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27/09/2023 | FRANCE | N°22PA00143

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 septembre 2023, 22PA00143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1803475 du 2 décembre 2021 D... administratif de Melun a déchargé M. et Mme B... en conséquence de la réduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu de l'année 2013 à la somme de 372 232 euros, et a rejeté le surplus de leur demande.

Pro

cédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2022 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1803475 du 2 décembre 2021 D... administratif de Melun a déchargé M. et Mme B... en conséquence de la réduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu de l'année 2013 à la somme de 372 232 euros, et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2022 et le 21 juillet 2022 sous le n° 22PA00143, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1803475 du 2 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B... l'impôt sur le revenu dont la décharge a été prononcée.

Il soutient que :

- D... a ajouté à la loi en considérant que les dispositions dérogatoires du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts ne sont applicables qu'en cas de cession partielle de titres fongibles, alors qu'elles s'appliquent également en cas de cession intégrale de titres fongibles comme en l'espèce ;

- M. et Mme B... ne rapportent pas la preuve du caractère identifiable et individualisable des titres cédés ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance sur les autres moyens.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 juin 2022 et le 26 juillet 2022 M. et Mme B..., représentés par Me Le Camus, demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête du ministre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- la solution retenue par D... est conforme à la doctrine de l'administration.

II - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2022, le 2 août et le 2 novembre 2022 sous le n° 22PA00462, M. et Mme B..., représentés par Me Le Camus, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1803475 du 2 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu de l'année 2013 mises à leur charge à hauteur de 83 198 euros en droits, 6 650 euros en intérêts de retard et 8 320 euros en pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en procédant à une cession en 2013 dans le cadre de son départ à la retraite, M. B... pouvait bénéficier à la fois du dispositif prévu à l'article 150-0- D ter du code général des impôts pour les titres détenus depuis plus de 8 ans, et du dispositif général d'abattement pour les titres détenus depuis plus de 2 ans et moins de 6 ans ;

- ne pas le faire bénéficier du cumul de ces deux régimes le placerait dans une situation moins favorable que les contribuables ne cédant pas leurs titres dans le cadre d'un départ à la retraite d'un dirigeant d'entreprise, à l'encontre de la volonté du législateur.

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 avril 2022 et le 12 septembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour de rejeter la requête de M. et Mme B....

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Camus pour M. et Mme B....

Une note en délibéré, enregistrée le 12 septembre 2023, a été présentée pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alors président de la SAS Bâtiment Etude Réalisation (BER), a cédé le 24 avril 2013, à l'occasion de son départ en retraite, l'intégralité des 485 actions qu'il détenait de cette société. Il a déclaré une plus-value de 962 607 euros résultant de cette cession en entendant bénéficier, sur l'intégralité de cette somme, d'un abattement de 100 % en application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, après avoir ramené le montant de la plus-value à 898 104 euros, a remis en cause le calcul de l'abattement pour durée de détention en relevant que si les 265 titres détenus depuis plus de huit ans à la date de leur cession pouvaient bénéficier de l'abattement de 100 %, en revanche les 220 autres titres, détenus depuis moins de six ans, ne pouvaient bénéficier d'aucun abattement. Il en est résulté une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 mise à leur charge par une proposition de rectification du 15 février 2016. Saisi par M. et Mme B..., D... administratif de Melun a ramené l'assiette de cette cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de 407 387 euros à 372 323 euros, a prononcé la décharge correspondant à cette réduction de base, et a rejeté le surplus de la demande de M. et Mme B... qui tendait à la décharge intégrale de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette décharge partielle, M. et Mme B... faisant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 22PA00143 et n° 22PA00462 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

3. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu ".

4. Aux termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa version applicable compte tenu de la date de la cession en cause, relatif aux cessions de titres par les dirigeants à l'occasion de leur départ à la retraite : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts ou sur plus de 50% des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l'usufruit, sur plus de 50% des droits dans les bénéfices sociaux de cette société (...) si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés (...) ". Cet article 150-0 D bis du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, applicable en vertu des dispositions précitées, dispose que : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies. (...) ".

5. Enfin l'article 150-0 D, dans sa version applicable, de ce même code dispose que : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci [...] / 3. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres " "

6. Il est constant que 220 des 485 titres cédés par M. B... le 24 avril 2013 ont été acquis par lui en 2009 et ne pouvaient, pour ce motif, bénéficier de l'abattement prévu par les dispositions précitées de l'article 150-0-D bis du code général des impôts.

7. Pour prononcer la décharge partielle en litige, les premiers juges ont retenu, s'agissant de ces 220 titres, que leur prix de revient unitaire devait être déterminé en retenant leur prix effectif d'acquisition et non leur valeur moyenne pondérée comme l'avait fait l'administration fiscale qui avait pris en compte, outre la valeur d'acquisition des 220 titres, celle des 265 autres titres.

8. Il résulte des termes mêmes du 3. de l'article 150-0 D du code général des impôts, qui constituent une dérogation au principe, fixé au 1 de cet article, de la détermination de la plus-value imposable par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition, qu'un contribuable qui cède l'intégralité des titres d'une société qu'il détient ne procède pas, ce faisant, à la cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, au sens des dispositions précitées. Par suite, le gain net retiré de ladite cession intégrale doit être déterminé en retenant le prix effectif d'acquisition et non la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres, alors même que ces titres sont fiscalement fongibles. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge partielle de l'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme B..., à concurrence de la diminution de base résultant de la prise en compte des prix effectifs d'acquisition et de cession des 220 titres acquis par M. B... en 2009.

Sur l'appel de M. et Mme B... :

9. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa version applicable rétroactivement au 1er janvier 2013 : " 1. (...) / Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. / 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : / a) 50 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. (...). "

10. Pour soutenir, comme en première instance, que les 220 titres ne bénéficiant pas de l'abattement prévu par les dispositions précitées de l'article 150-0-D bis du code général des impôts pouvaient néanmoins bénéficier, compte tenu de leur durée de détention, de l'abattement de 50% prévu par ailleurs par le 1ter de l'article 150-0 D précité, M. B... soutient comme en première instance que le régime de faveur prévu pour les dirigeants d'entreprise partant à la retraite n'est pas exclusif, mais peut au contraire se cumuler avec celui, dit de " droit commun ", prévu pour les autres contribuables.

11. Toutefois, le dispositif dérogatoire alors prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts, sous le régime optionnel duquel M. et Mme B..., en souscrivant la déclaration n° 2074 DIR, ont placé l'opération de cession en cause, s'applique nécessairement à la totalité des titres cédés en une seule fois à l'occasion du départ à la retraite du dirigeant, ainsi que tel est le cas en l'espèce, et non uniquement à une fraction de ces titres, quand bien même ils représenteraient au moins 50 % des droits de vote, pour permettre, comme le revendiquent les intéressés, l'application du régime de droit commun, prévu à l'article 150-0 D, aux plus-values résultant de la cession d'une autre fraction des titres lorsque ce régime se révélerait plus favorable au contribuable, la juxtaposition de ces régimes à l'occasion d'une opération unique de cession portant sur l'intégralité des titres à l'occasion du départ à la retraite d'un dirigeant n'étant pas prévue par les dispositions en cause.

12. Il résulte de tout ce qui précède que tant la requête du ministre que celle de M. et Mme B... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 22PA00143 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.

Article 2 : La requête n° 22PA00462 de M. et Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... et Mme A... B...

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00143, 22PA00462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00143
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-27;22pa00143 ?
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