'il a été dit au point précédent, constituent des atteintes à l'ordre public et au bon fonctionnement des marchés. Par suite, la maire de Paris n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées au point 4.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 97 des arrêtés municipaux du
10 décembre 2014 et du 12 novembre 2019 portant règlement des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris : " En dehors du cas de radiation d'office (...) tout commerçant qui contrevient aux dispositions du présent arrêté ou aux textes qu'il vise, aux règles relatives à la salubrité publique, au bon ordre et à la conservation du domaine public peut se voir infliger les sanctions suivantes : - l'avertissement ; - la suspension temporaire d'activité ; - la radiation du marché. ".
9. M. A... C... soutient, enfin, que la décision litigieuse est disproportionnée en faisant valoir qu'il n'a pas troublé l'ordre public, qu'il exerce sa profession depuis trente ans, qu'il est président de l'association " Camelot de Paris-France " qui défend les intérêts des commerçants, promeut les anciens métiers de rue en dénonçant certaines pratiques, notamment la discrimination en matière de distribution des places sur les marchés et que la mesure contestée de sept jours d'interdiction de travail, soit 6 matinées de travail, représente 900 euros de revenus, soit 400 euros de chiffre d'affaires. Toutefois, eu égard au caractère répété des faits de violence verbale, et même physique, dont il s'est rendu coupable à l'égard des représentants des sociétés gestionnaires du marché et responsables du placement et à l'égard d'autres commerçants et des troubles provoqués par son comportement, la mesure de suspension limitée à sept jours prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée. Il ne peut, en outre, utilement se prévaloir de l'annulation de la même mesure, remplacée par un simple avertissement, adressée à un autre commerçant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance et, à supposer que les conclusions de M. C... soient dirigées contre elle, la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante, versent à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 500 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la ville de Paris la somme de 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
I. B...L'assesseure la plus ancienne,
M-I. LABETOULLELa greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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