Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé aux fins de non-admission au système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2223082/3-3 du 21 février 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 4 novembre 2022 par laquelle le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, a enjoint au préfet de police de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du 21 février 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris n'est pas fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né en 1994, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un premier arrêté du 20 janvier 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêt n° 23PA00005 du 18 juillet 2023, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement n° 2203472/2-1 du 11 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un second arrêté du 4 novembre 2022, le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé aux fins de non-admission au système d'information Schengen. Le préfet de police fait appel du jugement du 21 février 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé le second arrêté en tant qu'il interdit à M. B... de retourner sur le territoire français durant douze mois.
Sur le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".
3. Pour annuler la décision du 4 novembre 2022 par laquelle le préfet de police a interdit à M. B... de retourner sur le territoire français durant douze mois, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondée sur le motif tiré d'une erreur d'appréciation en ce que la circonstance qu'aucun traitement approprié à l'état de santé de M. B... n'est disponible en Tunisie, est constitutive de circonstances humanitaires justifiant qu'aucune interdiction de retour ne soit prononcée à son encontre. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de la maladie de Crohn, qui lui a été diagnostiquée en France en octobre 2019 et pour laquelle il est suivi depuis lors au sein du service d'hépato-gastroentérologie de l'hôpital Bichat à Paris, et que sa maladie nécessite de lui administrer une perfusion d'Infliximab toutes les huit semaines en hôpital de jour. Si, pour justifier que cette molécule n'est pas disponible en Tunisie, l'intéressé a produit, en première instance, des courriers électroniques des 15 et 27 décembre 2022 par lesquels les laboratoires " Pfizer " et " Janssen " lui ont indiqué que leurs médicaments contenant l'Infliximab ne sont pas commercialisés en Tunisie, ces indications ne font toutefois pas apparaître que ces médicaments étaient indisponibles à la date de la décision attaquée. En outre, alors que le préfet de police établit en appel, en s'appuyant sur des informations issues du site internet de la Pharmacie Centrale de Tunisie, établissement public chargé de l'approvisionnement du pays en médicaments, que les laboratoires " Al Hikma " et " Johnson et Johnson Middle East FZ-LLZ " commercialisaient l'Infliximab en mai 2022, M. B... ne fournit pas plus en appel qu'en première instance d'éléments attestant que cette molécule n'était pas commercialisée par ces laboratoires à la date de la décision attaquée. Enfin, alors qu'il résulte des propres écritures de première instance de M. B... que la maladie de Crohn peut être également traitée par la molécule dénommée Adalimumab, l'intéressé ne justifie, ni même n'allègue, que cette molécule était indisponible en Tunisie à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, si M. B... fait valoir que le " système [de soins] privée [en Tunisie] est accessible seulement aux élites ", que les " remboursements de soins ne sont pas pris en charge " et que la crise du Covid a fragilisé le système de santé tunisien, il n'établit pas, par le seul exposé de ces considérations générales, qu'il ne pourrait pas personnellement bénéficier du régime de sécurité sociale en Tunisie ni que les services publics de santé tunisiens ne seraient pas effectivement en mesure de le prendre en charge médicalement ni encore qu'il serait dans l'impossibilité de faire face aux dépenses entraînées en Tunisie par le suivi et les examens auxquels il est astreint. Dans ces conditions, la situation de M. B... ne peut être regardée comme constituant des circonstances humanitaires au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondée, pour annuler la décision du 4 novembre 2022, sur le motif tiré d'une erreur d'appréciation en ce que la situation de M. B... relèverait de circonstances humanitaires justifiant qu'aucune interdiction de retour ne soit prononcée à son encontre.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif de Paris :
5. Pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 20 janvier 2022, était toujours présent sur le territoire français après l'expiration du délai de départ volontaire de trente jours dont cette mesure d'éloignement était assortie. M. B... soutient que ce délai de départ volontaire de trente jours n'était pas expiré à la date à laquelle l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée est intervenue. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de l'arrêt n° 23PA00005 du 18 juillet 2023 de la Cour administrative d'appel de Paris, que, par un arrêté du 20 janvier 2022, le préfet de police a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, que M. B... a saisi le Tribunal administratif de Paris pour contester cet arrêté le 12 février 2022 et que, la saisine de ce tribunal ayant un caractère suspensif en vertu des dispositions de l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce délai n'a repris son cours qu'à compter de la notification du jugement n° 2203472/2-1 du 11 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris. Dès lors que le préfet de police n'établit pas la date à laquelle l'arrêté du 20 janvier 2022 a été notifié à M. B..., celui-ci doit être regardé comme ayant reçu notification de cet arrêté le 12 février 2022, date à laquelle il a saisi le Tribunal administratif de Paris. Ainsi, le délai de départ volontaire de trente jours accordé à l'intéressé, qui a commencé de courir à compter de la notification du jugement du 11 octobre 2022, n'avait nécessairement pas expiré le 4 novembre 2022, date à laquelle le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. B... l'interdiction de retour contestée. Par suite, M. B... ne s'étant pas maintenu irrégulièrement sur le territoire français à la date de la décision attaquée, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de M. B..., que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 4 novembre 2022 par laquelle il a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01147