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28/09/2023 | FRANCE | N°22PA05383

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 22PA05383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme de 119 064 euros émise à son encontre par la commune de Bobigny par trois titres exécutoires du 30 octobre 2020 et d'annuler lesdits titres exécutoires.

Par un jugement n° 2101865 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société de l'obligation de payer la somme de 262 euros et a rejeté l

e surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme de 119 064 euros émise à son encontre par la commune de Bobigny par trois titres exécutoires du 30 octobre 2020 et d'annuler lesdits titres exécutoires.

Par un jugement n° 2101865 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société de l'obligation de payer la somme de 262 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 décembre 2022 et 13 mars 2023, la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères, représentée par Me Makki, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101865 du 17 octobre 2022 ;

2°) d'annuler les titres exécutoires n°s 05479, 05480 et 05481 émis le 30 octobre 2020 ;

3°) d'annuler la délibération du 14 décembre 2016 du conseil municipal de Bobigny fixant les tarifs des droits de voirie ;

4°) en tout état de cause de la décharger de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par les titres de perception contestés ;

5°) d'enjoindre à la commune de Bobigny de lui restituer la somme de 118 802 euros sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Bobigny la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction en ne sollicitant pas la production de la délibération du 1er mars 2012 fixant les redevances pour utilisation du domaine public alors que cette production était utile à la résolution du litige ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de la motivation des titres de perception ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen portant sur la validité de la signature électronique ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la signature des titres de recettes, en l'absence de signature électronique et de preuve du respect des conditions prévues par les dispositions de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales et celles de l'arrêté du 27 juin 2007 ;

- les titres exécutoires ne sont pas suffisamment motivés, qu'il s'agisse de la durée exacte de l'occupation du domaine public et des tarifs appliqués qui ne correspondaient pas aux tarifs applicables prévus par la délibération du 14 décembre 2016 ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation s'agissant du caractère excessif de l'augmentation des droits de voirie, ce caractère excessif étant de nature à justifier une annulation des titres exécutoires, et s'agissant du caractère disproportionné de ces droits de voirie par rapport aux avantages procurés aux occupants du domaine public.

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 mars et 2 mai 2023, la commune de Bobigny, représentée par Me Cuzzi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique ;

- le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Makki, représentant la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères.

Considérant ce qui suit :

1. La société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères s'est vu confier la réalisation de parois périphériques, de terrassements généraux et de travaux de gros œuvre dans le cadre plus général d'une opération de réhabilitation du quartier et de constructions de 67 logements, menée par la société Bouygues Immobilier. Elle a bénéficié à cet effet d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public, lors des années 2018, 2019 et 2020. Le 30 octobre 2020, la commune a émis trois titres exécutoires correspondant aux redevances d'occupation du domaine public lors de l'année 2019 pour un total de 119 064 euros. La société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de ces titres ainsi que leur annulation. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 262 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé du jugement est dépourvu de précisions permettant d'en apprécier la portée.

3. En second lieu, si la société requérante soutient que le jugement est entaché d'une omission à statuer en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de validité de la signature électronique dans les conditions prévues par les dispositions de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales, il ressort des mentions du jugement qu'il a relevé que ces dernières dispositions n'ont pour objet que d'attester du caractère exécutoire du titre de recette et non sa légalité formelle et qu'il a ainsi répondu au moyen soulevé.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales : " Les ordonnateurs des organismes publics, visés à l'article D. 1617-19, lorsqu'ils choisissent de transmettre aux comptables publics, par voie ou sur support électronique, les pièces nécessaires à l'exécution de leurs dépenses ou de leurs recettes, recourent à une procédure de transmission de données et de documents électroniques, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre en charge du budget pris après avis de la Cour des comptes, garantissant la fiabilité de l'identification de l'ordonnateur émetteur, l'intégrité des flux de données et de documents relatifs aux actes mentionnés en annexe I du présent code et aux deux alinéas suivants du présent article, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la justification des transmissions opérées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les titres de recettes emporte attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les recettes concernées et rend exécutoires les titres de recettes qui y sont joints conformément aux dispositions des articles L. 252 A du livre des procédures fiscales et des articles R. 2342-4, R. 3342-8-1 et R. 4341-4 du présent code. ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique : " I. - En application de l' article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales , la signature électronique des fichiers de données et de documents électroniques transmis au comptable est effectuée par l'ordonnateur ou son délégataire au moyen : / - soit d'un certificat garantissant notamment son identification et appartenant à l'une des catégories de certificats visées par l'arrêté du ministre de l'économie et des finances en date du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics (NOR : EFIM1222915A) ; / - soit du certificat de signature " DGFiP " délivré gratuitement par la direction générale des finances publiques aux ordonnateurs des organismes publics visés à l'article 1er du présent arrêté ou à leurs délégataires qui lui en font la demande. ".

5. En l'espèce, les titres contestés font référence au bordereau n° 00415, lequel, émis le 30 octobre 2020 et mentionnant les trois titres de recettes contestés, est signé par M. B... A..., " ordonnateur " avec la mention " Ce bordereau est signé. Ces éléments sont déduits du flux avec présence de signature électronique ". Ces éléments suffisent à établir la réalité de la signature électronique du bordereau dématérialisé, en l'absence de contestation sérieuse de la conformité de la solution logicielle proposée par le prestataire de la commune à la mise en œuvre des protocoles exigés par les dispositions précitées, tout comme de contestation sérieuse de la validité du certificat de signature fourni par ce tiers de transmission au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 27 juin 2007.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". En vertu de ces dispositions, la mise en recouvrement d'une créance doit comporter, soit dans le titre de perception lui-même, soit par la référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul ayant servi à déterminer le montant de la créance. Les titres exécutoires attaqués indiquent précisément la durée de l'occupation et les bases de liquidation sur lesquelles ils reposent. Ils sont donc suffisamment motivés.

7. La société requérante fait grief aux titres exécutoires de ne mentionner la durée d'occupation du domaine public qu'en termes de mois, sans préciser les dates exactes, et de faire référence à des tarifs qui ne sont pas ceux qui ont été appliqués finalement. D'une part, et quand bien même les dates de début et de fin de chantier prises en compte ne seraient pas précisées, chacun de ces titres exécutoires vise la décision d'autorisation sur laquelle il se fonde, soit pour les titres n°s 5479 et 5480, la décision n° A82-18 qui elle-même vise la demande de la société d'occuper le domaine public pour une durée de 18 mois de mars 2018 à décembre 2019 et, pour le titre n° 5481, la décision n° A106-18 qui vise également la demande d'autorisation de la société et la lui accorde pour une durée de 18 mois à compter de mai 2018. L'ensemble de ces éléments était ainsi suffisant au regard des dispositions précitées au point 6. D'autre part, la circonstance que le tarif finalement appliqué ne soit pas celui prévu par la délibération du 14 décembre 2016 n'est pas de nature à entacher les titres contestés d'un défaut de motivation.

8. En troisième lieu, la société soutient que les titres contestés seraient fondés sur une délibération du 14 décembre 2016 illégale du fait du caractère excessif des droits de voirie, lequel serait démontré par la forte augmentation des tarifs décidée en 2016 par rapport aux tarifs institués en 2012, et du caractère disproportionné de la somme demandée par rapport aux avantages procurés par l'occupation du domaine public, ce qui correspondrait à une surfacturation. Outre que la première branche du moyen n'est pas assortie de précisions suffisantes pour en apprécier la portée, la seule augmentation des tarifs n'étant au demeurant pas, en elle-même de nature, à démontrer le caractère excessif des tarifs fixés par la délibération de 2016, la seconde branche se borne à faire état de ce que les sommes demandées représentent 8,2 % du montant du chantier et 2,4 fois son bénéfice de 2020 et n'est ainsi pas de nature à établir la disproportion alléguée, précision étant faite que les premiers juges n'étaient pas tenus, compte tenu du caractère insuffisamment étayé des écritures de la société, de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction.

9. En dernier lieu, la circonstance que le tribunal ait déchargé la société de l'obligation de payer une partie des sommes demandées n'est pas de nature à entrainer l'annulation des titres contestés.

10. Il résulte de ce qui précède, que la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bobigny, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bobigny sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères est rejetée.

Article 2 : La société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères versera une somme de 1 500 euros à la commune de Bobigny.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise de bâtiments et béton armé Ferracin Frères et à la commune de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05383
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-28;22pa05383 ?
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