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28/09/2023 | FRANCE | N°23PA00045

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 septembre 2023, 23PA00045


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A..., agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, Mme C... A..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement n° 2103183 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejet

sa demande. Procédure devant la Cour : Par une ...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A..., agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, Mme C... A..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement n° 2103183 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 30 mai 2023, M. A..., agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure C..., représenté par Me Lendrevie, demande à la Cour : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler le jugement n° 2103183 du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2021 du préfet de Seine-et-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; 3°) d'annuler cet arrêté ; 4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation à travailler dans un délai de quinze jours, suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative, et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en statuant ultra petita ; - la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ; - le préfet de Seine-et-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et de celle de sa fille ; - le préfet a commis une erreur de droit en se dispensant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; - elle méconnaît son droit à être entendu garanti par les stipulations de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle. La requête a été transmise au préfet de Seine-et-Marne qui n'a produit aucune observation. Par une ordonnance de clôture en date du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2023, à 12 heures. Un mémoire a été enregistré le 14 août 2023 pour M. A..., soit postérieurement à la clôture de l'instruction. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 22 avril 1981 en Côte d'Ivoire, entré en France le 19 septembre 2016 avec un visa de court séjour, a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée le 30 mars 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis le 4 mars 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La demande de protection internationale faite en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure a, également, été rejetée le 15 mars 219 par l'OFPRA et le 11 octobre 2019 par la CNDA. Par un arrêté du 30 avril 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 28 février 2020 devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France. Par la suite, M. A... a sollicité sa régularisation à plusieurs reprises les 29 octobre 2019, 22 mai 2020, puis le 27 janvier et 25 février 2021, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au titre de l'admission exceptionnelle sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 12 mars 2021, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... interjette régulièrement appel du jugement n° 2103183 du 8 décembre 2022 du tribunal administratif de Melun qui a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 février 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions tendant à ce que soit prononcée l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle du requérant sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a visé le moyen soulevé par M. A..., tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il y a répondu en évoquant notamment la scolarité de sa fille au sein d'un dispositif de scolarité adapté d'accompagnement en raison de ses problèmes de santé et psychologiques, et en appréciant la situation de l'enfant au regard des structures éducatives accessibles dans son pays d'origine. Les premiers juges ne peuvent donc être regardés comme ayant statué ultra petita ni comme ayant méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur le bien-fondé du jugement et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens : 5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 6. Les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manières suffisamment directe et certaine, leur situation. 7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... qui appartient à l'ethnie malinké est arrivé en France en 2016 sous couvert d'un visa de court séjour pour fuir les persécutions dont il s'estimait victime dans son pays d'origine. Quelques temps après son arrivée en France, son épouse a quitté la Côte d'Ivoire avec leurs trois enfants (une fille et des jumeaux) afin de rejoindre son époux et pour que leurs deux filles échappent à l'excision, mais au cours de leur exil au Maroc, l'un des enfants du couple est tombé gravement malade. Pour cette raison et du fait des mauvais traitements subis au Maroc, l'épouse de M. A... est alors retournée en Côte d'Ivoire avec ses deux plus jeunes enfants. Elle est parvenue à envoyer en France sa fille C..., auprès de son père. Par ailleurs, M. A... produit un certificat médical rédigé par un chirurgien de l'hôpital général de Lakota le 2 septembre 2022 qui précise que la sœur de C..., Sarah née le 20 janvier 2017 a présenté lors de l'examen des organes génitaux des marques d'excision. 8. A cet égard, il ressort des sources pertinentes, toujours d'actualité, publiquement disponibles sur la Côte d'Ivoire, et notamment du rapport de mission menée conjointement par l'OFPRA et la CNDA du 25 novembre au 7 décembre 2019, que le taux de prévalence des mutilations génitales féminines oscille à l'échelle nationale, entre 25 et 50 %. En outre, selon la note de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada du 24 mars 2016 intitulée " Côte d'Ivoire : information sur la pratique de l'excision chez les Malinkés, y compris sur sa fréquence et l'âge auquel l'excision est pratiquée; information indiquant si la coutume veut qu'une jeune femme soit excisée avant de se marier; les lois touchant l'excision°; la possibilité de refuser l'excision et les conséquences en cas de refus; les recours possibles (2014-2016) ", 38 % des ivoiriennes âgées de quinze à quarante-neuf ans ont été excisées et cette pratique est particulièrement développée - taux de prévalence entre 74 et 80 % - chez les ethnies issues du Nord et du Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire, dont font partie les Malinkés, les Bambaras, les Dioulas et les Sénoufo. La note souligne également que, si l'excision est généralement pratiquée chez les Malinkés entre les âges de douze et quinze ans, cette pratique vise désormais des victimes de plus en plus jeunes, de la naissance à sept ans, afin de prévenir d'éventuelles contestations. Malgré la loi n° 98/757 du 23 décembre 1998 qui prévoit des sanctions pénales pour les auteurs de mutilations sexuelles féminines et leurs commanditaires, et malgré la possibilité de recours judiciaires en cas d'excision, les oppositions à cette pratique sont débattues à l'intérieur de chaque communauté. Ni la jeune fille concernée, ni une personne lui venant en aide ne pourraient s'y opposer par les voies légales sans être exclues de leur environnement familial et communautaire. Ainsi, l'excision se révèle, en Côte d'Ivoire, au sein de la communauté malinké, être une norme sociale particulièrement forte. 9. Compte tenu de cette norme, de l'appartenance de la famille en question à l'ethnie malinké, de la mutilation infligée à Sarah, de l'âge de dix ans de sa soeur C..., le risque d'excision pesant sur cette dernière ne peut être sérieusement contesté. Au demeurant, lors d'une demande de réexamen de la situation de l'enfant, la CNDA a reconnu, d'une part, la qualité de réfugiée de cette dernière en raison de son appartenance au groupe des enfants et des femmes non mutilées menacées de mutilations génitales, d'autre part, a estimé que son père a vocation à demeurer auprès de sa fille, qu'il élève. Alors même que cette décision du juge de l'asile est postérieure à la date de l'arrêté litigieux, elle confirme des faits en vigueur à la date où il a été pris. Dans ces conditions, la cellule familiale ne pouvant se reconstituer en Côte d'Ivoire, la décision litigieuse aurait pour effet de séparer la fille de M. A... de son père. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en prenant cet arrêté, le préfet de Seine-et-Marne a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Il résulte de tout ce qu'il précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 2103183 du tribunal administratif de Melun en date du 8 décembre 2022 et de l'arrêté attaqué. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 12. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés à l'instance : 13. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lendrevie, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lendrevie de la somme de 1 250 euros. D E C I D E : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.Article 2 : Le jugement n° 2103183 du tribunal administratif de Melun en date du 8 décembre 2022 et l'arrêté du 12 mars 2021 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.Article 3 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Lendrevie, avocat de M. A..., une somme de 1 250 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023 à laquelle siégeaient :- M. Soyez, président,- M. Simon, premier conseiller,- Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 septembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, J.-E. SOYEZ La greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.N° 23PA00045 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00045
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LENDREVIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-28;23pa00045 ?
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