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31/07/2023 | FRANCE | N°20PA00885

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2023, 20PA00885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 janvier 2017, 28 novembre 2017 et 18 juin 2018, le groupement d'entreprises, dont le mandataire est la société Bouygues Travaux publics Régions France, ainsi que les sociétés le composant, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme globale de 1 754 388,44 euros HT au titre du solde du marché portant sur des travaux en vue de la réouverture de la ligne ferroviaire Avignon - Sorgues - Carpentras, assor

tie des intérêts moratoires à compter du 25 avril 2015, avec capitalisation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 janvier 2017, 28 novembre 2017 et 18 juin 2018, le groupement d'entreprises, dont le mandataire est la société Bouygues Travaux publics Régions France, ainsi que les sociétés le composant, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme globale de 1 754 388,44 euros HT au titre du solde du marché portant sur des travaux en vue de la réouverture de la ligne ferroviaire Avignon - Sorgues - Carpentras, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 avril 2015, avec capitalisation des intérêts à compter du 25 avril 2016.

Par un jugement n°1701704/4-3 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande du groupement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mars 2020 et 15 février 2021, la société Bouygues Travaux publics Régions France, en son nom propre et en sa qualité de mandataire du groupement momentané d'entreprises constitué avec les sociétés Colas Midi Méditerranée et Valérian, la société Colas Midi Méditerranée et la société Valérian, toutes représentées par Me Cabanes, demandent à la Cour de :

1°) annuler l'article 5 du jugement en tant qu'il rejette le surplus de leur demande ;

2°) condamner SNCF Réseau à verser la somme de 1 621 495,28 euros HT se décomposant ainsi :

- en rémunération des prestations effectuées, 42 327,31 euros HT au profit de Bouygues TRF, 18 916,41 euros HT au profit de Colas Midi Méditerranée et 70 897,04 euros HT au profit de Valérian ;

- en réparation du préjudice subi, 708 535 euros HT au profit de Bouygues, 754 630 euros au profit de Valérian et 35 987,52 euros HT au profit de Colas Midi Méditerranée ;

3°) assortir ces sommes des intérêts moratoires à compter du 25 avril 2015, avec capitalisation des intérêts à compter du 25 avril 2016 ;

4°) mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 5 000 euros à leur verser à chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont statué " ultra petita " en relevant à tort un moyen qui n'est pas d'ordre public ;

- la demande d'indemnisation pour les travaux supplémentaires sans ordre de service n'est pas forclose dès lors que c'est l'article 14.1 et non l'article 85.1 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG) Travaux qui s'applique au rejet par le maître d'œuvre de cette demande, que le groupement a respecté la procédure de l'article 85.1 dès lors qu'un mémoire en réclamation intitulé " différend sur prix nouveau " a été produit par l'entreprise Valérian, que la procédure prévue à l'article 85-1 CCCG ne prévoit pas de délai opposable au groupement, et que SNCF Réseau ne pouvait pas soulever cette irrecevabilité contractuelle devant les premiers juges dès lors qu'elle est réputée y avoir renoncé ;

- en ce qui concerne l'indemnisation liée à l'ajournement des travaux relatifs au PN 6 et à la résiliation du marché correspondant, la réalité de l'étendue du préjudice est démontrée dès lors que l'existence même du dommage et le droit à indemnité sont admis, que la charge de la preuve de la réalité du préjudice ne lui incombe pas spécialement, qu'il appartient au juge, s'il estimait être insuffisamment éclairé par les pièces du dossier, d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'elles doivent être indemnisées des conséquences liées à l'ajournement d'une partie des travaux et à la résiliation du marché, source de préjudice d'un montant de 1 542 215 euros : concernant la société Bouygues TP RF : au titre des pertes sur encadrement/maîtrise, l'indemnisation s'élève à la somme de 243 468 euros, au titre du matériel à la somme de 90 002 euros, au titre des installations de chantier, à la somme de 14 104 euros, au titre du matériel loué de levage, et de coffrage et bétonnage, respectivement à la somme de 57 456 euros et à la somme de 18 442 euros, au titre des fournitures en part propre à la somme de 71 229 euros, au titre de la sous-traitance, à la somme de 60 299 euros, au titre de l'ajournement et des demandes de chiffrages alternatifs, à la somme de 9 540 euros, au titre du non amortissement des frais fixes, à la somme de 242 277 euros, au titre de la perte de marge, à la somme de 24 510 euros, soit un préjudice total d'un montant de 742 585 euros ; concernant la société Valerian : au titre du surcoût relatif au personnel d'encadrement, le préjudice s'élève à la somme de 399 865,50 euros, au titre du défaut d'amortissement du matériel, à la somme de 91 856,53 euros, au titre de la perte de négociation relative aux fournitures en matériaux de carrière, à la somme de 102 704,68 euros, au titre de la perte de négociation relative aux sous-traitants, à la somme de 8 830,95 euros, au titre du non amortissement des frais fixes, à la somme de 151 371 euros, soit un préjudice total d'un montant de 754 630 euros ; concernant la société Colas Midi Méditerranée : au titre de l'encadrement de chantier, le préjudice s'élève à la somme de 15 000 euros, au titre des fournitures, à la somme de 8 487,92 euros, au titre des frais fixes, à la somme de 13 850 euros, au titre de la perte de marge, à la somme de 9 012,48 euros, soit un préjudice total d'un montant de 45 000 euros ;

- elles sont fondées à demander au titre des prix nouveaux le paiement de la somme de 18 893,70 euros HT correspondant à la rémunération restant due des prestations réalisées au titre des forfaits du fascicule A, A100 à A 900 dont 800 euros HT pour la société Bouygues TP RF, 7 219,40 euros HT pour la société Colas Midi Méditerranée, 10 874,30 euros HT pour la société Valerian ;

-au titre des travaux supplémentaires, en ce qui concerne les prix nouveaux notifiés ayant fait l'objet de réserves, le solde dû au groupement, concernant la société Bouygues TP RF, s'établit à la somme de 3 575 euros HT, concernant la société Valerian, s'agissant des prix nouveaux n° 6bis et 7 bis à la somme de 9 359,27 euros HT, s'agissant du prix nouveau 8 bis, à la somme de 1 980 euros, s'agissant du prix nouveau 11, à la somme de 3 707,32 euros, s'agissant du prix nouveau n° 13, à la somme de 1 859,25 euros HT ; en ce qui concerne les prix nouveaux non notifiés relatifs aux travaux supplémentaires qui n'ont fait l'objet d'aucune régularisation par un ordre de service, concernant la société Bouygues, s'agissant des prix nouveaux 010 et 013, le montant dû est de 3 416 euros HT, s'agissant du prix nouveau 014, il est de 2 507 euros HT, s'agissant du prix nouveau 018, il est de 3 857 euros HT, s'agissant du prix 100, il est de 9 897 euros , concernant la société Valerian, s'agissant du prix nouveau n° 5 le montant dû est de 3 932 euros HT, s'agissant des prix nouveaux 12 et 17 à 20, il est de 21 599 euros HT (prix nouveau 12), de 1 953,60 euros HT (prix nouveau 17) et 1 286,50 euros HT (prix nouveau 18) et 501,50 euros HT (prix nouveau 19) et 401 euros ( prix nouveau 20), s'agissant des prix nouveaux 14, 15, et 24, le montant dû est respectivement de 7 214 euros HT, 1 927,60 euros HT et 1 276 euros, s'agissant du prix nouveau 23, le montant dû est de 6 831,30 euros HT, concernant la société Colas Midi Méditerranée, elle doit être rémunérée à hauteur de 90 895,40 euros HT ;

- le montant à allouer au groupement au titre des prestations supplémentaires s'élève ainsi à la somme de 186 149,74 euros HT (Hors révision) soit 31 176 euros HT pour la société Bouygues TP RF, 63 828,34 euros HT pour la société Valerian et 90 895,40 euros HT pour la société Colas Midi Méditerranée ;

- les intérêts moratoires ont commencé à courir sur l'ensemble des sommes dues à compter du 25 avril 2015 en application de l'article 3.12 du cahier des clauses administratives particulières ;

- le décompte général du marché doit être arrêté à la somme de 5 492 788,14 euros HT, et le solde à verser aux sociétés du groupement s'élève à 1 754 388,44 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er février 2021 et 9 mars 2022, la société SNCF Réseau, représentée par Me Symchowicz, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la Cour de :

1°) rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, réformer le jugement en tant qu'il a fait droit à une partie des demandes des membres du groupement, annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 du jugement en tant qu'il a fixé le solde du décompte général et définitif à la somme de " 60 730,86 " euros TTC et a condamné SNCF Réseau à verser la somme totale de " 60 730,85 " euros assortie des intérêts de retard, rejeter l'ensemble des demandes des membres du groupement, établir le montant du décompte général et définitif à la somme de 3 587 770,24 euros HT, fixer le solde du décompte général et définitif du marché à 130 686,39 euros HT au bénéfice de SNCF Réseau, condamner le groupement à lui verser la somme de 227 026,03 euros en paiement du solde du marché et en remboursement des sommes injustement versées par SNCF Réseau en exécution du jugement, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation desdits intérêts,

- à titre subsidiaire, réformer le jugement en tant qu'il a inexactement déterminé le solde du marché, annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 du jugement en ce qu'il a fixé le solde du décompte général et définitif à la somme de 50 609,05 euros HT et a condamné SNCF Réseau à verser la somme totale de 60 730,85 euros assortie des intérêts de retard, rejeter l'ensemble des demandes des membres du groupement, établir le montant du décompte général et définitif à la somme de 3 537 161,19 euros HT, fixer le solde du décompte général et définitif du marché à 80 077,34 euros HT au profit de SNCF Réseau, condamner le groupement à lui verser la somme totale de 166 295,17 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation desdits intérêts ;

3°) mettre à la charge du groupement la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SNCF Réseau soutient que :

- les demandes liées à l'ajournement du PN6 sont tardives dès lors qu'il n'y pas de distinction entre une mesure relevant du pouvoir du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre en cours d'exécution du contrat, que l'ajournement du PN6 constituait un différend entre le maître d'œuvre et le groupement né lors de l'exécution du contrat et que l'ordre de service portant ajournement des travaux sur le PN6 a été signé du maître d'œuvre et de la personne responsable du marché, que le différend n'est pas la décision d'ajournement elle-même mais l'analyse de la demande du groupement présenté au maître d'œuvre, que les conséquences des décisions d'ajournement ou de suppression de travaux relèvent bien de la compétence du maître d'œuvre ;

- la demande du groupement est irrecevable car elle méconnaît l'article 13.35 du CCCG Travaux faute d'avoir transmis préalablement les justifications nécessaires devant le maître de l'ouvrage, et qu'en l'absence de réclamation chiffrée et justifiée, le décompte général doit être réputé avoir été accepté par l'entrepreneur et devient ainsi définitif ;

- pour ce qui concerne les conclusions indemnitaires du groupement, la demande de prix nouveau 8bis de Valérian est infondée dès lors que l'article A10.3.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoit l'intégration au prix forfaitaire du marché initial des études et des prestations portant modification des documents dès lors qu'ils résultent d'une évolution du chantier ; l'ensemble des études, essais et travaux de purge réalisés étaient prévus de manière forfaitaire dans le contrat au chapitre D 8.2.3 du livret D du CCTP, aux articles D.1.3.1, D1.2 .2, A 200 et A300 du bordereau unitaire des prix ; le coût des géotextiles mentionnés à l'ordre de service n°8 intègre les géotextiles nécessaires aux essais de l'ordre de service n°14 et la demande du groupement, ayant déjà fait l'objet d'une rémunération, ne peut être rémunérée une seconde fois, à un prix trois fois plus élevé que ce qui avait été établi antérieurement ; la demande d'indemnisation au titre des pertes de marge annoncées est infondée dès lors que les entreprises n'apportent pas la preuve des marges dont elles se prévalent ;

- pour ce qui concerne le solde du décompte fixé par le jugement, le montant de 60 730,86 euros TTC invoqué par le groupement n'inclut pas les acomptes déjà versés au groupement à hauteur de 3 718 456,63 euros HT, ni ne mentionne le solde négatif qui en résultait au titre du décompte général.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la

SNCF (CCCG) ;

- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,

- et les observations de Me Couette, représentant la société Bouygues travaux publics régions France, la Société Colas Midi Méditerranée, et la Société Valerian et de Me Vigier, représentant la société SNCF Réseau.

Une note en délibéré a été enregistrée le 20 avril 2023, présentée pour la société SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un marché de travaux en vue de la réouverture de la ligne ferroviaire Avignon - Sorgues - Carpentras, SNCF Réseau a conclu avec la société Systra une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage le 9 juillet 2009 et la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement composé de la société Setec ferroviaire, mandataire, de Setec international et de Diades. Un marché comportant des prix unitaires et forfaitaires a été signé le 17 janvier 2013 avec le groupement conjoint d'entreprises composé de la société Bouygues TP RF, mandataire du groupement, de la société Colas Midi Méditerranée et de la société Valerian, pour un montant de 5 035 437,93 euros HT au titre de travaux d'ouvrage d'art, sur les passages à niveaux n° 1 (PN 1), n° 5 (PN 5) et n° 6 (PN 6). Par un courrier du 10 mars 2015, le groupement a adressé au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final pour un montant de 5 492 788,14 euros. Le maître d'ouvrage a notifié au groupement le 28 juin 2016 le décompte général du marché arrêté à la somme de 3 587 770,24 euros. Le groupement a contesté ce décompte général par un mémoire en réclamation du 8 juillet 2016 tendant au versement de la somme complémentaire totale de 1 877 944, 73 euros HT. Par un courrier du 28 novembre 2016, la société Systra a rejeté le mémoire en réclamation. Le groupement ainsi que les sociétés le composant ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme globale de 1 754 388,44 euros HT au titre du solde dû. Par un jugement du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à cette demande. Le groupement et les sociétés qui le composent relèvent appel de ce jugement à l'encontre duquel la société SNCF Réseau exerce, pour sa part, un appel incident.

Sur la régularité du jugement :

2. Les requérantes soutiennent que les premiers juges ont statué " ultra petita " en relevant à tort un moyen qui n'est pas d'ordre public, tiré d'une irrecevabilité contractuelle invoquée par le défendeur dans des termes au demeurant différents de ceux retenus par le jugement.

3. Il ressort toutefois du dossier de première instance que le groupement a demandé le paiement de plusieurs prestations supplémentaires sur le fondement des stipulations de l'article 14.1 du CCCG Travaux, et qu'en défense, la société SNCF Réseau a opposé la forclusion de cette demande au regard de l'article 85.1 du même CCCG, au motif notamment que la demande relevait des stipulations de l'article 85.1 et non de l'article 14.1 du CCCG. Ainsi, en jugeant que la demande présentée n'entrait pas dans les prévisions de l'article 14.1 de ce CCCG mais dans celles de l'article 85.1, les premiers juges n'ont fait qu'accueillir le moyen soulevé en défense par SNCF Réseau. Dès lors, le moyen dirigé contre la régularité du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les fins de non-recevoir opposées par SNCF Réseau :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes de paiement de travaux supplémentaires effectués sans ordre de service :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du CCCG Travaux : " 14.1 Le présent article concerne les travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix ". L'article 85.1 du même CCCG stipule que : " Si, au cours de l'exécution du marché, un différend intervient entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre, celui-ci en réfère à la personne responsable du marché qui fait connaître sa réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire justificatif de l'entrepreneur exposant les motifs et indiquant le montant de sa réclamation. L'absence de notification de décision dans le délai de deux mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si l'entrepreneur n'accepte pas la décision de la personne responsable du marché, ou le rejet implicite de sa demande, il doit, à peine de forclusion, dans les trois mois qui suivent la notification de la décision ou l'expiration du délai de réponse de deux mois de la personne responsable du marché : Soit aviser par écrit la personne responsable du marché de son désaccord et de son intention de réitérer sa réclamation lors de la signature du décompte général, Soit saisir le tribunal compétent et en informer la personne responsable du marché ". Il résulte de ces stipulations combinées que l'article 14.1 s'applique uniquement en cas d'établissement de prix nouveaux pour les travaux supplémentaires ou modificatifs décidés par ordre de service et que l'article 85.1 s'applique aux demandes de paiement de travaux supplémentaires effectués sans ordre de service.

5. Il résulte de l'instruction que le groupement a présenté, le 29 octobre 2013, une demande de rémunération de prestations supplémentaires effectuées sans aucun ordre de service, en la dénommant prix nouveaux (PN), qui n'entrait donc pas dans les prévisions de l'article 14.1 précité. Cette demande ayant été rejetée par une décision de la maîtrise d'œuvre en date du 21 novembre 2013, soit dans le délai de deux mois prévu à l'article 85.1, le refus opposé à cette demande a fait naître un différend entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre au sens de l'article 85.1 du CCCG Travaux.

6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 2.41 du CCCG Travaux : " Au sens du présent CCCG, des entrepreneurs sont considérés comme groupés s'ils ont présenté une offre commune. Il existe deux sortes d'entrepreneurs groupés : les entrepreneurs groupés solidaires et les entrepreneurs groupés conjoints (...). Dans les deux cas, l'un des entrepreneurs, désigné dans l'offre comme mandataire : représente l'ensemble des entrepreneurs groupés vis-à-vis du maître de l'ouvrage, pour l'exécution du marché, y compris pour l'application de l'article 85 ; assure, sous sa responsabilité, la coordination de ces entrepreneurs ; il est, à ce titre, le seul interlocuteur du maître de l'ouvrage et du maître d'œuvre ; est solidaire de chacun des autres entrepreneurs dans les obligations contractuelles de ceux-ci à l'égard du maître de l'ouvrage. ".

7. Le groupement étant conjoint avec mandataire solidaire, seule la société Bouygues TP RF, en sa qualité de mandataire solidaire, représente l'ensemble des entrepreneurs groupés vis-à-vis du maître de l'ouvrage, pour l'exécution du marché, y compris pour l'application de l'article 85 précité. Si la société Valérian, qui est co-traitante et non mandataire, a présenté une réclamation le 27 janvier 2014, soit dans le délai de trois mois suivant la décision de rejet de la maîtrise d'œuvre en date du 21 novembre 2013, une telle réclamation, qui n'émanait pas de la société Bouygues TP RF, ne peut pas être regardée comme ayant été régulièrement présentée au nom du groupement ni la procédure de l'article 85.1 CCCG Travaux respectée. La circonstance que cette procédure ne prévoirait pas de délai opposable pour référer au maître d'ouvrage d'un différend survenu entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre, est en l'espèce inopérante dès lors que le groupement n'a, en tout état de cause, présenté aucune réclamation après la notification du rejet du 21 novembre 2013.

8. En troisième lieu, si le groupement se prévaut du courrier de rejet de la réclamation présentée postérieurement à la notification du décompte général et soutient que la société SNCF Réseau doit être regardée comme ayant renoncé implicitement mais nécessairement, par ce courrier, à l'irrecevabilité contractuelle, il ne résulte pas des termes de ce dernier ni d'aucun autre élément de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait eu, à cet égard, un comportement équivoque. Par ailleurs, les règles contractuelles d'irrecevabilité peuvent être invoquées pour la première fois en appel par le maître d'ouvrage, défendeur de première instance.

9. Il résulte de ce qui précède que les demandes de paiement des prix nouveaux relatifs aux prestations supplémentaires sans ordre de service sont tardives et doivent, comme l'a jugé le tribunal administratif, être rejetées.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande d'indemnisation des conséquences de l'ajournement des travaux relatifs au passage à niveau n° 6 (PN 6) :

10. Aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, dans sa version alors en vigueur et applicable au litige : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre ". Il résulte de ces dispositions que l'ajournement d'une partie du marché relève de la seule compétence du maître de l'ouvrage. Il s'ensuit que le différend relatif aux conséquences, notamment financières, d'une telle décision oppose l'entrepreneur et le maître d'ouvrage et non le maître d'œuvre, alors même qu'il surviendrait en cours d'exécution du marché. Par suite, le moyen tiré de ce que le groupement aurait méconnu les stipulations de l'article 85-1 du CCCG Travaux est inopérant dès lors que ces stipulations ne s'appliquent qu'aux différends survenant entre le maître d'œuvre et l'entrepreneur. La fin de non-recevoir opposée par la société SNCF Réseau doit donc être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif du décompte général :

11. Aux termes de l'article 13.31 CCCG-Travaux : " (...) Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'œuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. ". L'article 13.34 du même CCCG stipule que : " Le décompte général est signé par la personne responsable du marché et notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : quatre-vingt dix jours après la date de réception, par le maître d'œuvre, du projet de décompte final ; trente jours après la publication des indices ou index de référence permettant la révision du solde. Au vu du décompte général qui lui est notifié, l'entrepreneur émet la facture pour solde du montant résultant du calcul établi par le maître d'œuvre et la transmet à celui-ci qui l'adresse, à son tour, à la personne responsable du marché ". Aux termes de l'article 13.35 du CCCG-Travaux : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'œuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. (...) Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85 (...) ". Aux termes de l'article 85.2 du même CCCG : " Si l'entrepreneur refuse de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire de réclamation exprimant ces réserves et remis dans les conditions du paragraphe 35 de l'article 13, d'un délai de six mois pour notifier sa décision. L'absence de notification de décision dans le délai de six mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si dans le délai de trois mois à partir de la notification de décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte ".

12. Il résulte de l'instruction que, le 8 juillet 2016, le groupement d'entreprises a transmis au maître d'œuvre le décompte général signé avec réserves et que le mémoire en réclamation qui lui était joint comportait le chiffrage de la réclamation ainsi que des éléments visant à la justifier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société SNCF Réseau, tirée de ce que le groupement d'entreprises n'aurait pas respecté la procédure de contestation du décompte général prévue à l'article 13.35 du CCCG en ne motivant pas de manière suffisante son mémoire en réclamation, et que le décompte général serait dès lors devenu définitif, doit être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires du groupement et des sociétés le composant :

En ce qui concerne les prix nouveaux fixés par les ordres de service n°4 et 6, n° 9, n° 10, n° 11 et n° 14 :

13. En premier lieu, l'article A10.3.3 du CCTP prévoit l'obligation pour le groupement d'entreprises de réaliser les études complémentaires nécessaires et l'article A200 du bordereau des prix implique l'intégration au prix forfaitaire du marché initial des études et des prestations portant modification des divers documents d'exécution nécessités par l'évolution du chantier. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 9 du 6 septembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour la réalisation des ouvrages de soutènement destinés à protéger le coffret gaz au niveau du PN5, afin de tenir compte de l'incompatibilité du terrain avec le projet de mur en béton armé. Le coût des prestations correspondantes doit ainsi être intégré aux coûts liés à la modification des études concernant des prestations initialement prévues au marché ayant évolué en cours d'exécution du contrat, et incluses dans le prix forfaitaire en application de l'article A200 du bordereau unitaire des prix. Dès lors la société Valérian n'est pas fondée à solliciter le paiement des études relatives à ces travaux, qui n'ont au demeurant pas le caractère de sujétions techniques imprévues.

14. En deuxième lieu, les prestations d'études, essais et travaux de purge réalisées relèvent des stipulations de l'article D 8.2.3 du CCTP prévoyant la réalisation de planches d'essai afin de " vérifier l'adéquation de la méthodologie et des moyens proposés par l'Entrepreneur avec les performances à atteindre ". Les essais font ainsi partie intégrante de la mission de l'entrepreneur et sont rémunérés selon les articles D1.3.1, D.1.2.2, A200 et A300 du bordereau des prix afférents aux reconnaissances préalables, planches d'essais et planches de référence. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 10 du 21 septembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les travaux " de réalisation des purges sur la route départementale n° 16 sur la commune d'Entraigues ", réalisés par la société Valérian, pour un montant de 18 532,8 euros HT correspondant à la seule fourniture de matériaux drainants, dès lors que l'ensemble des études, essais et travaux de purge réalisés étaient prévus de manière forfaitaire dans le contrat au chapitre D 8.2.3 du livret D du CCTP, aux articles D.1.3.1, D1.2 .2, A 200 et A 300 du bordereau unitaire des prix. La société Valérian n'est donc pas fondée à solliciter le paiement des prestations ainsi effectuées.

15 . En troisième lieu, l'ordre de service n° 4 relatif aux travaux de " rabattement de nappe au droit des terrassements OA " a été émis le 24 avril 2013 et signé avec réserves le 24 avril 2013. Ces travaux ont été réalisés par la société Valérian entre le 11 et 25 juin 2013. Par un ordre de service n° 6 du 4 juillet suivant, le prix nouveau de cette prestation a été fixé par la maîtrise d'œuvre à la somme de 33 669, 73 euros HT, correspondant " à la fouille sud ", et signé avec réserves le 18 juillet 2013. Les requérantes demandent une indemnisation supplémentaire à ce titre au motif que les travaux réalisés portaient non seulement sur la fouille sud mais également sur la fouille nord.

16 . Il résulte de l'instruction, et notamment des réserves émises le 29 avril 2013 par le groupement d'entreprises, que le périmètre des travaux n'était pas initialement complètement défini, le mandataire indiquant lui-même " que son devis restera à parfaire suivant le dimensionnement du dispositif après étude ". Or, par un courriel du 3 juin 2013, antérieur à la réalisation des travaux, le mandataire du groupement a été informé par le maître d'œuvre que " l'essai complémentaire réalisé par Colas, puis Valérian montre que la stabilité des talus provisoires en 1/1 est assuré sur la fouille OA nord. Le rabattement sera donc réalisé exclusivement sur la fouille sud et le prix nouveau correspondant vous sera notifié rapidement ". Cette limitation des travaux à la fouille sud a été rappelée à nouveau au groupement par un courriel en date du 10 juin 2013, indiquant que tout impact financier ou de délai relatif à ces travaux réalisés sans l'accord du maître d'œuvre est à la charge de l'entrepreneur. Les sociétés requérantes ne contestent pas que lors d'une réunion de chantier en date du 5 juin 2013, antérieure à la réalisation des travaux, et à laquelle se réfère le courriel du 10 juin précité, il a été précisé au groupement que le rabattement de la nappe ne devait être effectué que sur la fouille sud. Par suite, le groupement ne pouvait ignorer que les travaux ordonnés par l'ordre de service n° 4 ne portaient que sur la fouille sud, sans qu'ait à cet égard d'incidence la circonstance que la maîtrise d'œuvre ne se soit pas manifestée lors de la réalisation des travaux.

17. Si les requérantes soutiennent qu'en tout état de cause, les travaux relatifs à la fouille nord constituaient des travaux indispensables dès lors que les entreprises auraient été tenues de pomper la nappe phréatique de la fouille nord pour réaliser les travaux, elles ne démontrent pas que ces travaux, qui ont causé l'effondrement du talus, étaient nécessaires, et que les prévisions faites lors du sondage précédant les travaux, qui avaient indiqué que le talus était stable et que les travaux pouvaient être réalisés uniquement sur la fouille sud, auraient été erronés. Par suite, et dès lors que le caractère indispensable des travaux n'est pas établi, la demande indemnitaire présentée au titre des travaux réalisés sur la fouille nord doit être rejetée.

18. En quatrième lieu, par un ordre de service n° 11 du 21 novembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les travaux de " mise en place de 48 m de barrière Heras, soit 25 euros HT le ml ", réalisés par la société Bouygues, pour un montant de 1 814,14 euros HT et le groupement d'entreprises a signé cet ordre de service avec réserves le 4 décembre 2013. Les requérantes demandent une indemnisation supplémentaire de ces travaux à hauteur de 3 575 euros HT au motif que le montant de 25 euros HT ne prend pas en compte les frais de chantier, notamment les coûts des plots béton et de la main-d'œuvre, que ce prix nouveau est erroné car il mentionne 48 mètres de barrières, alors qu'il s'agit de 48 barrières de 2 mètres chacune, qu'il se base sur le prix des barrières Heras qui ne peuvent être mises en œuvre pour des passages publics et qu'il ne prend pas en compte la nécessité de placer des panneaux de signalisation.

19 . Il résulte toutefois du courrier de la maîtrise d'œuvre du 21 novembre 2013 que le calcul proposé a bien été réalisé sur la base de 48 barrières pour un montant unitaire de 37,40 euros. Le prix proposé a, dès lors, bien pris en compte le nombre exact de barrières et un prix de vente incluant notamment la main-d'œuvre qui n'est pas le prix " déboursé sec ". Par ailleurs, le groupement n'apporte aucun élément de nature à établir que le maître d'œuvre lui aurait demandé de réaliser 96 mètres et non 48 mètres de barrière, que le type de barrière retenu dans les prix nouveaux provisoires ne pouvait être mis en place pour encadrer un passage piéton et que l'installation de panneaux de signalisation était nécessairement requise. Par suite, la demande indemnitaire présentée par le groupement à ce titre doit être rejetée.

20. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que par un ordre de service n° 14 du 21 novembre 2013, la maîtrise d'œuvre a fixé un prix nouveau provisoire pour les " essais complémentaires réalisés sur la zone du barreau Nord et de la déviation provisoire (...) non compris le géotextile ", réalisés par la société Valérian, pour un montant de 6 676,75 euros HT et que le groupement d'entreprises a signé cet ordre de service avec réserves le 4 décembre 2013. La société Valérian demande d'ailleurs une indemnisation supplémentaire de ces travaux à hauteur de 1 859,25 euros HT, dès lors que les géotextiles renforcés nécessaires à ces essais n'ont pas été payés. Il résulte de l'ordre de service n°8 du 9 juillet 2013 que la portance observée des sols au niveau du barreau Nord du rétablissement routier lié à la suppression du PN5 nécessitait un renforcement de géotextile impliquant un surcoût du 1,10 euros HT /m². Si un montant de 2 408,88 euros HT correspondant à une plus-value de 1,10 euros HT/m² a été accordé au groupement, il ne ressort toutefois pas de cet ordre de service ni d'aucune autre stipulation contractuelle que les géotextiles utilisés pour ces essais complémentaires auraient été inclus dans la plus-value mentionnée dans l'ordre de service n°8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les études en cause, qui ont fait l'objet d'un ordre de service et d'une proposition de prix nouveaux, constituaient des prestations supplémentaires et n'ont pu être couvertes par le prix forfaitaire des études d'exécution prévues initialement au marché. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'accorder l'indemnisation demandée à hauteur de 1 859,25 euros HT, soit 2 231,10 euros TTC.

En ce qui concerne les prix nouveaux pour les prestations réalisées au titre des forfaits du fascicule A, A100 à A900 :

21. Les sociétés requérantes doivent être regardées comme faisant valoir que l'absence de paiement de ces prestations est révélé par la différence entre la somme figurant dans la dernière situation mensuelle de travaux du mois de juillet 2014, validée par le maître d'œuvre et mentionnant une somme de 3 713 009,70 euros pour les travaux dus au titre du contrat, et celle retenue dans le décompte général qui indique une somme de 3 677 323,41 euros HT. Or, il résulte de l'instruction, notamment du mémoire en réclamation, que la somme de 3 713 009,70 euros a fait l'objet d'un règlement avant la notification du décompte général. Dès lors que les sociétés requérantes n'établissent pas qu'une moins-value aurait ensuite été retenue sur ce point dans le cadre du décompte général, l'existence du préjudice subi par elles au titre de l'absence de paiement de la somme mentionnée dans la situation mensuelle des travaux de juillet 2014 n'est pas établie. Par suite, la demande indemnitaire présentée à ce titre doit être rejetée.

En ce qui concerne l'indemnisation liée à l'ajournement des travaux relatifs au PN6 :

22. Si l'engagement de la responsabilité contractuelle sans faute de la personne publique ouvre de plein droit au cocontractant le droit d'être indemnisé, c'est à la condition de démontrer la réalité du préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice. Aux termes de l'article 21 du CCCG-Travaux : " 21.1 La personne responsable du marché peut, à tout moment, décider l'ajournement des travaux/ 21.2 Dès que l'ajournement est prononcé, il est procédé suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. /21.3. L'entrepreneur, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de l'ajournement. / une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixées dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités de l'article 14. / 21.4 En cas d'ajournement des travaux l'entrepreneur procède au stockage des approvisionnements et fabrications visées au paragraphe 3 de l'article 1. Au delà de trois mois de stockage, l'entrepreneur est fondé à présenter une demande d'indemnisation à raison des frais qu'engendre pour lui celui-ci ".

23. Il résulte de l'instruction que lors de la réunion de démarrage des travaux, le 22 janvier 2013, la société Systra a informé le groupement d'entreprises du gel des travaux du PN6 en raison de difficultés liées à la procédure de cession de parcelles sur cette emprise, que par un ordre de service n°2 du 28 mars 2013, les travaux initialement prévus ont été ajournés à compter du 22 janvier 2013, et que, par un courrier du 11 avril 2013, le groupement a signé cet ordre de service en émettant des réserves liées à l'incidence financière de cet ajournement.

24. Ni la société Bouygues TP RF, ni la société Colas Midi Méditerranée ni la société Valérian n'apportent la preuve, pas plus en appel qu'en première instance, qui leur incombe, avant toute mesure d'expertise en vue de leur évaluation, de la réalité des préjudices qu'elles allèguent, qu'il s'agisse des dépenses de matériels, des frais relatifs à la réalisation d'études et de chiffrages complémentaires, d'une perte de pouvoir de négociation auprès de ses sous-traitants et de l'absence d'amortissement de ses frais fixes invoqués par la société Bouygues TP RF, ou, pour la société Valérian, d'un surcoût relatif au personnel d'encadrement, d'un défaut d'amortissement du matériel, de la perte d'un pouvoir de négociation sur les fournitures en matériaux de carrière, de la perte de négociation relative aux sous-traitants et de l'absence d'amortissement des frais fixes, ou encore, pour la société Colas, d'une augmentation du coût des fournitures et des frais fixes. Quant aux dépenses de main-d'œuvre résultant de la suppression de ces travaux, le groupement ne rapporte pas la preuve que ses personnels n'auraient pas pu être affectés, en tout ou partie, à d'autres chantiers, alors que le délai d'exécution du marché était global et que les travaux des trois chantiers étaient organisés de manière simultanée. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment de neuf comptes rendus de chantier, que la demande d'indemnisation au titre des frais d'études, de plan et de calculs afférents à la réalisation des travaux, évalué sans être sérieusement contestée à la somme de 9 540 euros HT, est suffisamment justifiée, ainsi d'ailleurs que l'ont estimé les premiers juges, et doit donc être accueillie.

En ce qui concerne la demande indemnitaire relative à la résiliation du marché :

25. Même en l'absence de manquement de la société SNCF Réseau à l'exécution de ses obligations fixées par la convention, la résiliation unilatérale de celle-ci ouvre droit au profit des sociétés composant le groupement d'entreprises, et même en l'absence de stipulations contractuelles en ce sens, à une indemnité compensant la perte de bénéfices subie du fait de cette résiliation ainsi que les dépenses qu'elles ont exposées.

26. Il résulte de l'instruction qu'après la réception partielle des PN1 et PN5, la société Systra a décidé par un courrier du 26 janvier 2015 de résilier le marché pour motif d'intérêt général en raison de l'impossibilité de réaliser les travaux sur le PN6 avant la date de mise en service de la ligne, prévue pour mars 2015. La société Bouygues TP RF estime, sans être sérieusement contredite par la société SNCF Réseau, que la perte de marge sur ce type de travaux est de 3%. Dès lors qu'elle indique, sans être contestée, que le montant des travaux lui incombant sur le PN6 s'élevait à 817 000 euros HT, la perte de marge de la société peut être évaluée à la somme de 24 510 euros HT. La société Colas estime quant à elle, sans être sérieusement contredite, que sa perte de marge sur ce type de travaux se situe à 8%. Dès lors qu'elle indique sans être sérieusement contestée que le montant des travaux lui incombant sur le PN6 s'élevait à 150 208 euros HT, la perte de marge de la société peut être évaluée à la somme de 12 016,64 euros HT. La société SNCF Réseau n'est donc pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, recevable dès lors qu'il porte sur le même marché que l'appel principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser les sommes correspondantes à ces sociétés.

27. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement a droit à la somme totale de 47 925,89 euros HT (1 859,25 + 9 540 + 24 510 + 12 016,64) soit 53 906,07 euros TTC. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a alloué que ces sommes.

Sur le solde du décompte :

28. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties. Pour fixer le solde du décompte, doivent être pris compte tous les éléments de l'actif et du passif du marché résultant d'obligations ayant une existence certaine et devant figurer sur ledit décompte.

29. Il résulte de l'instruction que, par l'ordre de service n°31, la société SNCF Réseau a transmis au groupement le décompte général arrêté à la somme de 3 587 770,24 euros HT après imputation de la somme de 3 718 456,63 euros HT déjà versée au titre des acomptes payés, d'où

un solde négatif à la charge du groupement de 130 686,39 euros HT soit 156 823,67 euros TTC. A ce solde, il convient d'appliquer les sommes dues au groupement en application de la présente décision, à savoir 47 925,89 HT, soit 53 906,07 euros TTC. Par suite, le solde du marché doit être fixé à la somme de 102 917,60 euros TTC en faveur de SNCF Réseau et le groupement doit donc être condamné à verser cette somme à la société SNCF Réseau, qui est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a au contraire condamnée à payer diverses sommes aux sociétés composant le groupement après avoir fixé le solde du marché à la somme de 60 730,86 euros TTC en faveur de ces sociétés. En revanche, si SNCF Réseau demande le remboursement des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, qui relève de l'exécution du présent arrêt.

Sur les intérêts et la capitalisation :

30. En application de l'article 3.12 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux modalités de paiement et de l'article 3.15 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux intérêts moratoires, la somme de 102 917,60 euros TTC sera assortie des intérêts moratoires au taux de 2,7 %, à compter du 22 août 2016, soit 45 jours après le 8 juillet 2016, date de réception par le maître d'ouvrage de la contestation du décompte général par le groupement. La capitalisation ayant été demandée pour la première fois le 27 janvier 2017, une année entière d'intérêts est due à compter du 22 août 2017 et à chaque échéance annuelle.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, au titre des frais exposés par les requérantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian la somme de 2 000 euros à verser à la société SNCF Réseau sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1701704/4-3 du 10 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le solde du marché est fixé à la somme de 102 917,60 euros TTC en faveur de SNCF Réseau.

Article 3 : Le groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian versera à la société SNCF Réseau la somme de 102 917,60 euros TTC en paiement du solde du marché. Cette somme portera intérêts au taux de 2,7% à compter du 22 août 2016. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 22 août 2017 et à chaque échéance annuelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le groupement composé des sociétés Bouygues travaux publics régions France, Colas Midi Méditerranée et Valérian versera à la société SNCF Réseau la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Bouygues travaux publics régions France, à la Société Colas Midi Méditerranée, à la Société Valerian et à la société SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.

La présidente-rapporteure,

M. HEERS

La présidente-assesseure,

C. BRIANÇON

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20PA00885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00885
Date de la décision : 31/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-31;20pa00885 ?
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