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31/07/2023 | FRANCE | N°18PA23275

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2023, 18PA23275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Michel Beauvais et associés, la société Egis bâtiments et les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles à lui verser les sommes de 2 425 000 euros correspondant au coût du déplacement et de l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau glacé, de 181 500 euros correspondant aux surcoûts de consommation électrique, de 60 902,88 euros correspondant au coût du remplac

ement du compresseur intervenu en 2015 et de 150 000 euros correspondant au coû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Michel Beauvais et associés, la société Egis bâtiments et les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles à lui verser les sommes de 2 425 000 euros correspondant au coût du déplacement et de l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau glacé, de 181 500 euros correspondant aux surcoûts de consommation électrique, de 60 902,88 euros correspondant au coût du remplacement du compresseur intervenu en 2015 et de 150 000 euros correspondant au coût du remplacement des linéaires de calorifuges ou, à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau sur un emplacement différent et au remplacement du linéaire de calorifuge destiné à assurer la pérennité du réseau dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1600516 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Par une ordonnance du 1er mars 2019 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 août 2018, 8 mars 2019 et 14 mai 2020, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de condamner la société Michel Beauvais et associés, la société Egis bâtiments et les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles à lui verser les sommes de 2 285 000 euros correspondant au coût du déplacement et de l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau glacé, de 181 500 euros correspondant aux surcoûts de consommation électrique, de 60 902,88 euros correspondant au coût du remplacement du compresseur intervenu en 2015, de 31 781,79 euros au titre de la location du groupe froid et de 150 000 euros correspondant au coût du remplacement des linéaires de calorifuges ou, à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'un nouvel ouvrage de production d'eau sur un emplacement différent dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) à défaut, de procéder à leurs frais à l'installation d'une nouvelle installation de production d'eau sur un emplacement différent et de remplacer le linéaire de calorifuge destiné à assurer la pérennité du réseau de distribution dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard jusqu'au terme du sixième mois à compter de l'expiration de ce délai, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin pouvant y procéder à l'issue de ce délai aux frais des parties ;

4°) de mettre à la charge de ces sociétés une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre est engagée du fait des fautes commises dans la conception du groupe froid et le suivi de l'exécution des travaux et à son manquement à son obligation de conseil lors de la réception des travaux ;

- il justifie de l'état déplorable de l'installation ;

- il n'a commis aucune faute de nature à exonérer la maîtrise d'œuvre de sa responsabilité ;

- la responsabilité décennale des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtimnets et Tunzini et Tunzini Antilles est engagée, sans qu'une faute du maître d'ouvrage ne puisse utilement être invoquée ;

- le désordre n'était pas apparent au moment de la réception ;

- la solidité de l'installation est en cause en plus de ne plus répondre voir de n'avoir jamais pu répondre à la destination pour laquelle elle a été réalisée ;

- les assureurs des sociétés concernées devront être condamnés à les garantir ;

- il justifie de son préjudice ;

- une expertise présenterait un caractère utile, non pour montrer que l'installation est défectueuse, ce qui est suffisamment démontré, mais pour apprécier les responsabilités, les causes de la dégradation et la mesure de l'étendue des dégâts ;

- il n'était pas tenue d'engager un référé ou une action au fond contre l'assureur avant toute procédure contre les constructeurs ;

- il a dû se résoudre à changer l'installation.

Par des mémoires enregistrés les 26 septembre 2018, 22 mai 2019 et 25 juillet 2019, la société Michel Beauvais et associés et la mutuelle des architectes français (MAF) concluent à la mise hors de cause de la MAF, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles soient condamnées à garantir la société Michel Beauvais et associés des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le juge administratif n'est pas compétent pour connaître du contrat de droit privé unissant la société Michel Beauvais et associés et son assureur ;

- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est forclos à rechercher la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre ;

- l'installation par la société Tunzini de " super ventilateurs " a permis le fonctionnement du groupe froid et par voie de conséquence sa réception ;

- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'apporte aucune analyse technique, aucun constat d'huissier, aucun rapport d'expertise permettant d'établir que des désordres affecteraient la centrale d'eau glacée ;

- si désordres il y a ils ne peuvent qu'être dus à un défaut de maintenance de la part du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, étant précisé que la maintenance est effectuée par la société Tunzini ;

- il n'a pas engagé de procédure tant en référé qu'au fond à l'encontre de son assureur DO alors que les textes l'obligent à engager une telle action avant toute procédure à l'encontre des constructeurs ;

- l'indemnisation qu'il sollicite ne repose sur aucun élément concret ;

- si une condamnation était prononcée à l'encontre de la société Michel Beauvais et associés, elle serait fondée à appeler en garantie les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles et la société Egis bâtiments.

Par des mémoires enregistrés les 10 mai 2019 et 10 septembre 2020, la société Egis bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, au rejet des appels en garantie formés à son encontre, à ce que les sociétés Michel Beauvais et associés, Tunzini et Tunzini Antilles soient condamnées à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la matérialité des désordres allégués n'est pas établie ;

- les causes de ces prétendus désordres ne sont pas davantage établies, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ayant lui-même envisagé de multiples causes ; un défaut d'alimentation électrique ou un défaut d'entretien peuvent ainsi en être à l'origine ; aucune des pièces produites par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'établit une prétendue erreur de conception liée à l'encaissement des groupes froids, ni la responsabilité de la société Egis bâtiments au titre d'un défaut de conception ou d'un manquement à ses obligations de conseil, alors en outre qu'elle n'a pas été destinataire du courrier du 8 septembre 2010 ;

- la réception sans réserve de l'ouvrage fait obstacle à ce que sa responsabilité contractuelle soit recherchée ;

- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne rapporte pas la preuve d'un dysfonctionnement de la centrale au stade de la réception des travaux ;

- il ne justifie pas de ce que les désordres allégués entrent dans le champ de la garantie décennale alors que les éléments d'équipement qui ne font pas indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert relèvent du périmètre de la responsabilité de bon fonctionnement d'une durée de deux ans ;

- le préjudice allégué n'est pas établi ; l'objectif recherché par le maître d'ouvrage est en outre d'augmenter la puissance de la centrale de production d'eau existante, ce qui n'a pas à être indemnisé, et il pourra bénéficier d'aides à la réalisation des travaux considérés, qui devront être déduites ; la location d'un groupe froid a été établie en pure perte ; l'augmentation de la consommation électrique ne peut être vérifiée ;

- la demande relative au remboursement de la location d'un groupe froid est en outre irrecevable car nouvelle en appel ;

- les demandes relatives à la consommation électrique, au changement de compresseurs et au remplacement des linéaires de calorifuge sont dépourvues de tout fondement juridique ;

- la demande d'expertise relative à la centrale d'eau glacée est inutile dès lors qu'elle a été remplacée ;

- aucune condamnation en nature ne peut être prononcée contre la maîtrise d'œuvre ;

- si une condamnation était prononcée à son encontre, elle serait fondée à appeler les sociétés Michel Beauvais et associés, Tunzini et Tunzini Antilles à la garantir intégralement.

La société Carrier, représentée par Me Carrier, a produit des observations enregistrées le 13 juin 2019.

Par des mémoires enregistrés les 17 juin 2019, 27 mars 2020 et 30 septembre 2020, les sociétés Tunzini, Tunzini Antilles et SMA, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent au rejet de la requête, au rejet des appels en garantie formés contre elles, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments les garantissent des condamnations prononcées à leur encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à engager leur responsabilité contractuelle sont irrecevables ;

- les dysfonctionnements de la centrale à eau étaient apparents au moment de la réception des travaux ;

- la matérialité des désordres allégués n'est pas établie ;

- les compresseurs constituent des éléments d'équipement dissociables de la centrale de production d'eau glacée et relèvent de la garantie biennale de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du code civil ;

- les demandes du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne sont pas justifiées dans leur quantum dès lors que la nouvelle installation est plus importante et a des performances supérieures à l'ancienne ; un coefficient de vétusté devra en outre être appliqué ;

- la demande relative aux frais de location d'un groupe froid est irrecevable car nouvelle en appel ;

- l'installation en litige ayant été démantelée sans sauvegarde des preuves, la demande d'expertise est dépourvue d'utilité ;

- si elles devaient être condamnées elles seraient fondées à appeler en garantie les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Lallemand, représentant la société Michel Beauvais et associés et la mutuelle des architectes français, de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments, et de Me Canton, représentant la société Carrier.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière, constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Il en a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint constitué notamment de la société Michel Beauvais et associés, architecte mandataire, et d'OTH bâtiments, devenue Egis bâtiments, BET Fluides, et la réalisation du lot n° 3 " Fluides " au groupement d'entreprises composé des sociétés Tunzini, Tunzini Antilles et Réalisations médicales et industrielles (RMI), dont le mandataire est la société Tunzini. Postérieurement à la réception des travaux, prononcée le 13 avril 2011, des dysfonctionnements de la centrale de production centralisée d'eau glacée mise en place par le groupement Tunzini et permettant d'alimenter les unités de climatisation de la cité hospitalière sont apparus. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini et Tunzini Antilles à l'indemniser des coûts induits par ces dysfonctionnements et l'installation d'une nouvelle centrale de production d'eau glacée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

2. En premier lieu, la réception de l'ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les entrepreneurs et avec le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage.

3. Il résulte de l'instruction que les travaux de réalisation de la nouvelle cité hospitalière de Mangot-Vulcin et, en particulier, du lot " climatisation, ventilation, désenfumage ", ont été réceptionnés le 13 avril 2011, sans qu'aucune réserve ne soit émise sur la centrale de production d'eau glacée. Dans ces conditions, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut rechercher la responsabilité des sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, entrepreneurs, ni celle des sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, au titre de leurs prestations relatives à la conception de l'ouvrage et au suivi de l'exécution des travaux.

4. En second lieu, le maître d'œuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

5. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 8 septembre 2010 adressé en copie à la société Michel Beauvais et associés, la société Tunzini a signalé avoir mis en place une solution d'accélérateurs sur variateurs alimentant les groupes froids enfermés dans l'enceinte ainsi qu'une toiture évitant le recyclage entre l'air chaud et l'air de refroidissement, destinée à être testée en semaine 36, précisant qu'un échec de cette solution impliquerait une modification très sensible de la configuration de l'ouvrage. Si la société Egis bâtiments n'a pas été destinataire de ce courrier, sa qualité de BET Fluides, chargé du suivi de l'exécution des travaux, impliquait qu'elle soit informée des modifications apportées à l'ouvrage. Ni elle, ni la société Michel Beauvais et associés n'apportent de précisions quant aux mesures qu'elles auraient prises pour s'assurer du bon fonctionnement de la solution apportée par la société Tunzini. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que ces sociétés, chargées d'une mission d'assistance à la réception des travaux, aient conseillé au maître de l'ouvrage d'émettre des réserves sur l'installation. Toutefois, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la centrale de production d'eau glacée était affectée d'un vice au moment de la réception des travaux que la réalisation de tests aurait permis de détecter, ni, à supposer même l'existence d'un tel vice, que les dysfonctionnements allégués par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin en découleraient directement. Le rapport de démontage sur compresseur établi le 30 mai 2012 par la société HRS, spécialiste de la reconstruction de compresseurs frigorifiques, explique ainsi les dégradations des compresseurs par un court-circuit local, sans que l'origine de ce court-circuit ne soit déterminée. Dans ces conditions, en admettant même que les sociétés Michel Beauvais et associés et Egis bâtiments aient manqué à leurs obligations en ne s'assurant pas du bon fonctionnement de la centrale de production d'eau glacée, le lien entre cette faute et le préjudice allégué par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut être regardé comme établi.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Michel Beauvais et associés, que les conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle des constructeurs doivent être rejetées.

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

8. Pour justifier l'état " déplorable " de la centrale de production d'eau, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin produit une note de synthèse du 25 janvier 2018 réalisée par Orion ingénierie pour le remplacement de l'installation. Cette note se borne toutefois à faire état des difficultés auxquelles serait confronté le groupement de coopération sanitaire, sans qu'il résulte de l'instruction que ces difficultés aient été effectivement constatées. De même, le constat d'huissier réalisé le 6 septembre 2018 reprend pour l'essentiel les allégations du maître d'ouvrage. Si ce constat indique qu'un ventilateur ne fonctionne pas et relève l'oxydation des ailettes des évaporateurs, aucune conclusion ne peut être tirée de ces constatations quant aux conséquences sur le fonctionnement de l'installation. En outre, si le niveau sonore mesuré par l'huissier à la sortie des ventilateurs à 103,3 db et à 98 db à la clôture mitoyenne avec les riverains est corroboré par la plainte d'un voisin, il résulte des courriels envoyés par ce voisin que le niveau sonore a fortement augmenté quelques semaines avant le mois d'août 2018, ce qui ne permet pas d'établir qu'il serait imputable aux constructeurs de l'installation. Dans ces conditions, ces documents, établis de manière non contradictoire et qui sont contestés en défense, sont dépourvus de caractère probant. Par ailleurs, la circonstance que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a décidé de remplacer la centrale de production d'eau glacée n'est ni de nature à établir son dysfonctionnement, alors qu'il résulte de l'instruction que la nouvelle installation a vocation à lui permettre de réaliser des économies d'énergie et à en faciliter la maintenance, ni, en tout état de cause, à établir que son dysfonctionnement serait imputable aux constructeurs. Enfin, la centrale de production d'eau glacée ayant été remplacée, la mesure d'expertise demandée par le requérant pour la première fois dans son mémoire enregistré le 10 mars 2019, quelques mois avant ce remplacement, n'apparaît pas utile.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Michel Beauvais et associés, que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin présentées sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des autres parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la MAF et des sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini, Tunzini Antilles et SMA présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, aux sociétés Michel Beauvais et associés, Egis bâtiments, Tunzini, Tunzini Antilles et SMA, à la SAGENA/SMABTP, à la société Carrier et à la Mutuelle des architectes français.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente de chambre,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA23275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA23275
Date de la décision : 31/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET LALLEMAND ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-31;18pa23275 ?
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