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21/07/2023 | FRANCE | N°22PA00775

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juillet 2023, 22PA00775


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 18 février 2022 sous le n° 22PA00775, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, représentée par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qual

ité de l'air (IDCC 2230) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 00...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 18 février 2022 sous le n° 22PA00775, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, représentée par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC 2230) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une enquête de représentativité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-2 du code du travail ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le Haut conseil du dialogue social (HCDS) a rendu son avis sur le fondement d'une information incomplète, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-11 du code du travail ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des articles L. 2121-1, L. 2122-5 et L. 2121-2 du code du travail dans la mesure où le ministre du travail a exclu à tort de la comptabilisation au titre de la branche des bureaux d'études techniques un nombre important de suffrages exprimés au sein de l'entreprise Bureau Veritas, qui avait déclaré un identifiant de convention collective erroné pour plusieurs établissements, et a comptabilisé à tort les résultats des élections au sein de l'entreprise Cap Gemini, pourtant entachées de manœuvres frauduleuse.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la fédération requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail et à la Confédération française des travailleurs chrétiens, qui n'ont pas produit d'observations.

II. Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er décembre 2022 et 2 février 2023 sous le n° 22PA05565, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, représentée par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC 2230) ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 22 novembre 2021 et de prise en compte des suffrages valablement exprimés dans les établissements de la société Bureau Veritas ;

3°) d'abroger, dans l'hypothèse où la demande d'annulation de cet arrêté dans l'instance n° 22PA00775 serait rejetée, l'arrêté du 22 novembre 2021 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC 2230) ;

4°) d'enjoindre au ministre du travail de fixer par arrêté la représentativité syndicale au niveau de cette branche sur les bases précédemment définies compte tenu notamment de l'ensemble des résultats électoraux des établissements de l'entreprise Bureau Veritas, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens soulevés à l'appui de sa requête enregistrée sous le n° 22PA00775 et soutient en outre que :

- la doctrine du ministère, qui confond l'identifiant de convention collective qui figure sur les documents établis par l'employeur et la notion de branche professionnelle, est illégale ;

- l'arrêt de la Cour d'appel de Paris n° 20/08158 du 16 décembre 2021, qui a jugé que l'activité de l'entreprise Bureau Veritas était rattachée à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, montre que le ministre devait prendre en considération les résultats électoraux de cette entreprise au titre du champ de cette convention ;

- la décision implicite refusant d'abroger l'arrêté du 22 novembre 2021 est elle-même illégale dès lors que l'article L. 2221-5 du code du travail oblige le ministre du travail à prendre en compte, pour l'appréciation de la représentativité des organisations syndicales dans la branche des bureaux d'études techniques et des ingénieurs-conseils, les résultats de l'ensemble des établissements de l'entreprise Bureau Veritas, comme l'a confirmé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt n° 20/08158 du 16 décembre 2021.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La requête a été communiquée à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail et à la Confédération française des travailleurs chrétiens, qui n'ont pas produit d'observations.

Par un courrier du 5 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'impliquer le prononcé d'office de l'injonction d'abroger l'arrêté du 22 novembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air.

Par un mémoire présenté le 13 juin 2023, en réponse à cette information, la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière conclut à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion d'abroger l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel il a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC 2230).

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Sarrazin, avocat de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, et de M. A..., représentant du ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC 2230). Par un courrier du 15 mars 2022, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière a demandé au ministre du travail d'abroger l'arrêté du 22 novembre 2021 et un refus implicite lui a été opposé.

2. Les requêtes n°s 22PA00775 et 22PA05565, présentées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, tendent respectivement à l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et du refus d'abroger cet arrêté et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2021 :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...)

5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1,

L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-5 : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; / (...) 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans ". Aux termes de l'article L. 2122-7 du même code : " Sont représentatives au niveau de la branche à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qui remplissent les conditions de l'article L. 2122-5 dans ces collèges ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-12 du même code : " Un décret détermine les modalités de recueil et de consolidation des résultats aux élections professionnelles pour l'application du présent chapitre ". Enfin, aux termes de l'article D. 2122-6 du même code : " Le système de centralisation des résultats des élections professionnelles mentionnées aux articles L. 2122-5 à L. 2122-10 afin de mesurer l'audience des organisations syndicales doit : / a) Garantir la confidentialité et l'intégrité des données recueillies et traitées ; / b) Permettre de s'assurer, par des contrôles réguliers, de la fiabilité et de l'exhaustivité des données recueillies et consolidées (...). Les résultats complets de chaque cycle électoral sont portés à la connaissance du Haut Conseil du dialogue social afin qu'il puisse rendre au ministre chargé du travail l'avis prévu à l'article L. 2122-11. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-2 du code du travail : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose ".

5. En premier lieu, l'arrêté du 22 novembre 2021 a été pris à l'issue d'un cycle électoral de quatre ans, dans le cadre d'une branche professionnelle préexistante, à savoir celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils fusionnée par l'arrêté de la ministre du travail du 1er août 2019 avec celle des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air. Par suite, et quand bien même des anomalies ont été signalées par la fédération requérante au niveau des résultats enregistrés lors des élections professionnelles, seules les dispositions des articles L. 2122-5 et suivants du code du travail étaient applicables. Dès lors, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 2121-2 du même code pour soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé de l'enquête de représentativité qu'elles prévoient.

6. En deuxième lieu, le Haut Conseil du dialogue social (HCDS) a été consulté le 18 novembre 2021, préalablement à l'adoption de l'arrêté contesté, conformément aux dispositions de l'article L. 2122-11 du code du travail. Alors qu'il était loisible au représentant de la Confédération générale du travail - Force ouvrière de faire état des éventuelles anomalies dont il avait connaissance, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les membres du Haut Conseil auraient été insuffisamment éclairés par les informations qui leur ont été transmises quant aux résultats des élections professionnelles dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le Haut Conseil n'aurait pas été mis en mesure de rendre un avis éclairé.

7. En troisième lieu, pour l'application des dispositions rappelées au point 3, l'audience des organisations syndicales par branche professionnelle est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 du code du travail. A cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail. Si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience.

8. Dans le cadre du contrôle qu'il opère selon ces règles, le ministre chargé du travail, auquel il n'appartient pas de vérifier si l'application d'une convention collective au sein d'une entreprise correspond à son activité principale au sens du premier alinéa de l'article L. 2261-2 du code du travail en vertu duquel " la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ", est tenu de prendre en compte la déclaration de l'identifiant de la convention collective de rattachement (IDCC) de l'entreprise ou de l'établissement qui figure sur les procès-verbaux des élections organisées en son sein, sauf à ce qu'il apparaisse qu'il résulte d'une erreur purement matérielle. En outre, le ministre chargé du travail ne saurait se substituer à l'entreprise et corriger, sans son accord exprès, le numéro d'identifiant de convention collective mentionné dans le procès-verbal des opérations électorales lorsque celui-ci ne correspond à aucun numéro existant.

9. La Fédération des employés et cadres Force ouvrière soutient que le ministre chargé du travail aurait dû prendre en compte, pour l'appréciation de la représentativité des organisations syndicales dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, les résultats de l'ensemble des établissements de l'entreprise Bureau Veritas, laquelle aurait déclaré à tort le résultat des élections professionnelles pour neuf de ses établissements en renseignant l'identifiant de convention collective 54 de la métallurgie à la place de l'identifiant 1486 des bureaux d'études techniques, comme l'a confirmé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt n° 20/08158 du 16 décembre 2021. Elle soutient également que, s'agissant de l'entreprise Cap Gemini, une organisation syndicale aurait procédé à des manœuvres frauduleuses en effectuant un envoi massif de courriels électroniques à plus de 10 000 salariés le matin même du scrutin, de sorte que le ministre chargé du travail aurait dû exclure les résultats correspondants.

10. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces des dossiers que la mention de l'identifiant de convention collective 54 sur les procès-verbaux des élections professionnelles de neuf des établissements de l'entreprise Bureau Veritas correspondait à un identifiant existant, celui de la métallurgie, et ne relevait pas d'une erreur purement matérielle. Dès lors, en l'absence de remise en cause de l'application de cette convention collective par le juge judiciaire à la date du 22 novembre 2021 à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, c'est sans erreur de droit que le ministre chargé du travail, qui n'a pas fait application d'une doctrine illégale, n'a pas pris en considération les résultats des élections dans ces établissements pour apprécier la représentativité des organisations syndicales dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air. A cet égard, la fédération requérante ne peut utilement se prévaloir de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 décembre 2021. D'autre part, à cette même date, les élections professionnelles qui se sont déroulées au sein de l'entreprise Cap Gemini n'avaient pas été annulées par le juge judiciaire, de sorte que le ministre du travail n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte les résultats de ces élections pour l'établissement de la mesure d'audience de cette branche.

11. Par suite, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté du 22 novembre 2021 :

12. Un arrêté par lequel le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle ne revêt pas un caractère réglementaire. Par suite, il n'entre pas dans l'office du juge de l'excès de pouvoir, même saisi, à titre subsidiaire, de conclusions à cette fin, d'en prononcer l'abrogation. Dès lors, les conclusions de la fédération requérante tendant à l'abrogation de l'arrêté du 22 novembre 2021 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite rejetant la demande, formée le 15 mars 2022, d'abrogation de l'arrêté du 22 novembre 2021 :

13. Il ressort des pièces des dossiers que, postérieurement à l'arrêté du 22 novembre 2021 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, la Cour d'appel de Paris, par son arrêt n° 20/08158 du 16 décembre 2021 rendu sur renvoi de la Cour de cassation, a jugé définitivement que la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, par l'effet de l'avenant n° 37 étendu par arrêté du 17 mai 2010, est applicable au secteur des activités d'analyses, essais et inspections techniques, ce dont il résulte que l'activité de neuf établissements de l'entreprise Bureau Veritas a été rattachée de façon erronée à la convention collective nationale de la métallurgie au lieu de celle des bureaux d'études techniques. Dès lors que cet arrêt était porté à sa connaissance, par le courrier de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière lui demandant de tirer les conséquences de cette décision de justice définitive, le ministre chargé du travail devait, en prenant en considération les circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il se prononçait, prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, modifiant ou abrogeant l'arrêté du 22 novembre 2021. Par suite, en s'abstenant de prendre un nouvel arrêté, le ministre chargé du travail a méconnu les exigences posées par les articles L. 2121-1, L. 2122-5 et L. 2121-2 du code du travail pour l'établissement de la mesure d'audience de cette branche.

14. Il résulte de ce qui précède que la Fédération des employés et cadres Force ouvrière est fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant sa demande, en tant qu'elle refuse de prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, modifiant ou abrogeant l'arrêté du 22 novembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

16. La présente décision implique nécessairement que le ministre procède au réexamen de la représentativité des organisations syndicales dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des sociétés de conseils et des sociétés de conseils et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, en tenant compte des éléments définis au point 13 du présent arrêt, et reprenne un arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans cette branche, modifiant ou abrogeant l'arrêté du 22 novembre 2021. Il y a lieu d'enjoindre au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion de prendre cette mesure dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération des employés et cadres Force ouvrière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'agissant de la requête n° 22PA05565 et de rejeter sa demande présentée sur le même fondement s'agissant de la requête n° 22PA00775.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a refusé d'abroger l'arrêté du 22 novembre 2021 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC n° 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC n° 2230) est annulée en tant qu'elle refuse de prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans cette branche, modifiant ou abrogeant l'arrêté du 22 novembre 2021.

Article 2 : Il est enjoint au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion de réexaminer la représentativité des organisations syndicales dans la branche des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (IDCC n° 1486) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (IDCC n° 2230), en tenant compte des éléments définis au point 13 du présent arrêt, et de prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans cette branche, modifiant ou abrogeant l'arrêté du 22 novembre 2021, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la Fédération des employés et cadres Force ouvrière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail et à la Confédération française des travailleurs chrétiens.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

P. FOMBEURLe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 22PA00775, 22PA05565 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00775
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION - ACTES RÉGLEMENTAIRES - NE PRÉSENTENT PAS CE CARACTÈRE - ARRÊTÉ DU MINISTRE CHARGÉ DU TRAVAIL ARRÊTANT LA LISTE DES ORGANISATIONS SYNDICALES RECONNUES REPRÉSENTATIVES PAR BRANCHE PROFESSIONNELLE.

01-01-06-01-02 L'arrêté par lequel le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle ne revêt pas un caractère réglementaire. [RJ1].

PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXÉCUTION - PORTÉE DE L'ANNULATION DE LA DÉCISION IMPLICITE DU MINISTRE CHARGÉ DU TRAVAIL REFUSANT DE PRENDRE UN NOUVEL ARRÊTÉ DE REPRÉSENTATIVITÉ SUITE À L'INTERVENTION D'UNE DÉCISION DU JUGE JUDICIAIRE RÉVÉLANT LE RATTACHEMENT ERRONÉ DE PLUSIEURS ÉTABLISSEMENTS D'UNE ENTREPRISE À LA CONVENTION COLLECTIVE DE LA BRANCHE CONCERNÉE.

54-06-07-008 Il relève de l'office du juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions en ce sens, d'enjoindre au ministre chargé du travail de réexaminer la représentativité des organisations syndicales dans la branche professionnelle concernée, en tenant compte des circonstances de droit et de fait nouvelles, et de prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans cette branche, modifiant ou abrogeant l'arrêté en vigueur.

TRAVAIL ET EMPLOI - SYNDICATS - REPRÉSENTATIVITÉ - FIXATION DE LA LISTE DES ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES DANS UNE BRANCHE PROFESSIONNELLE - 1) NATURE DE L'ARRÊTÉ MINISTÉRIEL - ACTE NON RÉGLEMENTAIRE - 2) OBLIGATION DE PRENDRE UN NOUVEL ARRÊTÉ EN CAS DE DÉCISION DE JUSTICE DÉFINITIVE FAISANT APPARAÎTRE LE CARACTÈRE ERRONÉ DU RATTACHEMENT DE PLUSIEURS ÉTABLISSEMENTS À UNE CONVENTION COLLECTIVE - AYANT FAUSSÉ LES DONNÉES PRISES EN CONSIDÉRATION - EXISTENCE.

66-05-01 1) L'arrêté par lequel le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle ne revêt pas un caractère réglementaire. [RJ1]......2) Postérieurement à l'arrêté du ministre chargé du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans une branche, le juge judiciaire a rendu une décision définitive dont il résulte que l'activité de plusieurs établissements d'une entreprise a fait l'objet d'un rattachement erroné à une convention collective, ayant faussé les données prises en considération pour le calcul de représentativité. Dès lors que cette décision de justice définitive était portée à sa connaissance, en lui demandant d'en tirer les conséquences, le ministre chargé du travail devait, en prenant en considération les circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il se prononçait, prendre un nouvel arrêté relatif aux organisations syndicales représentatives dans la branche considérée, modifiant ou abrogeant son premier acte. En s'abstenant de le faire, le ministre a méconnu les exigences posées par les articles L. 2121-1, L. 2122-5 et L. 2121-2 du code du travail pour l'établissement de la mesure d'audience de la branche. [RJ2].


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 8 février 1985, Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs, n° 42184, aux Tables....

[RJ2]

Rappr. CE, 16 avril 2021, Ministre du travail c/ Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision, n° 434611, et F3C CFDT, n° 425524, aux Tables.


Composition du Tribunal
Président : Mme FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-21;22pa00775 ?
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