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18/07/2023 | FRANCE | N°22PA03875

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 juillet 2023, 22PA03875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2101086 du 12 juillet 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2022 et le 5 janvier 2023, M. B..., représen

té par Me Belyaletdinova, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101086 du 12 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2101086 du 12 juillet 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2022 et le 5 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Belyaletdinova, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101086 du 12 juillet 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 à verser à Me Belyaletdinova, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait les articles L. 121-1 et L. 122-1 alors applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a acquis un droit au séjour permanent ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 17 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant roumain né le 29 juillet 1957, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de citoyen de l'Union européenne du 18 mars 2015 au 17 mars 2020, dont il a sollicité le renouvellement le 22 juin 2020. Par un arrêté du 28 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pouvait être renvoyé. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Le requérant reprend en appel les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ces moyens par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. (...)". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'un ressortissant d'un pays de l'Union européenne acquiert un droit au séjour permanent s'il remplit les conditions fixées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité ci-dessus et réside de manière ininterrompue en France depuis cinq ans.

4. Enfin l'article R. 122-4 du même code précise que " I.-Le ressortissant mentionné au 1° de l'article L. 121-1 qui cesse son activité professionnelle sur le territoire français acquiert un droit au séjour permanent avant l'écoulement de la période ininterrompue de cinq ans de séjour prévue à l'article L. 121-1 : / 1° Quand il atteint l'âge prévu par les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur pour faire valoir ses droits à une pension de retraite à condition d'y avoir exercé son activité professionnelle pendant les douze derniers mois et d'y résider régulièrement depuis plus de trois ans ; /2° A la suite d'une mise à la retraite anticipée et à condition d'y avoir exercé son activité professionnelle pendant les douze derniers mois et d'y résider régulièrement depuis plus de trois ans ; / 3° A la suite d'une incapacité permanente de travail et à condition d'y avoir séjourné régulièrement d'une façon continue depuis plus de deux ans ; / 4° A la suite d'une incapacité permanente de travail et sans condition de durée de séjour si cette incapacité résulte d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit pour la personne concernée à une rente à la charge d'un organisme de sécurité sociale ; (...). / II.-Sont également considérés comme périodes d'emploi les périodes de chômage involontaire dûment constatées par le service d'emploi compétent, les périodes d'arrêt d'activité indépendantes de la volonté de l'intéressé ainsi que l'absence de travail ou l'arrêt pour cause de maladie ou d'accident. "

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... résidait depuis plus de cinq années en France à la date de la décision attaquée, et s'il a conclu en 2014 un contrat de travail à durée indéterminée, il ne justifie d'aucune activité professionnelle ni d'aucune ressource suffisante afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale depuis l'année 2016. Si le requérant, qui a levé le secret médical, fait valoir qu'il a été privé d'emploi indépendamment de sa volonté à raison de son état de santé, il ne l'établit pas alors qu'il ressort de ces mêmes pièces que la pathologie dont il est atteint n'a été diagnostiquée qu'à la fin de l'année 2017. Dans ces conditions M. B... n'établit pas qu'il entrait dans les cas prévus par les dispositions précitées de l'article R. 122-4 permettant de conserver son droit au séjour permanent en dépit de son absence d'activité professionnelle et de ressources suffisantes.

6. Pour les mêmes motifs le requérant n'établit pas plus que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

7. Enfin aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'établit pas qu'il résidait en France avant l'année 2014, alors qu'il était âgé de 57 ans, et qu'il est célibataire sans enfant à charge. S'il bénéficie depuis 2017 d'un suivi médical régulier pour soigner le cancer de la prostate et le lymphome dont il est atteint, il n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Roumanie et ne justifie plus d'une insertion professionnelle. Dans ces conditions il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, garanti par les stipulations précitées.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu il suit de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

10. Aux termes des dispositions du 10° de l'article L. 511- 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur codification applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Dans ce cadre, et dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration (OFII) ou le médecin de l'Office pour avis dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Pas plus en appel qu'en première instance le requérant n'établit, ni même n'allègue, qu'il aurait mentionné son état de santé lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de saisine du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.

13. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le requérant n'établit pas, par la seule production de deux articles de presse et de documents qui ne mentionnent pas quel est le traitement nécessité par son état de santé à la date de la décision attaquée, qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à cet état de santé en Roumanie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03875
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BELYALETDINOVA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-18;22pa03875 ?
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