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21/07/2023 | FRANCE | N°22PA02200

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juillet 2023, 22PA02200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A..., M. B... A..., M. E... A... et Mme D... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du Premier ministre, révélée par des courriers du 9 novembre 2020 du directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du gouvernement, en tant qu'elle n'a pas fait entièrement droit à leur demande d'indemnisation des spoliations subies par feu M. C... A..., leur père et grand-père, du fait des législations antisémites en vigueur pendant l

'Occupation et n'accorde à ses ayants droit qu'une indemnisation complémenta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A..., M. B... A..., M. E... A... et Mme D... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du Premier ministre, révélée par des courriers du 9 novembre 2020 du directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du gouvernement, en tant qu'elle n'a pas fait entièrement droit à leur demande d'indemnisation des spoliations subies par feu M. C... A..., leur père et grand-père, du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation et n'accorde à ses ayants droit qu'une indemnisation complémentaire d'un montant total de 100 000 euros et, d'autre part, d'enjoindre au Premier ministre de prendre une nouvelle décision fixant l'indemnisation totale due aux ayants droit de M. C... A... à la somme de 3 916 720 euros.

Par un jugement n° 2103928 du 11 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 mai 2022, 16 février 2023 et 17 avril 2023, M. J... A..., M. F... A... et M. G... A..., en qualité d'héritiers venant aux droits de M. H... A..., et M. B... A..., M. E... A... et Mme D... A..., petits-enfants de feu M. C... A..., représentés par Me Carbonnier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, doivent être regardés comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du Premier ministre en tant qu'elle a limité le montant de l'indemnité complémentaire au titre des spoliations subies par feu M. C... A... du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation à la somme globale de 100 000 euros ;

3°) d'enjoindre à la Première ministre de prendre une nouvelle décision fixant l'indemnisation totale due aux ayants droit de M. C... A... à la somme de

3 937 794 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il a été prononcé au visa " des autres pièces du dossier " sans que le tribunal ne précise la partie qui les a présentées, ni la teneur de ces pièces ni ne les ait informés de la possibilité de prendre connaissance de ces pièces, en méconnaissance du principe du contradictoire et du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle limite à 100 000 euros, après le réexamen de leur demande, le montant de l'indemnité qui leur est due ;

- en particulier, c'est à tort qu'elle écarte toute indemnisation au titre de la perte du montant des apports initiaux de M. A... dans la société A..., Patot et compagnie et de la perte de valeur de son fonds de commerce, alors que la dissolution de la société, en conséquence directe des législations antisémites, doit s'analyser comme une cession forcée ;

- M. A... a été spolié du montant de sa part dans le capital de la société et de ses apports en compte courant en tant qu'associé gérant ;

- la décision contestée rejette également à tort l'indemnisation sollicitée au titre des sommes qui lui étaient dues en exécution de la liquidation de cette société et dont il a été spolié ;

- l'indemnité accordée au titre du droit de présentation de la clientèle de M. A... est sous-évaluée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, la Première ministre conclut au rejet de la requête.

Elle renvoie à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au motif qu'il été prononcé au visa " des autres pièces du dossier " n'est pas fondé ;

- l'autorité relative de la chose jugée par l'arrêt n° 15PA03625 du 15 février 2018 de la Cour s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice allégué résultant de la décision de dissoudre la société du fait des persécutions antisémites.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de M. J... A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 janvier 2011, M. H... A..., fils de feu M. C... A..., agissant en son nom personnel et en qualité de mandataire de sa nièce et de ses neveux venant aux droits de leur père, M. I... A..., décédé, a saisi la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) en vue d'obtenir une indemnisation du fait de la spoliation des biens de M. C... A..., leur père et grand-père. Sur la recommandation de la commission du 11 décembre 2013, le Premier ministre a, par une décision du 19 mars 2014, accordé aux consorts A... une indemnité totale de 2 600 euros au titre, d'une part, de la confiscation des biens et valeurs que M. C... A..., déporté sans retour, devait posséder sur lui au moment de son arrestation et, d'autre part, des frais de procédure exposés après-guerre par sa veuve afin de récupérer son logement. Un courrier de notification de cette décision daté du 26 mars 2014 leur a été adressé.

2. Par un jugement n° 1408782 du 10 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris, saisi par les consorts A..., a annulé le courrier du 26 mars 2014, qu'il a assimilé à une décision, en tant qu'elle se bornait à allouer aux ayants droit de M. C... A... la somme totale de 2 600 euros, pour incompétence de son auteur. Par un arrêt n° 15PA03625 du 15 février 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'une décision relative à l'indemnisation des consorts A... avait été compétemment prise par le secrétaire général du gouvernement et que, par suite, c'était à tort que le tribunal s'était fondé sur l'incompétence de l'auteure de la lettre de notification de cette décision pour annuler partiellement la décision du Premier ministre. Après avoir examiné les autres moyens soulevés par les consorts A..., la Cour a jugé que ces derniers étaient fondés à soutenir que la commission et, par suite, le Premier ministre avaient omis de se prononcer sur l'existence éventuelle d'un lien de causalité entre l'application des législations antisémites aux opérations de liquidation de la société A..., Patot et compagnie et la perte alléguée des sommes dues à M. C... A... au terme de cette liquidation, ainsi que sur la réalité de la perte alléguée, et que le Premier ministre n'était, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris avait annulé sa décision en tant qu'elle se bornait à allouer aux ayants droit de M. C... A... la somme totale de 2 600 euros. Elle a, en revanche, rejeté les conclusions de l'appel incident des consorts A..., dont celles tendant à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de prendre une nouvelle décision leur accordant une somme totale de 2 883 257 euros, répartie au prorata des droits de chacun d'entre eux dans la succession de M. C... A.... L'arrêt de la Cour n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

3. A la suite de l'arrêt de la Cour du 15 février 2018, le Premier ministre a de nouveau saisi la CIVS du dossier des consorts A.... Par une recommandation du 3 juillet 2020, celle-ci a proposé d'accorder une indemnisation complémentaire aux ayants droit de M. C... A..., d'un montant de 100 000 euros, en réparation de l'impossibilité dans laquelle celui-ci s'était trouvé, après la dissolution de sa société le 30 décembre 1940, d'exercer et de valoriser son droit de présentation de ses clients auprès d'autres banques en valeur et agents de change. Elle a, en revanche, estimé qu'il n'y avait pas lieu de leur accorder une indemnisation au titre de la perte de certaines sommes qui lui étaient dues en exécution de la liquidation de la société A..., Patot et compagnie, l'existence d'une telle perte n'étant pas établie. Elle a, enfin, rappelé que selon sa première recommandation, confirmée sur ce point par la Cour dans son arrêt du 15 février 2018, il n'y avait pas lieu de les indemniser de la perte par M. C... A... du montant de ses apports initiaux dans la société A..., Patot et compagnie, non plus que de la perte de valeur de son fonds de commerce, dès lors que la liquidation de sa société était sans lien avec l'application des législations antisémites, ayant été décidée librement le 30 décembre 1940 sans qu'aucun texte ne l'impose. Il ressort des pièces du dossier que le Premier ministre a décidé de suivre cette recommandation. Par des courriers en date du 9 novembre 2020, le directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du gouvernement a ainsi adressé aux consorts A... des notifications d'indemnisation correspondant à leur quote-part successorale appliquée à un capital de 100 000 euros. Par un jugement du 11 mars 2022, dont les consorts A... relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du Premier ministre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la circonstance qu'après avoir analysé les conclusions et les moyens soulevés par les parties dans leurs mémoires, lesquels leur ont été communiqués par le tribunal avec les pièces qui y étaient jointes, le jugement attaqué vise " les autres pièces du dossier ", sans en préciser le contenu ni l'origine, n'est constitutif d'aucune irrégularité et ne contrevient ni au principe des droits de la défense, ni aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, les requérants n'assortissent pas le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième et dernier lieu, si les consorts A... soutiennent que les premiers juges ont méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve, un tel moyen ne critique pas la régularité mais le bien-fondé du jugement. Or, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la légalité de la décision de l'administration. Par suite, ce moyen est inopérant.

Sur la légalité de la décision du Premier ministre :

7. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation : " Il est institué auprès du Premier ministre une commission chargée d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy. / La commission est chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées ". L'article 8-2 du même décret prévoit que les décisions d'indemnisation sont prises par le Premier ministre sur la base des recommandations de la commission.

8. Le dispositif institué par ces dispositions aboutit, au terme d'une procédure de conciliation, à ce que la commission recommande, le cas échéant, au Premier ministre de prendre une mesure de réparation, de restitution ou d'indemnisation. Les décisions prises par le Premier ministre peuvent être annulées notamment si elles sont entachées d'erreur de droit, d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir. Elles doivent notamment permettre la restitution à leurs propriétaires ou aux ayants droit de ceux-ci des biens dont ils ont été spoliés. Dans le cas où cette restitution est impossible, ces biens ayant été détruits ou n'ayant pu être retrouvés, les propriétaires ou leurs ayants droit doivent en être indemnisés selon les règles particulières issues du décret du 10 septembre 1999.

En ce qui concerne la perte par M. A... du montant de ses apports initiaux et de la valeur du fonds de commerce du fait de la dissolution anticipée de sa société :

9. L'autorité relative de la chose jugée peut être invoquée à l'encontre de toutes les personnes qui ont été parties en la même qualité dans l'instance ayant donné lieu à la décision passée en force de chose jugée, pour autant que les demandes aient le même objet et reposent sur la même cause juridique.

10. Par son arrêt n° 15PA03625 du 15 février 2018, devenu définitif, la Cour a jugé qu'il n'existait pas, à la date à laquelle les associés ont décidé de dissoudre la société A..., Patot et compagnie, d'interdiction pour les juifs d'exercer les professions de banquier ou de courtier en bourse, que cette interdiction n'est en effet intervenue que six mois plus tard, par l'article 5 de la loi de Vichy du 2 juin 1941 (dite " second statut des Juifs ") et que les consorts A... n'étaient donc pas fondés à soutenir que la décision de procéder à la liquidation de la société A..., Patot et compagnie résulterait de l'application de cette loi. La Cour a également jugé que les consorts A... ne produisaient aucun commencement de preuve de ce que la décision de procéder à la liquidation de la société aurait été prise non en raison des circonstances économiques liées à l'entrée en guerre, mais en raison des législations antisémites qui interdisaient uniquement à cette date le retour en zone occupée des juifs l'ayant quittée et imposaient le recensement des entreprises " juives ". Or la présente demande des consorts A... tendant à l'indemnisation de la perte du montant des apports initiaux de M. C... A..., sous forme de capital et d'apports en compte courant, et de la perte de valeur de son fonds de commerce, à la suite de la liquidation de la société A..., Patot et compagnie le 30 décembre 1940, a le même objet et est fondée sur la même cause juridique que leur précédente demande, sur laquelle la Cour s'est prononcée par son arrêt du 15 février 2018 rendu entre les mêmes parties. Dans ces conditions, la Première ministre est fondée à opposer devant la Cour l'autorité de la chose jugée par cet arrêt à la nouvelle demande des consorts A....

En ce qui concerne les sommes dues à M. A... dans le cadre de la liquidation de sa société :

11. D'une part, tout d'abord, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'administrateur provisoire du 6 mars 1942 adressé au commissaire général aux questions juives, qu'à la suite de la décision de dissolution de la société A..., Patot et compagnie le 30 décembre 1940, une première opération de réduction de 50 % du capital de la société a été effectuée, à l'issue de laquelle, le 8 avril 1941, " M. C... A... a été crédité de 450 000 francs ", sur les 1 000 000 francs versés aux associés, et que cette somme a été versée sur le compte que détenait M. A... à la banque Worms et Cie. Il en ressort également qu'à la suite du blocage de ce compte à la fin de l'année 1941, la somme de 141 508,20 francs, correspondant à 50 % de son solde à cette date, a été consignée le 12 janvier 1942 auprès de la Caisse des dépôts et consignations au titre de " l'amende du milliard ". Les requérants reconnaissent que cette somme a été restituée à l'un des fils de M. C... A... le 7 octobre 1949. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 2 mars 1943, l'administrateur provisoire a demandé au commissaire général aux questions juives l'autorisation de procéder à une seconde répartition à hauteur de la moitié du capital restant de la société A..., Patot et compagnie, tout en précisant que " les répartitions concernant les associés Juifs seront bloquées, comme l'ont été les premières ".

12. D'autre part, il est constant que la liquidation de la société A..., Patot et compagnie, confiée à une banque en valeurs, la maison Traverse et Blanc, était toujours en cours lorsque la déclaration de succession de M. C... A... a été établie par Me Jourdain, notaire, le 19 novembre 1947, et que l'actif successoral de la communauté formée par M. C... A... et son épouse comportait une créance de 100 000 francs auprès du compte de liquidation de la société. Il n'est pas soutenu que les héritiers de M. C... A... n'auraient pu obtenir le paiement de cette créance à l'issue de la liquidation de la société A..., Patot et compagnie.

13. Au vu de ces éléments, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que, d'une part, la somme de 450 000 euros versée le 8 avril 1941 sur le compte de M. A... à la banque Worms et Cie avait pu être pour partie appréhendée par celui-ci avant le blocage de ce compte et, d'autre part, il était très vraisemblable que les sommes dues au titre de la poursuite des opérations de liquidation entre mars 1943 et la Libération avaient été versées sur un compte bancaire alors bloqué et que son épouse avait pu les récupérer, de même que le solde, après prélèvement de 50 %, du premier versement, dans le cadre des nombreuses démarches qu'elle a accomplies après la guerre pour récupérer les biens professionnels de son époux. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, le Premier ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande d'indemnisation des consorts A... au titre de la spoliation des sommes dues à M. C... A... à la suite de la liquidation de sa société.

En ce qui concerne la perte par M. A... du droit de présentation de sa clientèle :

14. A l'issue du réexamen de leur demande, le Premier ministre a suivi la proposition de la CIVS du 3 juillet 2020 et a accordé aux consorts A... une indemnité de 100 000 euros en réparation de la perte par M. C... A... du droit de présentation de sa clientèle auprès d'autres banques en valeurs et agents de change, à la suite de la liquidation, par dissolution anticipée le 30 décembre 1940, de la société A..., Patot et compagnie. Pour contester le montant de cette indemnité, les requérants se fondent sur la valeur du fonds de commerce de la société, calculée à partir du chiffre d'affaires des trois derniers exercices avant l'année de sa liquidation, soit 4 069 465 francs, sur une marge de 66 % et sur un montant annuel en valeur des commissions de 2 690 730 francs. Toutefois, les consorts A... n'apportent aucune précision, à l'exception de celle selon laquelle elle était répartie sur l'ensemble du territoire national, sur la clientèle de M. A... au sein de la société, ni aucun élément sur les conditions de valorisation d'une telle clientèle dans les années 1940, alors que, par ailleurs, la société a été liquidée le 30 décembre 1940 et qu'aucune indemnité au titre de la perte de la valeur du fonds de commerce n'est due, ainsi qu'il a déjà été jugé, au titre des spoliations subies par feu M. C... A... du fait des législations antisémites en vigueur sous l'Occupation. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du Premier ministre d'accorder aux consorts A... une indemnité de 100 000 euros au titre de droit de présentation de la clientèle de M. A... auprès d'autres banques en valeurs et agents de change serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du Premier ministre, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les consorts A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... A..., premier dénommé, pour l'ensemble des consorts A..., et à la Première ministre.

Copie en sera adressée à la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

P. FOMBEUR

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02200 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02200
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-21;22pa02200 ?
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