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21/07/2023 | FRANCE | N°22PA05250

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juillet 2023, 22PA05250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2110967, la société Free Mobile SAS, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le Premier ministre a autorisé la société SFR à exploiter des matériels de l'équipementier Huawei permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile de cinquième génération (5G) sur le territoire français, d'enjoindre au Premier ministre de retirer ces autorisations dans un délai de quinze jours

à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2110967, la société Free Mobile SAS, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le Premier ministre a autorisé la société SFR à exploiter des matériels de l'équipementier Huawei permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile de cinquième génération (5G) sur le territoire français, d'enjoindre au Premier ministre de retirer ces autorisations dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2110967/6-1 du 7 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22PA05250 le 8 décembre 2022 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 31 mai 2023 et 20 juin 2023, la société Free Mobile SAS, représentée par la SELARL Latournerie, Wolfrom et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110967/6-1 du 7 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris

2°) d'annuler les décisions autorisant la société SFR, en application de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, à exploiter des équipements radio 5G de marque Huawei ;

3°) d'enjoindre au Premier ministre de retirer dans un délai de quinze jours les décisions autorisant la société SFR, en application de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, à exploiter des équipements radio 5G de marque Huawei ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en rejetant sa requête comme irrecevable ;

- les mesures de police peuvent être contestées par les opérateurs concurrents, y compris les décisions prises sur le fondement de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques ;

- les décisions contestées ont pour effet une inégalité de traitement au détriment de la société Free Mobile dès lors que dès lors que la société SFR s'est vu délivrer des autorisations pour un certain nombre de sites, et que la société Free Mobile s'est vu refuser mécaniquement une autorisation pour ces mêmes sites ;

- elles portent atteinte à la concurrence en méconnaissant l'exigence de publicité, de mise en concurrence et de transparence posée par le droit européen ;

- le préjudice financier subi par la société Free Mobile est de l'ordre d'au moins 35 millions d'euros et peut être estimé à 65 300 euros par site pour 549 sites concernés et s'élèverait avec les effets sur le parc d'abonnés à 233 millions d'euros ;

- le jugement porte atteinte au droit à un recours effectif garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 6 paragraphe 1 et l'article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les décisions contestées sont entachées d'un détournement de pouvoir, d'une erreur de droit, d'une violation du principe d'égalité et d'une atteinte au droit de la concurrence.

Par deux mémoires enregistrés les 19 avril et 19 juin 2023, la société SFR, représentée par Me Skovron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Free Mobile la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2023, la Première ministre (secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale) conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et télécommunications électroniques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cabot, représentant la société Free Mobile SAS, et de Me Baezner, représentant la société SFR.

Considérant ce qui suit :

1. Le Premier ministre a, par plusieurs décisions, autorisé la société SFR à exploiter des matériels de l'équipementier Huawei permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile de cinquième génération (5G) sur le territoire français. La société Free Mobile a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ces autorisations accordées à la société SFR. Par un jugement n° 2110967/6-1 du 7 octobre 2022, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes du I de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques : " Est soumise à une autorisation du Premier ministre, dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l'exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile, à l'exception des réseaux de quatrième génération et des générations antérieures, qui, par leurs fonctions, présentent un risque pour la permanence, l'intégrité, la sécurité, la disponibilité du réseau, ou pour la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications, à l'exclusion des appareils installés chez les utilisateurs finaux ou dédiés exclusivement à un réseau indépendant, des appareils électroniques passifs ou non configurables et des dispositifs matériels informatiques non spécialisés incorporés aux appareils. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I n'est requise que pour l'exploitation, directe ou par l'intermédiaire de tiers fournisseurs, d'appareils par les opérateurs mentionnés à l'article L. 1332-1 du code de la défense, ainsi désignés en vertu de leur activité d'exploitant d'un réseau de communications électroniques ouvert au public. / La liste des appareils dont l'exploitation est soumise à l'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I est fixée par arrêté du Premier ministre, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Cette liste énumère les différents appareils concernés en référence à la terminologie utilisée dans les standards internationaux associés aux réseaux radioélectriques mobiles de cinquième génération et des générations ultérieures ". Aux termes de l'article L. 34-12 du même code : " Le Premier ministre refuse l'octroi de l'autorisation prévue à l'article L. 34-11 s'il estime qu'il existe un risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale résultant du manque de garantie du respect des règles mentionnées aux a, b, e, f et f bis du I de l'article L. 33-1 relatives à la permanence, à l'intégrité, à la sécurité, à la disponibilité du réseau, ou à la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications. Sa décision est motivée sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des a à f du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration. / Le Premier ministre prend en considération, pour l'appréciation de ce risque, le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d'exploitation envisagées par l'opérateur et le fait que l'opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un Etat non membre de l'Union européenne ".

3. Pour accueillir les fins de non-recevoir opposées par la société SFR et par le Premier ministre, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la société Free Mobile ne pouvait, eu égard à l'objet et la portée des décisions contestées, se prévaloir de sa qualité de concurrent pour établir son intérêt à contester des mesures de police prises à l'égard d'un autre opérateur sur le fondement des dispositions de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

4. La société Free Mobile, qui se prévaut de sa qualité de concurrent de la société SFR sur le marché de la téléphonie mobile, ne justifie pas davantage en appel d'un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l'annulation des autorisations accordées à ce dernier sur le fondement de l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques. Par suite, la société Free Mobile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.

5. Il résulte de ce qui précède, que les conclusions en appel présentées par la société Free Mobile doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la Société Free Mobile la somme qu'elle demande au titre des frais liés à l'instance.

7. La société SFR n'aurait pas qualité pour former tierce opposition à l'encontre du présent arrêt, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme une partie à l'instance et ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Free Mobile est rejetée.

Article 2 : La société Free Mobile versera la somme de 2 000 euros à la société SFR sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société SFR sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Mobile, à la Première ministre et à la société SFR.

Copie en sera adressée au secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05250 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05250
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP LATOURNERIE WOLFROM et ASS.

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-21;22pa05250 ?
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