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21/07/2023 | FRANCE | N°22PA01395

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juillet 2023, 22PA01395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1902307, la société DRM Démolition et revente de métaux a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 novembre 2018 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de

réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1902307, la société DRM Démolition et revente de métaux a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 novembre 2018 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du montant de ces contributions.

Par une demande enregistrée sous le n° 1909675, la société DRM Démolition et revente de métaux a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 29 août 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté sa réclamation formée contre les titres de perception émis le 12 novembre 2018 pour le recouvrement des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge ;

2°) à titre principal, de la décharger des droits et pénalités faisant l'objet de la mise en demeure du 12 février 2019 et d'annuler les titres de perception du 12 novembre 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à la somme de 21 420 euros et de la décharger de la différence entre le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et la somme de 21 420 euros ;

4°) à titre très subsidiaire, de plafonner le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine à hauteur de 15 000 euros par salarié dépourvu d'autorisation de travail et de la décharger de la différence entre le montant des contributions mises à sa charge et la somme de 45 000 euros.

Par un jugement n°s 1902307, 1909675 du 21 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, la société DRM Démolition et revente de métaux, représentée par Me Pipard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1902307, 1909675 du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 novembre 2018 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3°) de la décharger du montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à sa charge par la décision du 6 novembre 2018 ;

4°) d'annuler la mise en demeure du 12 février 2019 ainsi que la décision du 29 août 2019 par laquelle le directeur général de l'OFII a rejeté sa réclamation formée contre les titres de perception émis le 12 novembre 2018 pour le recouvrement des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge ;

5°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à la somme de 21 420 euros et de la décharger de la différence entre le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et cette somme de 21 420 euros, soit 10 071 euros ;

6°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 1902307 n'est pas tardive ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'en application de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, la notification de la décision du 20 décembre 2018 de l'OFII rejetant son recours gracieux ne peut lui être opposée, cette décision ne lui ayant pas été directement adressée, ni notifiée ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Meaux dans son jugement de relaxe s'impose à l'autorité administrative et au juge administratif ;

- l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Meaux dans son jugement de relaxe s'impose à l'autorité administrative et au juge administratif ; les notes d'audience versées au dossier permettent d'établir que le procureur de la République lui-même a requis la relaxe qui a en outre été prononcée sur le siège, les éléments constitutifs des infractions n'étant pas caractérisés dans les procès-verbaux à l'origine des poursuites ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ; l'OFII ne démontre pas qu'elle était en mesure de déceler le caractère frauduleux des documents présentés par les salariés lors de leur embauche ; ces trois salariés ont été recrutés en vertu d'un contrat de travail écrit établi par le cabinet d'expertise comptable, qui avait reçu une copie des pièces d'identité qui lui ont été présentées ; aucun texte n'impose ou permet à l'employeur de procéder au contrôle de validité d'un titre d'identité émis par les autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; elle a été diligente en demandant aux salariés de produire un second document justifiant leur nationalité ;

- l'OFII ne peut remettre en cause sa bonne foi ; les trois salariés ont toujours été déclarés mensuellement à l'URSSAF dans le cadre des déclarations sociales nominatives et les charges sociales ont été réglées dès leur embauche ;

- à titre subsidiaire, le montant de la contribution spéciale doit être réduit sur la base de 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application de l'article L. 8253-1 du code du travail, c'est-à-dire à un montant de 21 420 euros, dès lors qu'elle justifie avoir versé aux salariés l'ensemble des salaires et indemnités prévus par les articles L. 8252-2 et R. 8252-6 du code du travail ;

- l'absence de titre de séjour et d'autorisation de travail des salariés constitue une seule infraction prévue par le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail ; l'OFII ne pouvait pas légalement retenir à son encontre un cumul d'infractions ; en outre, elle a été relaxée de ces infractions par le tribunal correctionnel de Meaux ; en tout état de cause, les éléments constitutifs de ces infractions ne sont pas caractérisés ; par suite, l'OFII ne peut pas légalement lui appliquer le taux de 5 000 fois le salaire horaire minimal pour établir le montant de la contribution spéciale ;

- il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que les dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conduisent nécessairement à plafonner le montant maximum de la contribution spéciale due par l'employeur, lorsque celui-ci emploie un étranger sans titre de travail, à hauteur de 15 000 euros par salarié.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société DRM Démolition et revente de métaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance est irrecevable pour tardiveté ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bustany, représentant la société DRM Démolition et revente de métaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 mai 2018, lors d'un contrôle effectué dans l'établissement exploité à Marcilly par la société DRM Démolition et revente de métaux, dont l'activité est le recyclage d'équipements en fin de vie, la collecte de ferrailles et de métaux, les services de gendarmerie de Seine-et-Marne ont constaté la présence de trois ressortissants étrangers démunis de titres de séjour et d'autorisations de travail. Par une décision du 6 novembre 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 53 555 euros au titre de la contribution spéciale et de 7 659 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le recours gracieux formé par la société le 26 novembre 2018 à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision du 20 décembre 2018. Le 12 novembre 2018, la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne a émis des titres de perception en vue d'assurer le recouvrement des contributions spéciale et forfaitaire. Elle a adressé à la société le 12 février 2019 une mise en demeure et une lettre de relance en vue du recouvrement respectivement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire. Par un courrier du 8 avril 2019, reçu le 11 avril suivant, la société DRM Démolition et revente de métaux a présenté une réclamation qui a été rejetée par une décision de l'OFII du 29 août 2019. Par un jugement du 21 janvier 2022, dont la société DRM Démolition et revente de métaux relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du directeur général de l'OFII et des titres de perception ainsi qu'à la décharge totale ou partielle des contributions mises à sa charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il rejette la demande n° 1909675 :

2. Il ressort du point 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de manière suffisamment précise au moyen tiré de ce que l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Meaux dans son jugement du 28 mars 2019 s'impose à l'autorité administrative et au juge administratif. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il rejette la demande n° 1902307 :

3. Il ressort des pièces du dossier que la société DRM Démolition et revente de métaux a présenté devant le tribunal administratif un mémoire complémentaire le 24 juin 2021 dans lequel elle soulevait le moyen tiré de la méconnaissance par l'OFII de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration à l'appui des conclusions de sa demande enregistrée sous le n° 1902307 tendant à l'annulation de la décision de l'OFII rejetant son recours gracieux formé contre la décision du 6 novembre 2018. Toutefois, alors que l'instruction n'était pas close, le tribunal a omis de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen soulevé par la société DRM Démolition et revente de métaux, celle-ci est fondée à soutenir que le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1902307 est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

4. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'évoquer dans cette mesure l'affaire et de se prononcer, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, sur le reste du litige qui lui est soumis.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'OFII rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 novembre 2018 :

5. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

6. Il résulte du point 5 que, à supposer même que, comme le soutient la société requérante, soit née une décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 26 novembre 2018 par la société DRM Démolition et revente de métaux, la décision explicite de rejet de l'OFII prise le 20 décembre 2018 s'est substituée à la première décision implicite. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de celle-ci doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse.

7. L'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au moment où elle est notifiée ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version applicable à l'espèce : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le 26 novembre 2018, la société DRM Démolition et revente de métaux a formé, par l'intermédiaire de son mandataire, Me Pipard, de la société d'avocats Fidal, un recours gracieux contre la décision du 6 novembre 2018 du directeur général de l'OFII mettant à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire, représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Par une décision du 20 décembre 2018 adressée et notifiée au mandataire de la société le 22 décembre 2018, l'OFII a rejeté ce recours. La société requérante ne conteste pas que son avocat a accusé réception le 22 décembre 2018 de la décision du 20 décembre 2018 mais soutient que le délai de recours contentieux ne peut lui être opposé, faute pour l'OFII de lui avoir adressé directement la décision du 20 décembre 2018, comme il était tenu de le faire en vertu de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration.

9. Il ressort clairement des termes du courrier du 26 novembre 2018 adressé à l'OFII que Me Pipard, de la société d'avocats Fidal, a déclaré agir en sa qualité de mandataire de la société DRM Démolition et revente de métaux. Il n'est pas contesté que Me Pipard avait reçu un tel mandat de la société requérante, ce qu'il n'avait pas, au demeurant, à justifier auprès de l'OFII. Dans ces conditions, et sans méconnaître les dispositions de l'article L. 221-8 du code des relations entre le public et l'administration, l'OFII était tenu d'adresser et de notifier sa décision rejetant le recours administratif à Me Pipard qui représentait la société devant l'administration en application des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 citées au point 7. La décision de l'OFII rejetant le recours gracieux de la société DRM Démolition et revente de métaux, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a ainsi été régulièrement notifiée le 22 décembre 2018. Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'OFII du 20 décembre 2018 rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 novembre 2018, enregistrées le 12 mars 2019, ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux et sont, par suite, irrecevables.

10. Il résulte des points 7 à 9 que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 par laquelle l'OFII a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de sa décision du 6 novembre 2018 doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des actes de poursuite du 12 février 2019 et de la décision de l'OFII du 29 août 2019 rejetant la réclamation de la société et à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire :

11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 5221-8 du même code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. (...) ".

12. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. (...) ".

13. En principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

14. D'une part, les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, citées au point 11, ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale à la condition que les faits qui la fondent constituent une infraction pénale. D'autre part, par son jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel de Meaux a relaxé la société DRM Démolition et revente de métaux, notamment des chefs d'emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail salarié, d'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes et de l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, aux seuls motifs " qu'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de [la] relaxer des fins de la poursuite ". Ce jugement ne comporte ainsi aucune constatation de fait qui s'imposerait à l'administration comme au juge administratif.

15. Il résulte des dispositions des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.

16. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constatations et de saisine établi le 30 mai 2018, que lors du contrôle par les services de gendarmerie des locaux de la société DRM Démolition et revente de métaux, deux ressortissants sénégalais et un ressortissant ivoirien, qui se trouvaient en action de travail, ont présenté de fausses cartes d'identité portugaises portant leur photographie. Si la société requérante soutient qu'elle n'était pas en mesure de déceler le caractère frauduleux de ces documents lors de l'embauche des salariés, il ressort toutefois des constatations des gendarmes mentionnées dans le procès-verbal du 30 mai 2018 que le fond d'impression de la carte d'identité portugaise présentée par M. C..., de nationalité sénégalaise, n'était pas net et que la carte d'identité ne contenait pas de véritable puce électronique " laquelle a été grossièrement imitée avec du papier doré ". Les cartes d'identité présentées par M. A..., de nationalité sénégalaise, et par M. B..., de nationalité ivoirienne, comportaient également des " puces imitées ". En outre, il ressort du procès-verbal d'audition du 5 juin 2018 de M. Ousselin, président et gérant de la société DRM Démolition et revente de métaux, que celui-ci a déclaré à l'officier de police judiciaire qu'il n'avait pas contrôlé la carte d'identité portugaise de M. C..., qu'il pensait qu'il appartenait au cabinet d'expert-comptable de s'en charger et qu'il avait eu un doute quant à la nationalité portugaise de M. B.... Dans ces conditions, et même si la société requérante n'aurait pas été en mesure de déceler les autres anomalies des cartes d'identité portugaises de ses salariés portant sur les codes mentionnés sur la bande de lecture optique, les caractères utilisés et les numéros de titre au recto des documents, elle ne peut soutenir qu'elle n'était pas en mesure de savoir si ces documents revêtaient un caractère frauduleux et ne peut dès lors utilement se prévaloir de sa bonne foi. Les trois salariés, ressortissants sénégalais et ivoirien, étaient démunis de titre les autorisant à séjourner en France et à y travailler. Par suite, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation des manquements, ainsi qu'il a déjà été dit, la matérialité des faits reprochés à la société DRM Démolition et revente de métaux est établie.

Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de la contribution spéciale :

17. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. (...) ".

18. L'article L. 8252-2 du code du travail dispose : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : / 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. (...) / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) ". Aux termes de l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ".

19. Les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail citées au point 11 et les dispositions des articles R. 8253-2, L. 8252-2 et R. 8252-6 du code du travail prévoient la possibilité de minorer le montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6 du code du travail. La société DRM Démolition et revente de métaux soutient qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de ce taux réduit.

20. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal d'infraction du 30 mai 2018, que trois infractions distinctes ont été relevées par les services de gendarmerie : l'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes, l'emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail salarié et l'aide au séjour irrégulier d'étrangers en France. La société requérante se prévaut du jugement du tribunal correctionnel de Meaux du 28 mars 2019 qui a prononcé la relaxe des fins de la poursuite de la société. Toutefois, la chose jugée par ce jugement pénal ne s'impose pas à l'administration ou au juge administratif, ainsi qu'il a déjà été dit, dès lors qu'il se borne à ordonner la relaxe de l'intéressée sans en préciser les motifs. Dans ces conditions, la société requérante n'entre pas dans le champ d'application du 1° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail. En outre, si la société requérante verse au dossier, pour chacun des salariés, le bulletin de salaire du mois de juin 2018, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'elle se soit acquittée de l'indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire prévue par le 2° de l'article L. 8252-2 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que la contribution spéciale mise à sa charge aurait dû être minorée en application des 1° et 2° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail doit être écarté.

21. Enfin, aux termes de l'article L. 8256-2 du code du travail : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. (...). / L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés ". Aux termes de l'article L. 8256-7 du même code : " Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent chapitre, à l'exception de l'article L. 8256-1, encourent : / 1° L'amende, dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal ; (...) ". Aux termes de l'article 131-38 du code pénal : " Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction. (...) ".

22. Il résulte des dispositions précitées que le montant maximum encouru par une personne physique pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler est de 15 000 euros en application de l'article L. 8256-2 du code du travail. Il s'ensuit, par la combinaison des dispositions précitées, que le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier encouru par une personne morale ne peut excéder 75 000 euros. Par suite, le moyen selon lequel le cumul des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mis à la charge de la société requérante ne pouvait excéder le montant maximal prévu à l'article L. 8256-2 du code du travail, soit la somme de 15 000 euros par étranger employé sans titre l'autorisant à travailler concerné, doit être écarté.

23. Il résulte des points 11 à 22, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa demande de première instance, que la société DRM Démolition et revente de métaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des actes de poursuite du 12 février 2019 et de la décision de l'OFII du 29 août 2019 rejetant sa réclamation et à la décharge, totale ou partielle, de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société DRM Démolition et revente de métaux au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu de mettre à la charge de la société DRM Démolition et revente de métaux le versement à l'OFII de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1902307, 1909675 du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société DRM Démolition et revente de métaux tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rejetant son recours gracieux.

Article 2 : Les conclusions de la société DRM Démolition et revente de métaux tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rejetant son recours gracieux et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.

Article 3 : La société DRM Démolition et revente de métaux versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société DRM Démolition et revente de métaux et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01395 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01395
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SA FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-21;22pa01395 ?
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