Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2225546/8 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Djemaoun, demande à la Cour :
1°) de transmettre au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, le dossier de la requête en lui soumettant la question suivante : " le moyen tiré de l'illégalité du contrôle d'identité devient-il opérant à l'encontre d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, dès lors que ce dernier n'est assorti d'aucune mesure de rétention administrative (aucune intervention du juge des libertés et de la détention) ce qui a concrètement pour effet de soustraire le contrôle de la régularité du contrôle d'identité à tout contrôle juridictionnel " ;
2°) d'annuler le jugement n° 2225546/8 du 23 février 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police (préfet territorialement compétent) de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire ne pouvait être prise neuf ans après le retrait de son titre de séjour alors qu'il s'agit d'une mesure accessoire du retrait de titre et doit être prise de façon concomitante ;
- il a été privé de la possibilité de formuler des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement ;
- les premiers juges ne pouvaient écarter comme inopérant le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle de police dès lors qu'aucun contrôle juridictionnel n'est alors effectué sur cet acte, ce qui justifie que le Conseil d'Etat soit saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne pouvait se fonder sur une obligation de quitter le territoire prise neuf ans auparavant sauf à être entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, qui n'est pas motivée, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- et les observations de Me Djemaoun, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins de transmission du dossier au Conseil d'Etat :
2. La faculté de transmettre le dossier au Conseil d'Etat prévue par les dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. B... tendant à ce que la Cour transmette le dossier au Conseil d'Etat en application de ces dispositions sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Dès lors que M. B... a fait l'objet le 23 octobre 2014 d'une décision lui refusant l'octroi d'un titre de séjour, et non d'une décision de retrait comme il le soutient à tort, le préfet des Hauts-de-Seine pouvait légalement prendre la mesure d'éloignement contestée, aucune disposition ne prévoyant qu'elle devait être concomitante de la décision de refus de séjour.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des mentions du procès-verbal d'audition du 7 décembre 2022, au cours de laquelle il a été entendu, que M. B... aurait été privé de la possibilité de formuler des observations, ce dernier ayant au demeurant été informé qu'il avait également la possibilité de formuler des observations écrites.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que le contrôle d'identité serait régulier ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 9 du jugement attaqué. Par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre une demande d'avis au Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, qui constitue en outre un pouvoir propre du juge, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
6. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
7. M. B... ayant fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français auquel il ne s'est pas conformé pris le 20 octobre 2014 par le préfet de police ainsi que cela résulte des mentions de la décision et des déclarations de l'intéressé faites devant les services de police lors de son audition le 7 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a ainsi pu prendre la décision contestée sans l'entacher d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation ou d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
10. Pour édicter la mesure contestée, le préfet des Hauts-de-Seine a relevé que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, que sa situation familiale ne fait pas état de fortes attaches sur le territoire et qu'il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire en 2014 à laquelle il ne s'est pas conformé. Il a ainsi suffisamment motivé sa décision et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 précitées quand bien même M. B... n'aurait pas fait l'objet d'une condamnation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01010