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02/10/2023 | FRANCE | N°22PA04136

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 octobre 2023, 22PA04136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Chambre des propriétaires du Grand Paris - Union nationale des propriétaires immobiliers Paris et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° IDF-2020-06-03-001 du 3 juin 2020 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2020.

Par un jugement n° 2010256/6-1 du 8 juille

t 2022, rectifié par une ordonnance du 12 juillet 2022, le Tribunal administratif de Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Chambre des propriétaires du Grand Paris - Union nationale des propriétaires immobiliers Paris et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° IDF-2020-06-03-001 du 3 juin 2020 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2020.

Par un jugement n° 2010256/6-1 du 8 juillet 2022, rectifié par une ordonnance du 12 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Rigeade (SCP SVA), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010256/6-1 du 8 juillet 2022, rectifié par une ordonnance du 12 juillet 2022, du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est privé de base légale dès lors que le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 est en voie d'annulation par le Conseil d'Etat ;

- il est illégal du fait de l'illégalité entachant l'arrêté du 22 décembre 2014 délivrant l'agrément d'observatoire local des loyers à l'association Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP) qui n'a pas été précédé de la consultation du comité régional de l'habitat et de l'hébergement ;

- il est entaché d'illégalité du fait de l'irrégularité de la composition des organes dirigeants de l'OLAP qui ne respecte pas l'équilibre entre les locataires, les bailleurs et les gestionnaires prévu par l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article 2 du décret du 5 novembre 2014 ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que les documents présentés par le préfet ne sont pas de nature à justifier que les catégories de logement et les secteurs géographiques ont été déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'OLAP conformément au II de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 ; le procès-verbal du conseil d'administration de l'OLAP du 2 juin 2020 n'est ni daté, ni signé ; il n'a pas pu être transmis à la préfecture avant l'édiction de l'arrêté contesté le 3 juin suivant ; ce procès-verbal et le document intitulé Médianes 2019 et loyers de référence 2020 ne retiennent pas le même nombre de cases ; en tout état de cause, à la date de l'édiction de l'arrêté contesté, l'OLAP n'avait pas encore établi son rapport au titre de 2019 qui est daté d'août 2020 ;

- la composition du conseil d'administration de l'OLAP lors de sa réunion du 2 juin 2020 est irrégulière ; dans ces conditions, les données transmises par l'OLAP ne peuvent valablement être prises en compte par le préfet ;

- l'arrêté contesté ne précise pas la durée pour laquelle les loyers de référence sont fixés en méconnaissance de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 ;

- il est entaché d'une erreur de droit résultant d'un détournement de procédure dès lors que le préfet n'a pas déterminé les secteurs géographiques selon l'homogénéité des loyers tel que déterminée par l'OLAP mais a repris les 80 quartiers administratifs de Paris qui existent depuis 1860 ;

- le préfet n'a pas défini les catégories de logement et les secteurs géographiques avec une précision suffisante ; la définition du loyer de référence n'est pas en adéquation avec l'ensemble des caractéristiques déterminant habituellement le montant du loyer dès lors que, d'une part, la répartition des 80 secteurs dans les 14 zones visées par l'arrêté contesté ne permet pas de constituer des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif et, d'autre part, les critères du type de location, du nombre de pièces principales et de l'époque de construction ne permettent pas de définir des catégories de logement homogènes ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il fixe à 13% la majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence applicable aux logement loués meublés ;

- l'arrêté contesté, qui se fonde sur les loyers de l'année 2019, doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2019 fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés à compter du 1er juillet 2019 par un jugement du 8 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 7 mars 2023, l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), représentée par Me Rigeade (SCP SVA), s'associe aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, présentées par Mme B... et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à intervenir au soutien de la requête ;

- l'arrêté contesté est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 2014, délivrant l'agrément d'observatoire local des loyers à l'association OLAP ;

- il est entaché d'illégalité du fait de l'irrégularité de la composition des organes dirigeants de l'OLAP ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que les documents présentés par le préfet ne sont pas de nature à justifier que les catégories de logement et les secteurs géographiques aient été déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'OLAP conformément au II de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 ;

- la composition du conseil d'administration de l'OLAP lors de sa réunion du 2 juin 2020 est irrégulière ; dans ces conditions, les données transmises par l'OLAP ne peuvent valablement être prises en compte par le préfet ;

- l'arrêté contesté ne précise pas la durée pour laquelle les loyers de référence sont fixés en méconnaissance de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 ;

- il est entaché d'une erreur de droit résultant d'un détournement de procédure dès lors que le préfet n'a pas déterminé les secteurs géographiques selon l'homogénéité des loyers tel que déterminée par l'OLAP mais a repris les 80 quartiers administratifs de Paris qui existent depuis 1860 ;

- le préfet n'a pas défini les catégories de logement et les secteurs géographiques avec une précision suffisante ; la définition du loyer de référence n'est pas en adéquation avec l'ensemble des caractéristiques déterminant habituellement le montant du loyer ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il fixe à 13% la majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence applicable aux logement loués meublés ;

- l'arrêté contesté, qui se fonde sur les loyers de l'année 2019, doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2019 fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés à compter du 1er juillet 2019 par un jugement du 8 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 avril, 31 mai, 7 juillet et 22 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... et l'UNPI ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 5 mai, 12 et 16 juin 2023, Mme B... et l'UNPI persistent dans leurs conclusions à fin d'annulation et demandent à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent, en outre, que la méthodologie utilisée par l'OLAP est contraire au sens de l'article 140 de la loi du 13 novembre 2018 dès lors qu'elle prend en considération les " loyers conventionnés Anah " ainsi que les " prêts locatifs sociaux " ( PLS ) qui correspondent à des loyers inférieurs à ceux du marché locatif privé, ce qui fausse le calcul du loyer médian et de l'écart entre le niveau moyen de loyers constaté dans le parc locatif privé et celui constaté dans le parc locatif social ; dans ces conditions, la prise en compte de ces éléments entache d'illégalité l'arrêté contesté.

Par un courrier du 20 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de " l'intervention volontaire " de l'Union nationale des propriétaires immobiliers qui était partie en première instance et qui, dès lors, avait qualité pour faire appel, et qui n'a présenté son mémoire en intervention que le 7 mars 2023, soit après l'expiration du délai de recours contentieux.

Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023, l'UNPI, représentée par Me Rigeade (SCP SVA), a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre.

Par un courrier du 10 juillet 2023, les parties ont été interrogées quant à la possibilité d'une modulation dans le temps des effets d'une éventuelle annulation.

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2023, Mme B... et l'UNPI ont présenté des observations en réponse au courrier du 10 juillet 2023 et persistent dans leurs conclusions et dans leurs moyens.

Par un mémoire du 22 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté des observations en réponse au courrier du 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

- la loi n° 20147-366 du 24 mars 2014 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 ;

- le décret n°2019-315 du 12 avril 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rigeade, avocate de Mme B... et de l'Union nationale des propriétaires immobiliers.

Une note en délibéré a été présentée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 14 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret n° 2019-315 du 12 avril 2019, le Premier ministre a, sur proposition de la ville de Paris présentée le 28 janvier 2019, décidé que le dispositif d'encadrement des loyers prévu à titre expérimental par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique serait mis en place sur l'intégralité du territoire de la ville de Paris. Par un arrêté du 3 juin 2020, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris. Par un jugement du 8 juillet 2022, rectifié par une ordonnance du 12 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'association Chambre des propriétaires du Grand Paris - Union nationale des propriétaires immobiliers Paris et de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête de Mme B... :

2. Mme B... verse aux débats des avis d'imposition à la taxe foncière au titre de 2019 et 2022 qui établit sa qualité de propriétaire de logements situés à Paris. Par suite, Mme B... dispose d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme B..., doit être écartée.

Sur l'intervention de l'Union nationale des propriétaires immobiliers devant la Cour :

3. L'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) justifie, eu égard aux questions soulevées par l'arrêté du 3 juin 2020 fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris qui est susceptible de limiter l'exercice du droit de propriété et qui présente une portée excédant les seules circonstances locales, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de Mme B....

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Mme B... a produit devant le tribunal un avis d'imposition à la taxe foncière au titre de 2019 qui établit sa qualité de propriétaire de logements situés à Paris. Le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris soutient que, faute de produire un avis d'imposition à la taxe foncière au titre de 2020, Mme B... n'établit pas être propriétaire de logements situés à Paris en 2020. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été en mesure de produire à la date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris, c'est-à-dire le 15 juillet 2020, l'avis d'imposition à la taxe foncière au titre de 2020. En l'absence de tout autre élément attestant que l'intéressée ne serait plus propriétaire de logements situés sur Paris, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la région d'Ile-de-France, tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme B..., doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de Mme B... :

5. L'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose : " I. - A titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, dans les zones mentionnées à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d'Aix-Marseille-Provence peuvent demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place./ Sur proposition du demandeur transmise dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, un décret détermine le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif, lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ;/ 2° Un niveau de loyer médian élevé ;/ 3° Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ;/ 4° Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celles-ci./ Pour chaque territoire ainsi délimité, le représentant de l'Etat dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique. (...).II. - Pour l'application du I, les catégories de logements et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers./ Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logements et les secteurs géographiques./ Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés, respectivement, par majoration et par minoration du loyer de référence./ Les compétences attribuées au représentant de l'Etat dans le département par le présent article sont exercées dans la région d'Ile-de-France par le représentant de l'Etat dans la région./

6. Aux termes de l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Des observatoires locaux des loyers peuvent être créés à l'initiative des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière d'habitat ou de l'Etat. Ces observatoires ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs sur ces données./ Le parc de référence pour l'observation et l'analyse des loyers est constitué de l'ensemble des locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, à l'exception de ceux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte de construction et de gestion des logements sociaux, ainsi que de ceux appartenant aux organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage prévu à l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation./ Les observatoires locaux des loyers mentionnés au premier alinéa sont agréés, pour tout ou partie de la zone géographique qui y est mentionnée, par le ministre chargé du logement, dans des conditions fixées par décret, après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement ou du conseil départemental de l'habitat et de l'hébergement mentionnés à l'article L. 364-1 du même code et sous condition du respect des prescriptions méthodologiques émises par une instance scientifique indépendante chargée de conseiller le ministre chargé du logement, dans des conditions définies par décret. L'agrément ne peut être accordé à un observatoire que si les statuts de celui-ci assurent, au sein de ses organes dirigeants, la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ainsi que la présence de personnalités qualifiées ou s'il existe en son sein une instance, chargée de la validation du dispositif d'observations, assurant la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires et comprenant des personnalités qualifiées. (...) ".

7. Il ressort de l'article 11 des statuts de l'association OLAP que son conseil d'administration " est composé de 19 sièges. Les sièges du conseil d'administration sont répartis de la manière suivante : - au titre du collège des bailleurs : 4 sièges, - au titre du collège des locataires : 4 sièges, - au titre du collège des gestionnaires : 2 sièges, - au titre du collège des pouvoirs publics et institutions nationales : 3 sièges, - au titre du collège des collectivités territoriales : 4 sièges, au titre des organismes et personnalités qualifiés : 2 sièges. Chaque membre ne peut disposer que d'un siège au sein du conseil d'administration. Chaque membre élu dispose d'une voix délibérative. (...) ".

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. Il résulte des dispositions de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 citées au point 5 que les catégories de logement et les secteurs géographiques sur lesquels se fonde le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris pour fixer chaque année les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'OLAP. Il ressort des pièces du dossier que chaque année, le conseil d'administration de l'OLAP prend une délibération afin de valider les travaux de calcul des médianes des loyers hors charges des logements non meublés par zone géographique, par nombre de pièces et par époque de construction ainsi que le coefficient des logements meublés. Ces éléments sont pris en considération par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris pour fixer annuellement les loyers de référence dans la ville de Paris.

10. Il ressort du procès-verbal de la réunion du 2 juin 2020 du conseil d'administration de l'OLAP qu'étaient notamment présents en leur qualité de membres, quatre agents représentant le ministère chargé du logement, un agent représentant le ministère de l'économie et des finances et un représentant de l'agence nationale de l'habitat, c'est-à-dire six membres appartenant au collège des pouvoirs publics et institutions nationales lequel ne dispose pourtant que de trois sièges en vertu de l'article 11 des statuts de l'OLAP cité au point 7. Dans ces conditions, trois membres de ce collège ne pouvaient pas siéger en qualité de membre du conseil d'administration lors de l'examen et de la validation des résultats issus des travaux de calcul des médianes des loyers dans la ville de Paris au titre de 2020. Il ne ressort pas du procès-verbal, en l'absence de toute mention de ce procès-verbal détaillant les prises de parole et les votes, que ces trois membres n'auraient pas pris part à la discussion à l'issue de la présentation des médianes 2019 des loyers à Paris et au vote portant sur la validation de ces résultats. Dans ces conditions, la composition du conseil d'administration réuni le 2 juin 2020 est irrégulière. Cette irrégularité, qui est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision du conseil d'administration validant les données sur lesquelles se fonde le préfet pour fixer les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés au titre de 2020 dans la commune de Paris, est de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 3 juin 2020.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme B... et l'UNPI sont fondées à soutenir, pour les motifs exposés aux points 9 et 10 de l'arrêt, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B.... En conséquence, le jugement attaqué ainsi que l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris doivent être annulés.

Sur la modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation :

12. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

13. Il résulte en l'espèce des pièces du dossier, et en particulier des réponses des parties des 21 juillet et 22 août 2023 à la mesure d'instruction ordonnée sur ce point, que la disparition rétroactive de l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris pourrait provoquer une remise en cause des montants des loyers fixés dans la ville de Paris au titre de 2020. Ainsi, une annulation rétroactive de cet arrêté aurait, dans les circonstances de l'affaire, des conséquences manifestement excessives. Dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l'annulation et, compte tenu de ce que l'arrêté contesté n'a produit effet que du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 et n'est, dès lors, plus susceptible de donner lieu à régularisation, de disposer que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent arrêt contre les actes pris sur son fondement, ses effets doivent être regardés comme définitifs.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, l'UNPI, intervenant au soutien de la requête, n'étant pas partie à la présente instance, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, quant à elles, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'Union nationale des propriétaires immobiliers est admise.

Article 2 : Le jugement n° 2010256/6-1 du 8 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris, rectifié par une ordonnance du 12 juillet 2022, est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris est annulé. Toutefois, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent arrêt à l'encontre des actes pris sur son fondement, les effets antérieurs à cette annulation doivent être réputés définitifs.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Union nationale des propriétaires immobiliers sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à l'Union nationale des propriétaires immobiliers et à la Chambre des propriétaires du Grand Paris - Union nationale des propriétaires immobiliers (Paris).

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04136 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04136
Date de la décision : 02/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-02;22pa04136 ?
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