Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Les sociétés Centrale des carrières (CDC) et Jean Lanes travaux publics (JLTP) ont demandé au tribunal administratif de la Martinique :
- de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser les sommes de 452 359,28 euros au titre du solde du marché principal et de 53 290,26 euros TTC au titre du solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765, majorées des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011 ;
- de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 1 189 981,79 euros au titre des préjudices subis, majorée des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011, à titre subsidiaire, de le condamner in solidum avec le groupement de maîtrise d'œuvre, les sociétés Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade G3-A, SEMAVIL et COTEBA à leur verser cette somme majorée des intérêts moratoires au taux de 8 %, capitalisés en ce qui concerne le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, et des intérêts légaux en ce qui concerne les autres participants à l'acte de construire, à compter du 5 novembre 2011, ou à titre encore subsidiaire de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 378 385,92 euros HT majorées des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 5 novembre 2011 et capitalisés et les sociétés Icade G3A et SEMAVIL à leur verser la somme de 87 071,76 euros HT, le groupement de maîtrise d'œuvre à leur verser la somme de 177 368,40 euros HT, la société COTEBA à leur verser la somme de 247 240,80 euros HT, les sociétés Socotec Antilles Guyane et Bureau Veritas Construction à leur verser la somme de 32 248,80 euros HT, la société Sogea Martinique à leur verser la somme de 83 846,88 euros HT, la société Tunzini à leur verser la somme de 69 872,40 euros HT, la société CDRI à leur verser la somme de 5 374,80 euros HT, la société CMO à leur verser la somme de 25 799 euros HT, la société Bouygues énergie et services à leur verser la somme de 10 749,60 euros HT, la SAP à leur verser la somme de 18 274,32 euros HT et la société Castel et Fromaget à leur verser la somme de 21 499,20 euros HT, ces sommes étant majorées des intérêts légaux à compter du 5 novembre 2011.
Par un jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de la Martinique a inscrit la somme de 457 228,55 euros au crédit du groupement CDC-JLTP dans le décompte de son marché principal et a rejeté le surplus des demandes dont il était saisi.
Par une ordonnance n° 436849 du 31 janvier 2020 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
II. Les sociétés CDC et JLTP ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler le titre de recettes d'un montant de 101 052,65 euros émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre du solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765 à la suite du jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019, et de les décharger de cette somme.
Par un jugement n° 2000078 du 4 février 2021 le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Par une ordonnance n° 456350 du 15 octobre 2021 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 20PA00701, les 11 septembre 2019 et 3 février et 16 mars 2021, les sociétés CDC et JLTP, représentées par Me Dufresne, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de réformer le jugement attaqué n° 1700498 en tant qu'il a rejeté leur demande de condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser le solde du marché complémentaire n° 2008/09/4765 à hauteur de 53 290,26 euros et leur demande de condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des autres intervenants au chantier à les indemniser à hauteur de 1 189 981,79 euros au titre du préjudice qu'elles ont subi du fait de l'allongement de la durée du chantier ;
2°) de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 53 290,26 euros TTC avec les intérêts moratoires de droit à compter du 14 août 2012 ainsi que la retenue de garantie et la somme de 1 189 981,79 euros HT, majorés des intérêts moratoires au taux de 7,38% à compter du 5 novembre 2011 et de leur capitalisation ;
3°) de désigner, en tant que de besoin, un expert pour chiffrer leur préjudice ;
4°) de réserver leurs droits à l'encontre des intervenants à l'acte de construire dans l'attente de arrêts à intervenir n° 18PA20367 et n° 20PA00696 ;
5°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 4 000 euros à verser à chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a appliqué un indice de révision erroné pour calculer le montant de la revalorisation du marché n° 2008/09/4765 ;
- le jugement attaqué a admis la responsabilité du maître de l'ouvrage dans l'allongement de la durée du chantier et elles produisent de nombreuses pièces montrant les difficultés auxquelles elles ont été confrontées du fait du conflit entre la maîtrise d'œuvre et l'OPC ;
- elles justifient de leur préjudice par la démonstration de la présence effective et indue, sur le chantier, de leur matériel et de leurs personnels pendant 121 semaines ;
- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a été reconnu responsable de 206 jours de retard du chantier dans une autre procédure ;
- elles sont recevables et fondées à demander une expertise ;
- les entreprises tierces ont gêné leur groupement dans leurs travaux et il appartenait à la maîtrise d'œuvre de mettre tout en œuvre pour libérer les emprises sur lesquelles il devait intervenir, de remettre les plans et les notifications des ordres de service dans les délais, de réagir aux problèmes rencontrés et de faire en sorte que les décomptes soient payés dans les délais.
Par des mémoires enregistrés les 17 août 2020 et 27 février 2023, la société Artelia bâtiment et industrie, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de sa part de responsabilité à 5 % sauf à la ramener au partage de l'expert soit 6 %, à la limitation du montant du préjudice indemnisable à 500 060,37 euros, sans application de la TVA, à l'absence de condamnation in solidum et à la condamnation in solidum des sociétés CMO, ETDE, Tunzini, Bureau Veritas Construction, SEMAVIL, Bouygues énergie et services, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Asco BTP, Egis bâtiments, Oasiis, Socotec Antilles Guyane, Icade G3A, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Tunzini Antilles, CDRI et Castel et Fromaget et de M. A... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'action des sociétés CDC et JLTP à son encontre est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- leur demande est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre elle, faute de motivation ;
- les sociétés CDC et JLTP ont contribué à l'allongement de la durée du chantier ;
- elles ne démontrent pas la faute de l'OPC ;
- la réalité de leur préjudice n'est pas établie ;
- sa part de responsabilité ne saurait être retenue au titre de l'incompatibilité des réseaux avec le gros œuvre qui est liée à un problème purement technique ;
- il n'y a pas lieu à solidarité entre les codéfendeurs ;
- si elle était condamnée elle serait fondée à appeler en garantie les autres intervenants au chantier.
Par un mémoire enregistré le 31 août 2020, la société antillaise de peinture-plâtrerie (SAP), représentée par Me Deporcq, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a accueilli les demandes d'indemnisation des sociétés CDC et JLTP formées contre elle et de rejeter toute demande de ces sociétés dirigée contre elle ;
2°) de rejeter toutes les demandes dirigées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 6,1 % des retards et de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, les sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Bouygues énergie et services, Tunzini, Tunzini Antilles, CMO, Castel et Fromaget, Egis bâtiments, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction et Icade G3A et M. A... à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit des sociétés CDC et JLTP ;
4°) de mettre à la charge de la société CDC une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'elle n'est responsable d'aucun retard.
Par un mémoire enregistré le 24 septembre 2020, la société Clean Garden, représentée par Me Relouzat Bruno, conclut à sa mise hors de cause.
Elle fait valoir qu'elle n'est pas intervenue sur les travaux en litige et qu'aucune demande n'est d'ailleurs formée contre elle.
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, la société SEO Caraïbes, représentée par la SELARL ARES, conclut au rejet de la requête et de toute demande formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des autres défendeurs à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de toute partie succombante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute de production du jugement attaqué ;
- toute conclusion présentée contre elle serait irrecevable comme nouvelle en appel ;
- elle n'est en tout état de cause pas responsable du retard du chantier.
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de rejeter les demandes des sociétés CDC et JLTP ;
3°) d'intégrer dans le décompte les pénalités pour les 97 jours de retard dans la levée des réserves d'un montant total de 452 228,556 euros et les pénalités pour non remise de documents d'un montant de 5 000 euros et une indemnisation à raison des surcoûts d'assurance pour 44 140,26 euros, du surcoût de rémunération pour 60 432,66 euros, des surcoûts des travaux pour 243 900 euros, du surcoût lié à la révision des prix pour 72 302,66 euros et du surcoût lié aux dépenses communes pour 31 045,446 euros ;
4°) de condamner les entreprises CDC et JLTP à le garantir à hauteur de 2,71% des condamnations en principal, intérêts moratoires et intérêts des intérêts pouvant résulter des procédures initiées par les sociétés Sogea Martinique, Tunzini, CDRI, Bouygues énergie et services ;
5°) de condamner l'ensemble des sociétés appelées en garantie et leurs assureurs respectifs à le garantir, en cas de condamnation, au paiement de soldes positifs des marchés du groupement CDC-JLTP ;
6°) de mettre à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur ses appels en garantie et qu'il a dénaturé les pièces du dossier ;
- les requérantes ne mettent pas le tribunal en état de juger le montant de la révision à appliquer au marché complémentaire " giratoire " ;
- elles n'établissent pas que la présence de leurs effectifs sur le chantier serait liée à une faute du maître d'ouvrage, alors que des travaux supplémentaires lui ont été commandés et qu'elle a dû reprendre les travaux qui lui étaient confiés et, en outre, qu'elle est implantée à proximité du chantier ;
- leur demande est frustratoire ;
- le groupement CDC-JLTP a été pénalisé pour être responsable du retard avec lequel il a posé un réducteur de pression ;
- il a été privé de la possibilité d'infliger des pénalités.
Par des mémoires enregistrés les 27 janvier et 27 août 2021, les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture et Asco BTP et M. B... A..., représentés par la SELARL Lallemand et associés, concluent au rejet de la requête en ce qu'elle est formée à leur encontre, à titre subsidiaire à ce que la société Egis bâtiments soit condamnée à les garantir des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge de la société CDRI une somme de 1 500 euros à verser à chacun d'entre eux et à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur les demandes dirigées contre la société Asco BTP ;
- l'action du groupement CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu à la question de la prescription quadriennale et il appartiendra au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin de l'opposer ;
- le préjudice allégué n'est pas démontré ;
- les requérantes ne démontrent aucune faute de la maîtrise d'œuvre ;
- les appels en garantie formés contre eux ne sont pas fondés ;
- il n'existe aucun lien entre la faute du groupement CDC-JLTP et une faute de la maîtrise d'œuvre et ils seraient fondés en cas de condamnation à ce titre à demander à être garantis pas la société Egis bâtiments.
Par un mémoire enregistré le 24 février 2021, la société Socotec Antilles Guyane, représentée par Me Hode, conclut au rejet de la requête et de toute demande formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des sociétés Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Icade G3, Tunzini, Tunzini Antilles, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Castel et Fromaget, CDRI et SEO Caraïbes et de M. A... à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ;
- leur action est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- une demande de condamnation à son encontre serait irrecevable comme non motivée ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- aucune condamnation in solidum ne saurait être prononcée à son encontre ;
- si une condamnation devait être prononcée à son encontre, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et les intervenants au chantier sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle.
Par des mémoires enregistrés les 16 et 18 mars 2021, la société Burgeap, représentée par Me Briand, demande à être mise hors de cause.
Elle fait valoir que son intervention dans le cadre de l'opération concernait la survenance de problématiques de venues d'eaux dans les fondations de l'ouvrage, qui n'est pas l'objet du litige.
Par des mémoires enregistrés les 16 juillet et 6 septembre 2021 et 27 janvier 2022, la société Bouygues énergie et services, anciennement dénommée ETDE, représentée par la SELARL Altana, conclut au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à 0,9 %, dans l'hypothèse où une responsabilité in solidum ou solidaire serait retenue à son encontre, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et des sociétés Michel Beauvais et associés, ACRA architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil et El Baz Charpentier, Lorenzo architecture, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade Promotion, Defia venant aux droits de SEMAVIL, Tunzini, Tunzini Antilles, RMI, CDRI, SAP, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et service, COMABAT, Castel et Fromaget, Bangui Caraïbes et SEO Caraïbes à la garantir, et à ce que soit mise à la charge du groupement CDC-JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ;
- elle n'est pas responsable de l'allongement de la durée du chantier ;
- si elle était condamnée elle serait fondée à appeler en garantie à hauteur de 99,1 % les intervenants au chantier responsables de son retard ;
- les appels en garantie formés contre elle ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 24 août 2021, la société Ion Cindea Ingénieur Conseil et la SCP Thevenot Perdereau Manière El Baze, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, représentées par la SCP Derrienic Associés, concluent au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre la société Ion Cindea Ingénieur Conseil, au rejet de toute demande de condamnation formée à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation au préjudice correspondant à 47 jours de retard et à la condamnation in solidum des sociétés CDC, JLTP, Castel et Fromaget, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Egis bâtiments, CMO, Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture, Asco BTP, Tunzini, Tunzini Antilles, Oasiis, RMI, Icade Promotion, SEMAVIL, Socotec Antilles Guyane, Artelia bâtiment et industrie, CDRI, Bureau Veritas Construction, Bouygues énergie et services, Clean Garden, SEO Caraïbes, Bangui Caraïbes, SAP et Peinture Heurlie, de M. A... et du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à la garantir de toute condamnation in solidum qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP ou de tout succombant une somme de 8 000 euros à verser à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- l'action du groupement CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- la société Ion Cindea Ingénieur Conseil n'est pas responsable du retard lié au problème d'incompatibilité des réseaux et de la structure alors que ce n'était pas à elle d'émettre les ordres de service d'exécution, que le problème résulte d'une mauvaise estimation des réseaux par le BET Egis bâtiments et que l'épaississement des voiles ne résulte pas d'une faute de conception ;
- en tout état de cause si sa responsabilité était retenue, elle ne pourrait l'être qu'au titre des 47 jours retenus par l'expert correspondant à 4,25 % du retard global, soit moins que le montant auquel elle a été condamnée, et sa condamnation ne peut pas être prononcée in solidum ;
- en cas de condamnation in solidum elle serait fondée à appeler en garantie les intervenants dont l'expert a relevé les manquements.
Par un mémoire enregistré le 24 août 2021, la société Icade Promotion, venant aux droits de la société Icade G3A, venant elle-même aux droits de la SCIC Développement, représentée par Me Lecomte, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre elle, au rejet de toute demande formée à son encontre et de toute demande de condamnation solidaire ou in solidum, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Egis bâtiments, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Tunzini, Tunzini Antilles, CDRI, CMO, Bouygues énergie et services, SAP, CDC, Castel et Fromaget et SEMAVIL et de M. A... à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ;
- elles n'établissent pas la matérialité de leur préjudice ;
- elle est intervenue comme conducteur d'opération et seule une faute commise en dehors de l'exécution de son marché pourrait être retenue à son encontre ;
- les retards qui lui ont été imputés par l'expert, à savoir l'incompatibilité des réseaux avec la structure, la modification de programme de juin 2018 et la désorganisation du chantier, ne sont pas justifiés ;
- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée ;
- sa responsabilité ne saurait excéder 1,5 % et en cas de confirmation de sa condamnation elle serait fondée à appeler en garantie les autres intervenants auxquels l'expert a imputé une part de responsabilité, ainsi que la SEMAVIL à hauteur de la moitié.
Par un mémoire enregistré le 25 août 2021, la société Réalisations médicales industrielles (RMI), représentée par la SCP Logos, conclut au rejet de la requête, au rejet des éventuels appels en garantie formés contre elle, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle n'est à l'origine d'aucun retard du chantier ;
- il n'y a pas lieu à solidarité entre les entreprises.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Egis bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation de sa responsabilité à 0,45 %, à titre encore subsidiaire, si elle devait faire l'objet d'une condamnation in solidum, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Icade Promotion, SEMAVIL, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, CDC, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Castel et Fromaget, Bouygues énergie et services, SAP, Tunzini, Tunzini Antilles et CDRI et de Me Beuzeboc à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, à proportion de leur part de responsabilité, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ;
- la requête est irrecevable faute de production du jugement attaqué ;
- les éventuelles conclusions dirigées contre elle seraient irrecevables en l'absence de motivation ;
- l'action du groupement CDC-JLTP à son encontre est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- elle n'est pas responsable du décalage de la réception des travaux ;
- le préjudice allégué par les requérantes ne présente en outre aucun lien avec son éventuelle faute ;
- les sociétés CDC et JLTP ont une responsabilité dans l'allongement de la durée des travaux ;
- le montant du préjudice allégué n'est pas justifié ;
- l'application de la TVA à l'ensemble des postes de préjudice n'est pas justifiée ;
- si elle devait être condamnée, sa part de responsabilité ne saurait dépasser 5 jours et en cas de condamnation solidaire ou in solidum, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur un fondement contractuel et les autres intervenants au chantier sur un fondement quasi-délictuel.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Defia, venant aux droits de la SEMAVIL, représentée par la SELARL Genesis Avocats, conclut au rejet de toutes demandes de condamnation ou d'appel en garantie formées contre elle, en tant que de besoin, à la condamnation de la société Icade Promotion à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle, et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes ne forment aucune demande contre elle en appel ;
- la conduite d'opération n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission et les causes de retard invoquées par les requérantes sont dépourvues de lien avec sa mission ;
- le montant de leur préjudice n'est pas étayé ;
- les appels en garantie formés à son encontre ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2021, la société Sogea Martinique, venant également aux droits de la société industrielle martiniquaise de préfabrication (SIMP), la société GTM génie civil et services et la Compagnie martiniquaise de bâtiment (COMABAT), membres du groupement solidaire Sogea et représentées par Me Bourgine, concluent au rejet des appels en garantie formés à leur encontre et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- aucune partie ne présente des conclusions à titre principal à leur encontre ;
- aucune faute extra-contractuelle de leur part n'est démontrée.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent au rejet de la requête, au rejet des conclusions formées à leur encontre, à titre subsidiaire, à la condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, SAP, Bouygues énergie et services, CDRI, Castel et Fromaget, Egis bâtiments, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra Architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction et Icade G3A et de M. A... à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- le titulaire d'un marché de travaux ne peut diriger ses demandes à l'encontre d'autres intervenants à l'acte de construire que dans le cas où le préjudice qu'il a subi dans le cadre de l'exécution de son contrat a exclusivement pour origine des fautes imputables à ces derniers, aussi le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin doit-il indemniser l'intégralité du préjudice subi par les sociétés CDC et JLTP ;
- il n'est pas établi qu'elles ont commis une faute quasi-délictuelle à l'encontre des sociétés CDC et JLTP ;
- ces sociétés ont contribué, par leur faute, à la désorganisation du chantier ;
- leurs demandes financières ne sont pas justifiées ;
- aucune condamnation solidaire ou in solidum ne peut être prononcée à leur encontre ;
- si elles devaient être condamnées, elles seraient fondées à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur un fondement contractuel et les autres intervenants au chantier sur un fondement quasi-délictuel ;
- le décompte général de leur marché étant devenue définitif, l'appel en garantie formé par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à leur encontre est irrecevable ;
- les autres appels en garantie formés à leur encontre ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, la société Castel et Fromaget, représentée par la SELARL Moreau Guillou Vernade Simon Lugosi, conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre elle, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à titre subsidiaire, à la limitation du montant de son éventuelle condamnation à 1,8 % du préjudice et à la condamnation in solidum ou de chacun, à proportion de la part de responsabilité qui sera fixée par la Cour, du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, des sociétés CDRI, SAP, Tunzini, Tunzini Antilles, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Lorenzo architecture, Asco BTP, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Icade G3-A, SEMAVIL, Caraïbes environnement et Burgeap Caraïbes et de M. A... à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle, et à ce que soit mise à la charge des sociétés CDC et JLTP une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'action des sociétés CDC-JLTP est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil ;
- elles ne rapportent pas la preuve d'une faute qu'elle aurait commise ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- si elle devait être condamnée, elle serait fondée à appeler en garantie le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et les autres intervenants au chantier sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2021, la société Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas et représentée par la SELARL GVB, conclut à sa mise hors de cause, au rejet des conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre et à ce que soit mise à la charge de la société Castel et Fromaget une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas constructeur et n'avait aucun pouvoir de direction sur le chantier ;
- seul un manquement de la société Socotec Antilles Guyane est visé au titre de la mission relative à la solidité des ouvrages et elle ne saurait être condamnée solidairement avec elle, la solidarité des contrôleurs techniques n'existant qu'à l'égard du maître de l'ouvrage, sur le fondement du contrat souscrit avec ce dernier.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des moyens de régularité soulevés par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin en ce qu'ils reposent sur une cause juridique distincte des moyens soulevés dans le délai d'appel, de l'irrecevabilité de ses conclusions d'appel incident appelant en garantie le groupement CDC-JLTP en ce qu'elles concernent des litiges distincts, et de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre les assureurs des intervenants au chantier.
Des observations sur ces moyens d'ordre public ont été présentées pour la société Bouygues énergie et services le 19 mai 2023.
II. Par une requête enregistrée, sous le n° 21PA05471, le 4 mars 2021, les sociétés CDC et JLTP, représentées par Me Dufresne, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué n° 2000078 et le titre exécutoire du 18 décembre 2019, et de les décharger du paiement de la somme de 101 052,65 euros ;
2°) d'ordonner au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin de produire le calcul de révision des prix avec l'indice TP01 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, de suspendre le titre de recettes ;
5°) à titre encore subsidiaire, de désigner un expert pour calculer le montant de la révision des prix.
Elles font valoir que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a appliqué un indice de révision erroné pour calculer le montant de la revalorisation du marché n° 2008/09/4765.
La requête a été communiquée au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2002-231 du 21 février 2002 ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Bourgine et de Me Champetier de Ribes, représentants la société Sogea Martinique, la société industrielle martiniquaise de préfabrication, la société GTM génie civil et services et la société Compagnie martiniquaise de bâtiment, membres du groupement solidaire Sogea, de Me Vallet, représentant la société Bureau Veritas Construction, de Me Kerrien, représentant la société SEO Caraïbes, de Me des Cours, représentant la société Bouygues énergie et services, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Benjamin, représentant la société d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin, de Me Proffit, représentant la société Artelia bâtiment et industrie, de Me Lallemand, représentant les sociétés Michel Beauvais et associés, ACRA architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP et M. B... A..., de Me Vernade, représentant la société Castel et Fromaget, de Me Lecomte, représentant la société Icade Promotion, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments, de Me Bliek, représentant la société Réalisations médicales industrielles, de Me Briand, représentant la société Etude BURGEAP Caraïbes et de Me Dufresne, représentant la société Centrale des carrières et JLTP.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20PA00701 et 21PA05471, présentées pour les sociétés CDC et JLPT, concernent le même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. Le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Par un acte d'engagement notifié le 3 novembre 2004, il a confié au groupement CDC-JLTP la réalisation du lot n° 1 " VRD - Espaces verts ". Un marché complémentaire, notifié le 23 septembre 2008, lui a en outre confié le raccordement de la cité hospitalière au giratoire de la route départementale. Les travaux ont été réceptionnés le 13 avril 2011 avec effet au 31 mars 2011. Les décomptes généraux des marchés ont été notifiés au groupement par des ordres de service des 19 et 23 juillet 2012 et ont fait l'objet d'une réclamation le 7 août 2012 s'agissant du décompte relatif au marché complémentaire et le 13 septembre 2012 s'agissant du décompte relatif au marché principal. Les sociétés CDC et JLTP relèvent appel du jugement n° 1700498 du tribunal administratif de la Martinique en ce qu'il a refusé de faire droit à leur demande portant sur la révision des prix du décompte général du marché complémentaire et à leur demande d'indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier.
3. A la suite de ce jugement, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a émis, le 18 décembre 2019, un titre de recettes à l'encontre des sociétés CDC et JLTP afin de recouvrer la somme de 101 052,65 euros au titre du solde du marché complémentaire notifié le 23 septembre 2008. Les sociétés CDC et JLTP relèvent également appel du jugement n° 2000078 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande d'annulation de ce titre de recettes.
Sur la requête n° 20PA00701 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, le jugement attaqué n'ayant pas prononcé de condamnation à l'encontre du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin au titre de l'allongement de la durée du chantier, motif au titre duquel il formait des conclusions d'appel en garantie, il n'est pas fondé à soutenir qu'il est entaché d'omission à statuer en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur ses appels en garantie. Au surplus, ce jugement ne prononce pas de condamnation à l'encontre du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, le solde du marché résultant de ce jugement étant négatif.
5. En second lieu, le moyen tiré de la " dénaturation des faits " par le jugement concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant du marché complémentaire " giratoire " :
Quant au solde du marché :
6. Il résulte de l'article 3.4.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché que le coefficient de révision des prix correspond à : 0,15 + 0,85 * Indice du mois de l'acompte / Indice du mois de référence fixé par l'acte d'engagement. L'article 3.4.3 du même cahier prévoit, pour le lot n°1 dont était titulaire le groupement CDC-JLTP, l'application de l'indice TP01, et l'acte d'engagement du marché retient, comme mois de référence, le mois de septembre 2004. Il résulte toutefois des pièces jointes au décompte général que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin a calculé la révision des prix en appliquant, à tort, l'indice BT01. Il convient, dès lors, de calculer le montant de la révision des prix conformément à l'indice applicable du marché, à partir du montant et du mois des acomptes retenus par le décompte général, sur lesquels s'accordent les deux parties, soit une revalorisation de 102 091,09 euros du montant hors taxe du marché correspondant à un marché révisé de 669 694,14 euros HT, au lieu de la somme négative de 11 529,10 euros pour la revalorisation auquel aboutit le calcul du maître de l'ouvrage. Le solde du marché s'établit, dans ces conditions, et hors retenue de 5 % dont il ne résulte pas de l'instruction que le maintien serait justifié, au montant de 48 864,26 euros HT et de 53 017,72 euros TTC.
Quant aux intérêts :
7. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif au délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. Toutefois, pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées, cette limite est de 50 jours ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché : " (...) pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif (...) ". L'article 5 du même décret prévoit : " I. - Le défaut de paiement dans les délais prévus par le décret du 7 mars 2001 susvisé fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse (...) / II. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ".
8. Pour l'application du I de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage.
9. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché complémentaire a été notifié à la société CDC par un ordre de service du 23 juillet 2012, qu'elle a refusé de signer. Le groupement CDC-JLTP a adressé un mémoire en réclamation au maître de l'ouvrage, qui l'a réceptionné le 16 août 2012. Le délai de paiement de 50 jours applicable au syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin ayant commencé à courir à cette date, le groupement CDC-JLTP a droit au paiement des intérêts sur le solde du marché à compter du lendemain de l'expiration de ce délai, soit le 6 octobre 2012. Par suite, il y a lieu de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser au groupement CDC-JLTP les intérêts prévus à l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics sur le solde du marché résultant du présent arrêt, à compter du 6 octobre 2012.
S'agissant du marché principal :
Quant à la demande d'indemnisation du groupement CDC-JLTP :
10. D'une part, si un expert judiciaire, dans le cadre d'une expertise à laquelle les sociétés CDC et JLTP n'ont pas été attraites, a estimé que le maître de l'ouvrage avait contribué à la désorganisation du chantier de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin en ne mettant pas fin au conflit opposant la maîtrise d'œuvre à l'OPC, il est constant qu'il n'a retenu à son encontre qu'une responsabilité de 16 jours à ce titre sur les 1 107 jours de retard du chantier. En outre, ce seul constat, réalisé dans le cadre d'une analyse globale des causes du retard du chantier, n'implique pas que les sociétés CDC et JLTP aient rencontré, dans le cadre de l'exécution de leur marché, des difficultés du fait de ce conflit. Il ne résulte d'ailleurs pas des courriers qu'elles produisent, à l'exception de celui du 2 juillet 2009 faisant état d'un désaccord entre la maîtrise d'œuvre et l'OPC, que les difficultés auxquelles elles ont été confrontées soient liées à ce conflit, ni, compte tenu de son caractère ponctuel, que le maître de l'ouvrage doive supporter une responsabilité au titre de ce désaccord. Par ailleurs, si le syndicat inter-hospitalier a été informé, par des courriers des 6 juillet et 7 octobre 2009, que l'occupation de leurs sites par des entreprises tierces ne permettait pas au groupement CDC-JLTP d'achever ses travaux, il résulte des termes mêmes de ces courriers qu'ils visaient non pas à solliciter l'intervention du syndicat inter-hospitalier mais à justifier le retard du groupement. Enfin, il est constant que les travaux supplémentaires demandés au groupement CDC-JLTP ne présentent pas en tant que tels un caractère fautif et ont donné lieu au paiement d'un prix incluant la présence des effectifs et du matériel nécessaires sur le chantier. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute du maître de l'ouvrage soit à l'origine de l'immobilisation des effectifs et du matériel du groupement CDC-JLTP.
11. D'autre part et au surplus, il ne résulte pas des comptes-rendus de visite du chantier produits, couvrant la période des mois de janvier 2008 à avril 2010, que les effectifs et le matériel du groupement aient été immobilisés, en pure perte, sur le chantier, les comptes-rendus faisant certes ressortir, entre les mois de mars et juillet 2008, une tâche en attente de la définition du parvis, mais faisant également état d'autres travaux à réaliser par le groupement.
12. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un expert serait mieux à même que le groupement CDC-JLTP d'établir les causes de sa présence sur le chantier et son éventuel préjudice, les conclusions des sociétés CDC et JLTP tendant à ce que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin les indemnise du préjudice qu'elles auraient subi du fait de l'allongement de la durée du chantier doivent être rejetées.
Quant aux conclusions d'appel incident du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin :
13. En premier lieu, pour contester l'inscription au crédit du groupement CDC-JLTP du montant des pénalités appliquées dans le décompte général qu'il lui a notifié, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin se borne à indiquer que le tribunal a retenu l'absence de retenues provisoires et à contester l'absence de responsabilité du groupement CDC-JLTP dans l'allongement de la durée du chantier. Toutefois, d'une part, les pénalités qu'il avait appliquées au groupement CDC-JLTP ne concernaient pas un retard dans l'exécution de ses travaux ou la réalisation de ses tâches mais un retard dans la levée des réserves et la remise des documents, d'autre part, le jugement attaqué est uniquement fondé sur l'absence de justificatifs et non sur l'absence de retenues préalables, les pénalités pour retard dans la levée des réserves n'ayant au demeurant pas à être précédées de telles retenues. Dans ces conditions, par son argumentation, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne justifie pas que le tribunal aurait, à tort, inscrit ces pénalités au crédit du groupement CDC-JLTP.
14. En second lieu, les manquements du groupement CDC-JLTP liés à un retard dans l'exécution de ses travaux ne peuvent donner lieu à sa condamnation à indemniser le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin du préjudice subi du fait de l'allongement de la durée du chantier dès lors que les parties au marché en litige ont contractuellement décidé que de tels manquements seraient sanctionnés de manière forfaitaire par l'application de pénalités. Dans ces conditions, les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à la réparation de son préjudice doivent être rejetées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que ni le groupement CDC-JLTP ni le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le solde du marché principal.
S'agissant des conclusions d'appel en garantie du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'égard du groupement CDC-JLTP :
16. Les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à ce que les sociétés CDC et JLTP le garantissent à hauteur de 2,71 % des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans des procédures l'opposant aux sociétés Sogea Martinique, Tunzini, CDRI et Bouygues énergie et services, qui concernent des litiges distincts, sont irrecevables. Par suite, elles doivent être rejetées.
S'agissant des conclusions d'appel incident de la SAP :
17. Le jugement attaqué n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la SAP. Dans ces conditions, les conclusions de cette dernière tendant à la réformation du jugement en tant qu'il aurait prononcé contre elle une telle condamnation sont dépourvues d'objet.
S'agissant des conclusions d'appel provoqué du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin :
18. En premier lieu, les conclusions d'appel en garantie formées par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à l'encontre des assureurs de la maîtrise d'œuvre, de l'OPC et de la société Tunzini, qui mettent en jeu un contrat de droit privé, sont présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et doivent, par suite, être rejetées.
19. En second lieu, d'une part, aucune condamnation du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est prononcée au titre de l'allongement de la durée du chantier. Ses conclusions d'appel en garantie présentées à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées. D'autre part, il n'indique pas en quoi un manquement de l'OPC à ses obligations contractuelles serait à l'origine de l'impossibilité d'appliquer des pénalités pour retard dans la levée des réserves et pour non remise de documents, seules pénalités qu'il a appliquées dans le décompte et qu'il demande à la Cour de rétablir. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que le groupement de maîtrise d'œuvre, l'OPC et la société Tunzini le garantissent au titre du paiement du solde des marchés passés avec le groupement CDC-JLTP doivent être rejetées.
20. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés CDC et JLTP sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande portant sur le montant de la révision des prix du marché complémentaire.
Sur la requête n° 21PA00701 :
21. Pour les motifs exposés au point 6, les sociétés CDC et JLTP sont fondées à demander l'annulation du titre de recettes d'un montant de 101 052,65 euros TTC émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin pour le paiement du solde négatif du marché complémentaire " giratoire ", et à être déchargées de cette somme. Elles sont fondées, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Sur les frais du litige :
22. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme totale de 2 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés CDC et JLTP et non compris dans les dépens.
23. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des autres parties présentées au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est condamné à verser la somme de 53 017,72 euros TTC au groupement CDC-JLTP au titre du solde du marché complémentaire " giratoire ", assortie des intérêts contractuels à compter du 6 octobre 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1700498 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 2000078 du 4 février 2021 du tribunal administratif de la Martinique et le titre de recettes émis le 18 décembre 2019 par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sont annulés.
Article 4 : Le groupement CDC-JLTP est déchargé du paiement de la somme de 101 052,65 euros.
Article 5 : Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin versera la somme de 2 500 euros au groupement CDC-JLTP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Centrale des carrières, Jean Lanes TP, Castel et Fromaget, Sogea Martinique, industrielle martiniquaise de préfabrication, compagnie martiniquaise de bâtiment, GTM génie civil et services, Antillaise de Plâtrerie et peinture, Bureau Veritas Construction, SEO Caraïbes, Socotec Antilles Guyane, Artelia bâtiment et industrie, Bouygues énergie et services, Réalisation médicales et industrielles, Icade Promotion, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Tunzini, Tunzini Antilles, SEMAVIL, Egis bâtiments, Clean Garden, Cloison doublage ravalement isolation, Oasiis consultant, IOSIS Bâtiments, BURGEAP Caraïbes, et El Baze Charpentier, à l'entreprise de peinture Heurlie, au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00701-21PA05471