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27/09/2023 | FRANCE | N°22PA01278

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 septembre 2023, 22PA01278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la Province Sud à lui verser une indemnité totale de 2 427 796 francs CFP en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis lors de son recrutement et de son reclassement indiciaire dans le corps des ingénieurs du domaine de l'économie rurale des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, d'enjoindre à la province Sud de reconstituer sa carrière en la reclassant rétroactiveme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, de condamner la Province Sud à lui verser une indemnité totale de 2 427 796 francs CFP en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis lors de son recrutement et de son reclassement indiciaire dans le corps des ingénieurs du domaine de l'économie rurale des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, d'enjoindre à la province Sud de reconstituer sa carrière en la reclassant rétroactivement à compter du 1er août 2020 au 4ème échelon du 2ème grade du corps des ingénieurs du domaine de l'économie rurale des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de condamner la Province Sud à lui verser une somme de 20 000 000 francs CFP en réparation du préjudice qu'elle subira pendant toute sa carrière en raison d'un retard d'avancement et enfin, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise aux fins d'établir son préjudice et la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 2100164 du 16 décembre 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 16 mars 2022 et le 11 décembre 2022 Mme A..., représentée par Me Loste, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100164 du 16 décembre 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la Province Sud à lui verser une somme totale de 2 427 796 francs CFP ;

3°) d'enjoindre à la Province Sud de reconstituer sa carrière en la nommant à compter du 1er août 2020 au 4ème échelon du 2ème grade du corps des ingénieurs du domaine de l'économie rurale des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, sous astreinte de 100 000 francs CFP par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de condamner la Province Sud à lui verser une somme de 20 000 000 francs CFP en réparation du préjudice qu'elle subira pendant toute sa carrière en raison d'un retard d'avancement et enfin, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise aux fins d'établir son préjudice et la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la Province Sud le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la Province Sud a commis une faute en lui promettant une rémunération contractuelle l'incitant à démissionner de son précédent emploi et en ne la recrutant finalement pas avec cette rémunération ;

- elle a commis une faute en ne prenant pas en compte son expérience professionnelle pour déterminer son échelon de recrutement sur titre ;

- elle a commis une faute en prenant tardivement la décision de la recruter sur titre ;

- elle a commis une faute en ne traitant pas sa procédure de recrutement comme celle d'autres agents dans des situations similaires ;

- elle a subi, du fait de ces fautes, des préjudices financier et moral devant être réparés à hauteur de la somme totale de 2 427 796 francs CFP ;

- la réparation de ses préjudices implique en outre la reconstitution de sa carrière ou, à défaut, une indemnité supplémentaire de 20 000 000 francs CFP ou à titre subsidiaire la désignation d'un expert.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2022 et le 27 janvier 2023 la Province Sud, représentée par Me Bineteau, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 500 000 francs CFP soit mis à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable car dépourvue de critique du jugement ;

- à titre subsidiaire les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi 99-210 du 19 mars 1999 ;

- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 ;

- la délibération n° 74 du 12 février 2009 ;

- la délibération n° 21-2011/APS du 23 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Di Stefano pour la Province Sud.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui exerçait alors des fonctions d'ingénieur au sein d'un bureau d'études, a conclu le 8 mars 2018 un contrat à durée déterminée avec la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie pour exercer, du 12 mars 2018 au 31 mai 2019, les fonctions d'expert technique rural au département des études de la direction du développement rural, avec une rémunération déterminée par référence à l'échelon de stagiaire de la grille des ingénieurs de 2ème classe. Elle a ensuite été recrutée par un contrat à durée déterminée du 17 septembre 2019, pour la période du 17 septembre 2019 au 16 septembre 2020, sur un poste d'instructrice environnement à la direction de l'environnement, avec une rémunération déterminée également par référence à l'échelon de stagiaire de la grille des ingénieurs de 2ème classe. Enfin, par un arrêté du 9 juillet 2020, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a recruté Mme A... en qualité d'ingénieur du 2ème grade du domaine de l'économie rurale des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, l'a classée au 2ème échelon de son grade à compter du 1er août 2020 et l'a mise à la disposition de la présidente de l'assemblée de la province Sud. Mme A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Province Sud à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des conditions de ses recrutements successifs, et à ce qu'il soit enjoint à la Province Sud de reconstituer sa carrière.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Mme A... a présenté, dans le délai d'appel, une requête qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance, mais énonce l'exposé des faits et des moyens à l'appui de sa critique du jugement attaqué. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la Province Sud doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des termes du jugement que le Tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments développés au soutien d'un moyen, n'a pas omis de répondre, en ses points 4 à 6, au moyen, soulevé par Mme A..., tiré de ce que la détermination de l'échelon de référence pour sa rémunération en tant qu'agent contractuel serait entachée d'une illégalité fautive.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la délibération n° 21-2011/APS du 23 juin 2011 relative aux modalités de recrutement et de rémunération de certains agents contractuels de la province Sud : " Le recrutement sur un emploi autre que ceux fixés en annexes s'effectue, compte tenu de l'appréciation par l'employeur des fonctions exercées et des diplômes détenus par l'agent, en référence et par assimilation à un des emplois et une des catégories statutaires de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie (A, B, C). ". L'article 7 de la même délibération dispose que : " Les agents visés à l'article 1 sont rémunérés suivant un indice brut de la grille locale de traitements des fonctionnaires déterminé en fonction de l'emploi occupé. Ils peuvent, le cas échéant, se voir servir les primes et indemnités en vigueur au sein de la collectivité provinciale sous réserve de justifier des conditions y ouvrant droit. ".

5. Mme A... soutient que la Province Sud a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ayant fixé la rémunération afférente à ses deux contrats de travail par référence à l'indice détenu par les ingénieurs de 2ème grade à l'échelon de stagiaire, alors que les deux emplois successivement occupés en exécution de ces contrats ne figuraient pas dans les annexes de la délibération précitée et que la Province aurait dès lors dû tenir compte de son diplôme d'ingénieur.

6. En fixant la rémunération de Mme A..., titulaire d'un diplôme d'ingénieur, qui occupait pour la première fois les emplois successifs d'expert technique rural puis d'instructrice environnement, à l'indice détenu par les ingénieurs de 2ème grade à l'échelon de stagiaire, la Province Sud a tenu chaque fois compte des diplômes détenus et de l'emploi occupé par la requérante, et a par suite fait une exacte application des dispositions précitées de la délibération du 23 juin 2011, qui n'imposent aucune prise en compte de l'expérience professionnelle antérieure de la personne recrutée comme agent contractuel.

7. En deuxième lieu, pas plus en appel qu'en première instance, Mme A... n'établit, par ses seules affirmations, ni par les courriers électroniques qu'elle produit, que la signature des deux contrats susmentionnés aurait été obtenue, après qu'elle a donné sa démission, sous la pression ou de manière non consentie. Elle n'établit pas plus, par ces mêmes échanges de courriers qui mentionnent seulement l'évocation d'une rémunération au 2ème échelon de la grille des ingénieurs de 2ème classe lors d'un échange oral avec l'administration, que la Province Sud se serait formellement engagée à lui octroyer une rémunération supérieure à celle qui a été fixée dans les deux contrats en cause.

8. En troisième lieu, Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que la Province Sud aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à raison, d'une part, du traitement anormalement long de son dossier de recrutement sur titre, et d'autre part, de la rupture d'égalité de traitement avec d'autres agents recrutés sur titre, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ces moyens par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Province Sud, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que la Province Sud demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Province Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la Province Sud.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA01278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01278
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-27;22pa01278 ?
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