La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2023 | FRANCE | N°23PA00940

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 septembre 2023, 23PA00940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par une ordonnance du 17 octobre 2022, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis le dossier de la requête de M. B... au Tribunal administratif de Montreuil.

Par un j

ugement n° 2215634 du 22 février 2023, la magistrate désignée par le président du Tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par une ordonnance du 17 octobre 2022, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis le dossier de la requête de M. B... au Tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 2215634 du 22 février 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Funck, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 22 février 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 30 septembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, ou, à défaut, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, au requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23, L. 432-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 17 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ayant constaté que la demande d'asile de M. B..., ressortissant mauritanien, né en 1991, avait été définitivement rejetée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 22 juillet 2022, notifiée le 4 août suivant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 30 septembre 2022, obligé l'intéressé à quitter le territoire français en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement du 22 février 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, le bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle de M. B.... Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".

4. La décision attaquée, qui vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que " la demande d'asile (...) [de] M. B... a été rejetée par décision de [l'OFPRA] en date du 15 février 2022, notifiée le 3 mars 2022 et que la [CNDA] a rejeté sa requête le 22 juillet 2022, ce qui lui a été notifié le 4 août 2022 ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait été saisi d'une demande de titre de séjour sur un fondement autre que celui de l'asile. Dès lors, il ne peut être reproché au préfet de ne pas avoir visé dans l'arrêté attaqué les dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre / (...) ".

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que ces dispositions s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé et qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français prise, comme en l'espèce, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 de ce code. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

8. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté au préfet de la Seine-Saint-Denis une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile avant l'intervention de l'arrêté attaqué, alors qu'au demeurant, cet arrêté indique, sans qu'il soit contesté sur ce point, que le préfet a invité le requérant à lui faire savoir s'il estimait pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre que celui de l'asile et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai de deux mois ou, si sa demande devait se fonder sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trois mois. L'arrêté attaqué mentionne également, sans qu'il soit davantage contesté sur ce point, que M. B... n'a pas déposé de demande de titre de séjour dans les délais qui lui étaient ainsi impartis. Ainsi, le requérant a été mis en mesure de présenter les observations qu'il estimait utiles et pertinentes sur les décisions susceptibles d'être prises par l'autorité administrative. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu garanti par le droit de l'Union européenne et d'un défaut d'examen de la situation du requérant doivent être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-3 du même code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". Aux termes de l'article R. 532-57 du même code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

10. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire français à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande, pour le cas où une telle décision est prise, lui soit notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé contre cette décision, jusqu'à la date de la lecture de la décision de la CNDA ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. En l'absence de notification de la décision rejetant la demande d'asile présentée par l'intéressé, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la CNDA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'ordonnance de la CNDA rejetant la demande d'asile de M. B... lui a été notifiée le 4 août 2022. Ainsi, l'intéressé ne disposait plus, à compter de cette date, du droit de se maintenir sur le territoire français. Si le requérant soutient qu'il disposait de l'un des documents mentionnés au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'attestation de sa demande d'asile, qui était valable du 31 mai 2022 au 30 novembre 2022, ne lui a pas été retirée, il ressort cependant des pièces du dossier que l'article 4 de l'arrêté attaqué dispose que celui-ci " annule et remplace le récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile en possession de l'intéressé ". Ce faisant, le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être regardé comme ayant abrogé l'attestation de la demande d'asile de M. B... à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail / (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 de ce code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".

13. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

14. D'une part, M. B... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne peut utilement invoquer ces dispositions qui ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français attaquée sans méconnaître ces dispositions ainsi que ceux tirés d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

15. D'autre part, si M. B... soutient qu'il est entré en France le 24 décembre 2017 et qu'il n'a pas cessé d'y résider, il ne justifie d'une intégration significative dans la société française qu'à compter du 22 février 2021, date à laquelle il a conclu un contrat de travail à durée indéterminée, soit depuis seulement un an et sept mois à la date de l'arrêté attaqué. Si le requérant se prévaut également de la présence en France de deux membres de sa famille en situation régulière, il ne justifie toutefois pas du lien de parenté l'unissant à ces personnes qu'il présente comme ses oncles paternels. Enfin, M. B..., qui est célibataire et sans charge de famille en France, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge d'au moins 25 ans et où, selon ses propres déclarations faites lors de son entretien à l'OFPRA le 11 février 2022, résident sa mère ainsi qu'une sœur. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

17. M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fondé l'arrêté attaqué sur un motif tiré de ce que la présence du requérant en France constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, ce moyen doit être écarté.

18. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le prononcé, par l'autorité administrative, à l'encontre d'un ressortissant étranger, d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de cet article n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour de l'intéressé en France. Ainsi, lorsque l'étranger s'est borné à demander l'asile, sans présenter de demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement, il appartient au préfet, après avoir vérifié que l'étranger ne pourrait pas prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, de tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par le directeur général de l'OFPRA, confirmé le cas échéant par la CNDA, sans avoir à statuer explicitement sur le droit au séjour de l'étranger en France. Lorsque le préfet fait néanmoins précéder, dans le dispositif de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, un article indiquant le rejet de la demande d'admission au séjour de l'étranger au titre de l'asile, cette mesure, qui ne revêt aucun caractère décisoire, est superfétatoire.

19. En l'espèce, même s'il mentionne, à son article 1er, que " La demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par [M. B...] est rejetée ", l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 8, que l'intéressé aurait présenté une demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement que l'asile. Ainsi, cette mesure étant superfétatoire, en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité d'une " décision " de refus de titre de séjour, doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile / (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

21. Il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, le directeur général de l'OFPRA ou la CNDA saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut, et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. En premier lieu, si M. B..., qui fait valoir qu'il a fui la Mauritanie à la suite des persécutions dont il dit avoir fait l'objet en raison de sa couleur de peau, soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est borné à " reproduire les dates des décisions de rejet de l'OFPRA et de la CNDA ", il ressort cependant des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'après avoir indiqué la nationalité mauritanienne de M. B... puis constaté que sa demande d'asile avait été rejetée, en dernier lieu, par la CNDA le 22 août 2022, le préfet a également relevé que l'intéressé " [n'établissait] pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Ce faisant, le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être regardé comme ayant vérifié qu'un renvoi du requérant vers son pays d'origine ne contrevenait pas aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ont une portée équivalente au fond à celle des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. B... doit être écarté.

23. En second lieu, le requérant, dont la demande d'asile a été, au demeurant, rejetée définitivement par une ordonnance de la CNDA en date du 22 août 2022, n'apporte, à l'appui de ses allégations de risques de persécutions, aucun élément de nature à établir qu'il serait personnellement et effectivement exposé à des peines ou des traitements inhumains et dégradants ou que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. B....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00940
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : FUNCK

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-27;23pa00940 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award