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02/10/2023 | FRANCE | N°22PA04134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 octobre 2023, 22PA04134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1915781, l'association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Paris et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019.

Par une demande enregistrée sous le n° 1915861, les

associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1915781, l'association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Paris et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mai 2019 par lequel le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019.

Par une demande enregistrée sous le n° 1915861, les associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, FNAIM et Union des syndicats de l'immobilier ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ce même arrêté.

Par un jugement n°s 1915781/6-1 et 1915861/6-1 du 8 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Procédure devant la Cour :

I./ Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22PA04134 les 8 septembre 2022 et 22 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes de l'association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Paris, de Mme B... et des associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, FNAIM et Union des syndicats de l'immobilier présentées devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu son office en s'abstenant, d'une part, de diligenter une mesure d'instruction afin de solliciter de l'administration les documents nécessaires au jugement de l'affaire et, d'autre part, de rouvrir l'instruction après leur production par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris dans le cadre d'une note en délibéré ;

- l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a été pris en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers (OLAP) comme l'attestent le document intitulé " Médianes 2018-Paris " et le procès-verbal du conseil d'administration du 16 avril 2019 de l'OLAP qui est antérieur à la publication de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2022, la chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, la FNAIM et l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS), représentées par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- en leur qualité de syndicats professionnels de l'immobilier, elles disposent d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris ;

- elles justifient de leur qualité à agir ;

- les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés ;

- l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le conseil national de la transaction et de la gestion immobilière n'a pas été consulté ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation sur la définition des catégories de logement, ces dernières n'étant pas suffisamment précises pour permettre que la définition du loyer de référence soit en adéquation avec l'ensemble des caractéristiques qui déterminent habituellement la fixation du montant du loyer ; le préfet a ainsi méconnu l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, le droit de propriété, la liberté contractuelle et le principe d'égalité en raison des différences de traitement injustifiées des bailleurs, discriminés selon des caractéristiques de leurs biens, et qui ne peuvent être regardées comme objectives et rationnelles au regard de l'objet de la loi ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation sur la définition des secteurs géographiques, dès lors que la répartition des 80 secteurs dans les 14 zones visées par l'arrêté ne permet pas de constituer des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif ; le préfet a méconnu les dispositions du décret du 10 juin 2015, modifié par le décret du 13 mai 2019 et de la loi du 23 novembre 2018 telle qu'elles doivent être interprétées au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; le préfet a ainsi méconnu le droit de propriété, la liberté contractuelle et le principe d'égalité en raison des différences de traitement injustifiées entre propriétaires mettant en location des biens similaires ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'il fixe à 13% la majoration unitaire au mètre carré des loyers de référence applicables aux logements loués meublés dès lors que l'OLAP ne dispose pas de données suffisamment précises sur les niveaux de loyers observés pour les biens loués meublés ;

- il méconnaît le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant peser une charge excessive sur les bailleurs, ainsi que les principes de sécurité juridique et d'espérance légitime conventionnellement et constitutionnellement garanties des propriétaires ; l'application des critères retenus par le préfet conduit à encadrer les loyers en fonction de loyers de référence déconnectés des réalités du marché ce qui aboutit à des conséquences contraires aux objectifs sociaux poursuivis ;

- au surplus, les critères géographiques et matériels retenus par l'arrêté litigieux, ainsi que la majoration prévue pour les loyers de référence loués meublés, ne procèdent nullement d'une évaluation objective satisfaisante, de sorte qu'en édictant cet arrêté, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris n'a pas appliqué les garanties procédurales suffisantes pour ménager un " juste équilibre " entre les différents intérêts en présence.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février et 21 juillet 2023, Mme B..., représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés ;

- la méthodologie utilisée par l'OLAP est contraire au sens de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 dès lors qu'elle prend en considération les " loyers conventionnés Anah " ainsi que les " prêts locatifs sociaux " (PLS) qui correspondent à des loyers inférieurs à ceux du marché locatif privé, ce qui fausse le calcul du loyer médian et de l'écart entre le niveau moyen de loyers constaté dans le parc locatif privé et celui constaté dans le parc locatif social ; dans ces conditions, la prise en compte de ces éléments entache d'illégalité l'arrêté contesté.

II./ Par une requête, enregistrée sous le n° 22PA04135 le 8 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n°s 1915781/6-1 et 1915861/6-1 du 8 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2022, les associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, la FNAIM et l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS), représentées par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés ;

- elles reprennent les moyens soulevés dans l'instance n° 22PA04134.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, Mme B..., représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son protocole additionnel n° 1 ;

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

- la loi n° 20147-366 du 24 mars 2014 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 ;

- le décret °2019-315 du 12 avril 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rigeade, avocate de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret n° 2019-315 du 12 avril 2019, le Premier ministre a, sur proposition de la ville de Paris présentée le 28 janvier 2019, décidé que le dispositif d'encadrement des loyers prévu à titre expérimental par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique serait mis en place sur l'intégralité du territoire de la ville de Paris. Par un arrêté du 28 mai 2019, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019. L'association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Paris et Mme A... B..., d'une part, et les associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, FNAIM et Union des syndicats de l'immobilier (USI), d'autre part, ont demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 8 juillet 2022, après avoir admis l'intervention de l'association Chambre des propriétaires du Grand Paris - Union nationale des propriétaires immobiliers, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel de ce jugement et demande, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes visées ci-dessus n°s 22PA04134 et 22PA04135, présentées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 8 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le cadre juridique :

3. L'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose : " I. - A titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, dans les zones mentionnées à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, (...), la commune de Paris, (...) peuvent demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place./ Sur proposition du demandeur transmise dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, un décret détermine le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif, lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ; / 2° Un niveau de loyer médian élevé ; / 3° Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ; / 4° Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celles-ci./ Pour chaque territoire ainsi délimité, le représentant de l'Etat dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique. (...) Les logements appartenant à ou gérés par des organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de construction et de l'habitation ou appartenant à ou gérés par des sociétés d'économie mixte agréées en application de l'article L. 481-1 du même code, et faisant l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 351-2 dudit code sont exclus de cette expérimentation. II. - Pour l'application du I, les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers./ Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques./ Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés, respectivement, par majoration et par minoration du loyer de référence./ Les compétences attribuées au représentant de l'Etat dans le département par le présent article sont exercées dans la région d'Ile-de-France par le représentant de l'Etat dans la région./ Le loyer de référence majoré est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence./ Le loyer de référence minoré est égal au loyer de référence diminué de 30 %./ III. - A. - Dans les territoires où s'applique l'arrêté mentionné au I, le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré. Une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat./ B. - Un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base tel que fixé au A du présent III pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique./ Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés au contrat de bail./ Lorsqu'un complément de loyer est appliqué, le loyer s'entend comme la somme du loyer de base et de ce complément./ Un complément de loyer ne peut être appliqué à un loyer de base inférieur au loyer de référence majoré./ (...) IV. - L'arrêté mentionné au I du présent article fixe, pour les logements meublés soumis aux titres Ier bis et Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré par catégorie de logement et par secteur géographique. Le loyer de référence, le loyer de référence majoré et le loyer de référence minoré sont déterminés par l'application d'une majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence définis au II du présent article pour tenir compte du caractère meublé du logement. Cette majoration est déterminée à partir des écarts constatés entre les loyers des logements loués nus et les loyers des logements loués meublés observés par l'observatoire local des loyers./ Le complément de loyer tient compte des équipements et services associés aux logements meublés. (...) ".

4. Aux termes de l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Des observatoires locaux des loyers peuvent être créés à l'initiative des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière d'habitat ou de l'Etat. Ces observatoires ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs sur ces données./ Le parc de référence pour l'observation et l'analyse des loyers est constitué de l'ensemble des locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, à l'exception de ceux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte de construction et de gestion des logements sociaux, ainsi que de ceux appartenant aux organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage prévu à l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation./ Les observatoires locaux des loyers mentionnés au premier alinéa sont agréés, pour tout ou partie de la zone géographique qui y est mentionnée, par le ministre chargé du logement, dans des conditions fixées par décret, après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement ou du conseil départemental de l'habitat et de l'hébergement mentionnés à l'article L. 364-1 du même code et sous condition du respect des prescriptions méthodologiques émises par une instance scientifique indépendante chargée de conseiller le ministre chargé du logement, dans des conditions définies par décret. L'agrément ne peut être accordé à un observatoire que si les statuts de celui-ci assurent, au sein de ses organes dirigeants, la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ainsi que la présence de personnalités qualifiées ou s'il existe en son sein une instance, chargée de la validation du dispositif d'observations, assurant la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires et comprenant des personnalités qualifiées. (...) ".

5. Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 2015 : " Les catégories de logement et les secteurs géographiques mentionnés au II de l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique sont déterminés selon les modalités suivantes : 1° Les catégories de logement sont déterminées en fonction au moins des caractéristiques du logement relatives au type de location, meublée ou non meublée, au nombre de pièces principales au sens de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation et à l'époque de construction ; / 2° Les secteurs géographiques délimitent des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif. "

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

6. Il ressort des termes du jugement attaqué que pour annuler l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019, les premiers juges ont estimé que cet arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors qu'il résulte des dispositions de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 citées au point 3 que le dispositif d'encadrement des loyers est fixé annuellement par le représentant de l'Etat, que l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP) avait constaté la structuration du marché locatif sur le seul territoire de la commune de Paris en 2018 avant que le préfet ne prenne cet arrêté. Cependant, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires produit devant la Cour le document intitulé " Médianes 2018-Paris " établi par l'OLAP en avril 2019 et un extrait du procès-verbal du conseil d'administration de l'OLAP établi à la suite de sa séance du 16 avril 2019 qui porte sur le point 8 Validation des médianes Paris, documents qui avaient été également joints à la note en délibéré présentée par le préfet devant le tribunal. Or, il ressort de ces documents, établis antérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté du 28 mai 2019, que la structuration du marché locatif parisien en 2018 a été constatée par l'OLAP en fonction de 14 zones géographiques, qui constituent des regroupements de quartiers administratifs, des types de locations des logements, meublées ou non meublées, du nombre de pièces que contiennent les logements, et de l'époque de construction de ces derniers. Il ressort de ces documents, et même si elle n'a rendu public son rapport sur l'évolution en 2018 des loyers d'habitation du secteur locatif privé dans l'agglomération parisienne qu'en juillet 2019, que l'OLAP avait recueilli les données concernant le marché locatif parisien et constaté sa structuration avant que le préfet ne prenne l'arrêté contesté. En outre, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a déterminé 14 secteurs géographiques et les catégories de logement en fonction de la structuration du marché locatif et à partir des niveaux de loyers constatés par l'OLAP. Dans ces conditions, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris au motif qu'il aurait été édicté avant que l'OLAP ait constaté la structuration du marché locatif parisien.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association UNPI Paris, Mme B... et l'association Chambre des propriétaires du Grand Paris - UNPI, d'une part, et les associations chambre FNAIM du Grand Paris, FNAIM et Union des syndicats de l'immobilier, d'autre part, devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal et la Cour :

8. En premier lieu, par une décision n° 431495 du 10 mai 2022, le Conseil d'Etat a rejeté la requête formée par les associations Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI Paris) et Chambre nationale des propriétaires contre le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait privé de base légale dès lors que ce décret aurait été " en voie d'annulation " par le Conseil d'Etat doit être écarté.

9. En deuxième lieu, les intimées soulèvent l'exception d'illégalité du décret du 12 avril 2019 mettant en place le dispositif d'encadrement des loyers sur le territoire de la ville de Paris au soutien de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, au motif que ce décret aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été pris sur avis de l'Autorité de la concurrence et du Conseil national de l'habitat. Toutefois, un tel moyen ne peut être utilement invoqué que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du décret du 12 avril 2019 doit être écarté. En tout état de cause, d'une part, le décret du 12 avril 2019, qui se borne à déterminer un périmètre d'application du régime expérimental prévu par les dispositions de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, est dépourvu de caractère réglementaire et il n'institue, en outre, aucun régime nouveau au sens de l'article L. 462-2 du code de commerce selon lequel l'Autorité de la concurrence " est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / (...) 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ". Il n'avait pas ainsi à être soumis à l'Autorité de la concurrence préalablement à son édiction. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le décret du 12 avril 2019 est destiné à faciliter l'accès au logement locatif privé pour les personnes à revenu modeste ou intermédiaire. La circonstance invoquée qu'il a pour effet de favoriser la mixité sociale ne permet pas, par elle-même, de le regarder comme une mesure destinée à favoriser la mixité sociale. Il n'avait pas, par suite, à être précédé de la consultation du Conseil national de l'habitat prévue par l'article R* 361-2 du code de la construction et de l'habitation.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; 2° L'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ; 3° La cession d'un cheptel mort ou vif ; 4° La souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ; 5° L'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; 6° La gestion immobilière ; 7° A l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis, ou à la vente de fonds de commerce ; 8° La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation ; 9° L'exercice des fonctions de syndic de copropriété dans le cadre de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ". Aux termes de l'article 13-1 de cette même loi dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-2021 du 23 novembre 2018 : " Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières a pour mission de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités mentionnées à l'article 1er par les personnes mentionnées au même article 1er ./Le conseil fait des propositions au ministre de la justice et aux ministres chargés de la consommation et du logement au sujet des conditions d'accès aux activités mentionnées audit article 1er et des conditions de leur exercice, s'agissant notamment : 1° De la nature de l'obligation d'aptitude professionnelle prévue au 1° de l'article 3 ; 2° De la nature de l'obligation de compétence professionnelle prévue à l'article 4 ; 3° De la nature et des modalités selon lesquelles s'accomplit la formation continue mentionnée à l'article 3-1 ; 4° Des règles constituant le code de déontologie applicable aux personnes titulaires de la carte professionnelle mentionnée à l'article 3 et, lorsqu'il s'agit de personnes morales, à leurs représentants légaux et statutaires, dont le contenu est fixé par décret./ Le conseil est consulté pour avis sur l'ensemble des projets de textes législatifs ou réglementaires relatifs aux conditions d'accès aux activités mentionnées à l'article 1er et aux conditions de leur exercice ainsi que sur l'ensemble des projets de textes législatifs et réglementaires relatifs à la copropriété./ Le conseil établit chaque année un rapport d'activité ".

11. L'arrêté contesté, qui fixe les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019, ne saurait être regardé comme relatif à l'exercice des activités mentionnées à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce. Contrairement à ce que soutient la chambre de la FNAIM du Grand Paris, la FNAIM et l'UNIS, cet arrêté n'avait, dès lors, pas à être pris sur avis du conseil national de la transaction et de la gestion immobilière institué par les dispositions précitées de l'article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970.

12. En quatrième lieu, les intimées soutiennent que l'arrêté du 22 décembre 2014 du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité délivrant l'agrément d'observatoire local des loyers à l'association OLAP étant entaché d'illégalité en l'absence de consultation du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, les données recueillies par l'OLAP ne pouvaient être retenues par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris pour fixer, par son arrêté du 28 mai 2019, les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés.

13. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. L'arrêté du 22 décembre 2014 délivrant l'agrément d'observatoire local des loyers à l'OLAP, qui ne présente pas de caractère réglementaire, ne constitue pas la base légale de l'arrêté contesté. En outre, cet arrêté n'a pas été pris en application de l'arrêté du 22 décembre 2014. Par suite, l'exception d'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 2014 soulevée par les intimées ne peut qu'être écartée.

14. En cinquième lieu, les intimées soutiennent que la représentation des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ne serait pas équilibrée au sein des organes dirigeants de l'OLAP en méconnaissance des dispositions de l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989, reprises par l'article 2 du décret du 5 novembre 2014. Si elle entend ainsi soulever le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 2014 délivrant l'agrément d'observatoire local des loyers à l'OLAP, le respect d'une telle représentation étant l'une des conditions prévues par les dispositions de l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989 citées au point 4 pour obtenir cet agrément, il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13. Par ailleurs, il ressort de l'article 11 des statuts de l'OLAP versés au dossier que son conseil d'administration est composé de 19 sièges répartis entre les collèges des bailleurs et des locataires à hauteur de 4 sièges chacun, le collège des gestionnaires à hauteur de 2 sièges, le collège des pouvoirs publics et institutions nationales à hauteur de 3 sièges, le collège des collectivités territoriales disposant de 4 sièges et celui des organismes et personnalités qualifiés de 2 sièges. Il ressort de l'article 12 de ces mêmes statuts que le bureau désigné au sein du conseil d'administration de l'OLAP comprend 5 sièges dont 2 sièges attribués au collège des locataires et 1 siège attribué à chacun des collèges des bailleurs, des gestionnaires et des organismes et personnalités qualifiés. Au vu de ces éléments, et alors que les dispositions de l'article 16 de la loi du 6 juillet 1989, reprises ainsi qu'il a déjà été dit par l'article 2 du décret du 5 novembre 2014, n'imposent pas une répartition des sièges strictement égalitaire entre les différents collèges au sein du conseil d'administration et du bureau de l'OLAP, les intimées ne sont pas fondées, en tout état de cause, à soutenir que la représentation des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ainsi que des organismes et personnalités qualifiés ne serait pas équilibrée. Enfin, le moyen tiré de ce que la Fédération des entreprises publiques locales et la Fédération Française d'assurances n'ont pas vocation à siéger au sein du collège des bailleurs n'est pas en tout état de cause assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour de se prononcer sur son bien-fondé.

15. En sixième lieu, les intimées ne peuvent utilement soutenir à l'encontre de l'arrêté en litige que la ville de Paris ne remplirait pas les conditions cumulatives prévues par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 pour la mise en place du dispositif d'encadrement des loyers sur son territoire dès lors que l'objet de cet arrêté n'est pas d'instaurer ce dispositif mais de fixer les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019, dans le cadre de ce dispositif décidé par le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 à la demande de la ville de Paris.

16. En septième lieu, il résulte des dispositions de l'article 2 du décret du 10 juin 2015, citées au point 5, que les secteurs géographiques mentionnés au II de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 doivent délimiter des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif. Il ressort des pièces du dossier que les 14 zones géographiques retenues par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris contenaient suffisamment de logements pour respecter les règles de diffusion des données, qu'elles ne correspondaient ni aux arrondissements de Paris, ni à ses quartiers administratifs et qu'elles ne constituaient pas des zones administratives préexistantes, conformément aux prescriptions méthodologiques du Comité scientifique de l'observation des loyers.

17. Les intimées soutiennent que le nombre de zones géographiques retenu est insuffisant au regard de l'étendue de la ville de Paris et du nombre d'habitants, que ces zones géographiques ne sont pas fondées sur la réalité du marché immobilier parisien et qu'elles ne correspondent pas à des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif en citant notamment les secteurs 2, 5 et 9. Il ressort de l'annexe 2 de l'arrêté en litige que s'agissant du secteur 2, pour les locations non meublées, les loyers de référence varient selon la période de construction entre 27,4 et 32,4 euros pour un mètre carré de surface habitable pour un logement d'une pièce, soit un écart de 5 euros, entre 25,1 et 27,9 euros pour un logement de deux pièces, soit un écart de 2,8 euros, entre 21,5 et 26,2 euros pour un logement de trois pièces, soit un écart de 4,7 euros, et entre 22 et 26,4 pour un logement de quatre pièces et plus, c'est-à-dire un écart de 4,4 euros. S'agissant du secteur 5, pour les locations non meublées, les loyers de référence varient selon la période de construction entre 26,3 et 28,8 euros pour un mètre carré de surface habitable pour un logement d'une pièce, soit un écart de 2,5 euros, entre 22,1 et 24,5 euros pour un logement de deux pièces, soit un écart de 2,4 euros, entre 20,2 et 23,9 euros pour un logement de trois pièces, soit un écart de 3,7 euros, et entre 19,8 et 21,5 pour un logement de quatre pièces et plus, c'est-à-dire un écart de 1,7 euros. S'agissant du secteur 9, pour les locations non meublées, les loyers de référence varient selon la période de construction entre 23,3 et 26,4 euros pour un mètre carré de surface habitable pour un logement d'une pièce, soit un écart de 3,1 euros, entre 19,6 et 23,1 euros pour un logement de deux pièces, soit un écart de 3,5 euros, entre 18 et 22,4 euros pour un logement de trois pièces, soit un écart de 4,4 euros, et entre 17,1 et 20,5 pour un logement de quatre pièces et plus, c'est-à-dire un écart de 3,4 euros. Il résulte de ces éléments que les secteurs 2, 5 et 9 recouvrent des zones géographiques homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le nombre de zones géographiques retenu par le préfet serait insuffisant au regard de la surface et de la densité de la ville de Paris, ni que ces zones n'auraient pas été délimitées avec une précision suffisante. Il s'ensuit que les critiques des intimées portant sur la méthodologie retenue et sur les éléments ayant résulté de son application ne sont pas fondées. Dans ces conditions, et à supposer même que la carte de ces zones géographiques disponible sur le site de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement en Ile-de-France serait insuffisamment détaillée, les moyens tirés de l'erreur de droit dans l'application de l'article 2 du décret du 10 juin 2015 et de l'erreur d'appréciation dans la délimitation des zones géographiques du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris doivent être écartés.

18. En huitième lieu, les intimées n'apportent aucun élément probant ni aucune argumentation pertinente au soutien du moyen tiré du détournement de procédure.

19. En neuvième lieu, il ressort de l'article 2 de l'arrêté contesté que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris a déterminé les catégories de logement pour lesquelles il a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés, en fonction des caractéristiques du logement relatives au type de location, meublée ou non meublée, du nombre de pièces principales au sens de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation et à l'époque de construction, c'est-à-dire en respectant les critères fixés par les dispositions de l'article 2 du décret du 10 juin 2015, citées au point 5. Dans ces conditions, les intimées ne peuvent utilement critiquer le choix des critères mis en œuvre par le préfet, ni utilement soutenir que ces critères ne permettent pas de définir avec une précision suffisante les catégories de logement pour lesquelles le préfet a fixé les loyers de référence. Les intimées critiquent l'application du critère de l'époque de construction en faisant valoir que les données collectées par l'OLAP en la matière ne sont pas suffisamment fiables, faute de connaître l'année de construction de l'ensemble des biens immobiliers pris en compte. Il ressort cependant du document intitulé " Médianes 2018-Paris " établi par l'OLAP en avril 2019 et de l'annexe 2 de l'arrêté en litige que le critère de l'époque de construction comprend quatre périodes : avant 1946, entre 1946 et 1970, entre 1971 et 1990 et après 1990 et que seule la période de construction 1946-1970 est hétérogène en matière de qualité de construction des biens immobiliers et concentre près de la moitié des données hétérogènes, très hétérogènes ou connaissant des problèmes de collecte. Or, même si l'ensemble des caractéristiques des logements sur lesquelles se fondent les bailleurs pour fixer le montant des loyers n'est pas retenu par le préfet, il ne ressort pas des pièces du dossier que la prise en compte du critère de la période de construction associé aux autres critères relatifs au type de location, meublée ou non meublée, au nombre de pièces principales au sens de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation prévus par l'article 2 du décret du 10 juin 2015 ne permettrait pas de déterminer de manière suffisamment précise les catégories de logement pour lesquelles le préfet a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés à compter du 1er juillet 2019. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit dans l'application de l'article 2 du décret du 10 juin 2015 et d'une erreur d'appréciation du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris dans la détermination des catégories de logement doivent être écartés.

20. En dixième lieu, ni la loi du 23 novembre 2018, ni le décret du 10 juin 2015, ni aucune autre disposition textuelle ne prévoient que les loyers fixés dans le cadre d'une convention conclue entre l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et ceux fixés par un bailleur bénéficiant d'un prêt locatif social doivent être exclus des données recueillies par l'OLAP pour déterminer les niveaux de loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques et calculer l'écart entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ainsi que le niveau de loyer médian, contrairement aux " logements appartenant à ou gérés par des organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de construction et de l'habitation ou appartenant à ou gérés par des sociétés d'économie mixte agréées en application de l'article L. 481-1 du même code, et faisant l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 351-2 dudit code qui sont exclus de cette expérimentation " en vertu de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018. En outre, la prise en compte des loyers " conventionnés Anah " et des " prêts locatifs sociaux " privés dans le champ d'observation de l'OLAP est conforme aux prescriptions méthodologiques de collecte, de contrôle, traitement et diffusion des données du Comité scientifique de l'observatoire des loyers. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la prise en compte de ces éléments fausserait les résultats de l'OLAP et entacherait d'illégalité l'arrêté en litige doit être écarté.

21. En onzième lieu, il ressort notamment du document intitulé " Médianes 2018- Paris " établi par l'OLAP que les médianes 2018 ont été calculées à partir de 53 250 observations, que les données observées et les données estimées et diffusées correspondent respectivement à 90,2 % et 7,1 % du parc locatif de la ville de Paris, soit un total de 97,3% . Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces données ne seraient pas de nature à permettre à l'OLAP de constater les écarts entre les loyers des logements loués nus et les loyers des logements loués meublés sur le marché locatif parisien, ni à permettre au préfet de déterminer précisément la majoration unitaire par mètre carré applicable aux loyers de référence pour tenir compte du caractère meublé du logement par catégories de logement et dans chaque secteur géographique. Il ressort de l'annexe 2 de l'arrêté contesté que le préfet n'a pas appliqué un coefficient de majoration de 13% à l'ensemble des logements meublés parisiens mais que celui-ci est différent en fonction des catégories de logement et des secteurs géographiques. Par suite, le moyen tiré de ce que le coefficient de majoration de 13% serait entaché d'erreur d'appréciation doit être écarté.

22. En douzième lieu, les intimées soutiennent que le préfet de la région d'Ile-de-France n'a pas précisé la durée de validité de l'arrêté en litige et aurait, par suite, méconnu le I de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018. Cependant, l'arrêté en litige vise l'article précité de la loi du 23 novembre 2018 et précise, en son article 4, que ses dispositions entrent en vigueur à compter du 1er juillet 2019. Dans ces conditions, le préfet a implicitement mais nécessairement respecté le caractère annuel de la fixation des loyers de référence, des loyers de référence majorés et des loyers de référence minorés pour la ville de Paris, et n'était pas, en outre, tenu de préciser la durée de validité de son arrêté découlant des mentions de celui-ci.

23. En treizième lieu, il résulte des points 16 à 21 que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation dans l'application des critères fixés par l'article 2 du décret du 10 juin 2015. Dans ces conditions, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris n'a pas méconnu le principe d'égalité entre les bailleurs soumis au dispositif d'encadrement des loyers, lesquels sont placés dans une situation différente selon l'emplacement de leurs biens immobiliers dans les différentes zones géographiques déterminées par l'arrêté contesté et des caractéristiques de ces biens immobiliers placés sur le marché locatif de la ville de Paris. Cette différence de traitement est, en effet, en rapport direct avec l'objectif légitime de politique sociale et notamment de la lutte contre le déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements sur le marché locatif parisien auquel entend répondre le dispositif d'encadrement des loyers prévu par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018.

24. En quatorzième lieu, aux termes de l'article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. / Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Le dispositif législatif d'encadrement des loyers, notamment les dispositions de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, visent, ainsi qu'il a déjà été dit, un but légitime de politique sociale en luttant contre les difficultés importantes, notamment d'ordre financier, d'accès au logement qui résultent, dans certaines zones urbanisées, du déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. Si ces dispositions, en permettant au préfet de fixer des " loyers de référence ", sont susceptibles de limiter l'exercice du droit de propriété des bailleurs, propriétaires de biens immobiliers situés sur le territoire de la ville de Paris, il ne ressort pas cependant des pièces du dossier que l'arrêté en litige porterait une atteinte disproportionnée à ces droits et notamment que les loyers encadrés par cet arrêté seraient excessivement bas par rapport aux loyers perçus avant leur encadrement, ni en tout état de cause que son application générerait des conséquences contraires aux objectifs sociaux poursuivis. Dès lors, le moyen tiré de l'inconventionnalité de cet arrêté doit être écarté.

25. En quinzième lieu, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que l'arrêté contesté, qui met en œuvre le dispositif d'encadrement des loyers décidé par le législateur, fasse peser une charge disproportionnée sur les propriétaires bailleurs louant des biens sur le territoire de la ville de Paris qui ont demeurant la possibilité d'appliquer un complément de loyer si les logements en cause présentent " des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique " ou s'agissant des logements meublés, pour tenir compte " des équipements et services associés " à ces logements, en vertu de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018. En outre, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'article 3 du décret du 10 juin 2015 précisant les conditions d'application de ce complément de loyer prévu par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 ne peut qu'être écarté. Il ressort en effet de l'arrêté en litige que l'article 3 du décret du 10 juin 2015 ne constitue pas la base légale de cet arrêté et que ce dernier n'a pas non plus été pris en application de l'article 3 du décret du 10 juin 2015.

26. En seizième lieu, en fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour la ville de Paris, à compter du 1er juillet 2019 dans le cadre du dispositif d'encadrement des loyers prévu par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris n'a pas méconnu la liberté contractuelle des propriétaires bailleurs louant des biens sur le territoire de la ville de Paris, le loyer de base des logements mis en location étant toujours fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, les bailleurs étant seulement tenus de respecter le montant du loyer de référence majoré qui est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence et celui du loyer de référence minoré qui est égal au loyer de référence diminué de 30 % en vertu de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018. En outre, ils disposent, comme il vient d'être dit, de la possibilité de majorer le montant du loyer en appliquant un complément de loyer en fonction des caractéristiques de leur bien immobilier.

27. En dix-septième lieu, l'arrêté contesté n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique, les contrats de bail en cours et les reconductions tacites à l'expiration du bail n'étant pas concernés par les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés fixés à compter du 1er juillet 2019 en application de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018.

28. En dix-huitième et dernier lieu, alors que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation dans l'application des critères fixés par l'article 2 du décret du 10 juin 2015, ainsi qu'il a déjà été dit, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 24 à 27, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les espérances légitimes des propriétaires bailleurs louant des biens sur le territoire de la ville de Paris d'obtenir la jouissance effective du droit de propriété, de pouvoir légitimement espérer que les contrats de bail conclus expirent dans les conditions initialement prévues, ni, à supposer même que l'application du dispositif d'encadrement des loyers entraînerait une baisse du montant des loyers pour près de 20 % des nouveaux contrats de bail, de tirer profit de la mise en location de leurs biens immobiliers sur le marché locatif parisien.

29. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 mai 2019 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent les associations chambre de la FNAIM du Grand Paris, la FNAIM et l'UNIS d'une part, et Mme B... d'autre part, au titre des frais liés à l'instance.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

31. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 22PA04134 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22PA04135 par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA04135 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Article 2 : Le jugement n°s 1915781/6-1 et 1915861/6-1 du 8 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Les demandes présentées devant le Tribunal administratif de Paris par l'association Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) Paris et Mme A... B... d'une part, et les associations chambre de la Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM) du Grand Paris, FNAIM et Union des syndicats de l'immobilier d'autre part, ainsi que leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à Mme A... B..., à la Chambre des propriétaires du Grand Paris - UNPI, à l'association UNPI Paris, à la chambre FNAIM du Grand Paris, à la Fédération nationale de l'immobilier et à l'Union des syndicats de l'immobilier.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 22PA04134, 22PA04135 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04134
Date de la décision : 02/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-02;22pa04134 ?
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