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18/07/2023 | FRANCE | N°21PA01430

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 juillet 2023, 21PA01430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants, auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1926634/1-1 du 27 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a réduit l'assiette de la pénalité à laquelle il a é

té assujetti en application de l'article 1758 A du code général des impôts et a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants, auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1926634/1-1 du 27 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a réduit l'assiette de la pénalité à laquelle il a été assujetti en application de l'article 1758 A du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 mars 2021 et le 4 août 2021, M. B..., représenté par Me Obadia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1926634 du 27 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants, auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le fait générateur de l'imposition contestée étant constitué par le transfert de propriété des titres cédés, la plus-value réalisée sur la cession des titres de la société Pharmasset doit être imposée au titre de l'année 2011 et non de l'année 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 25 mai 2022, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi.

Par des mémoires, enregistrés les 14 octobre 2022 et 17 janvier 2023, le ministre a répondu à ce moyen d'ordre public en concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Il soutient que :

- la motivation de la proposition de rectification n'est pas modifiée par sa réponse au moyen d'ordre public ;

- en application du droit français comme du droit américain, le requérant n'établit pas que les titres auraient été inscrits en compte avant le 1er janvier 2012 ;

- la cession de titres en cause n'entre pas dans le champ de l'article 13 de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique.

Pas des mémoires, enregistrés le 3 janvier 2023 et le 6 avril 2023, M. B... a répondu à ce moyen d'ordre public en concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Il soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée compte tenu des termes de la réponse du ministre au moyen d'ordre public ;

- à titre principal, en application du droit français comme du droit américain, les titres ont nécessairement été inscrits en compte avant le 1er janvier 2012 ;

- à titre subsidiaire, en application du 3 a) de l'article 13 de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, le produit de la cession de titres en cause n'est imposable qu'aux Etats-Unis d'Amérique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 31 août 1994 conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir

l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Uzan, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., séparés depuis le mois de novembre 2014, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal au titre de leur déclaration de revenus de l'année 2012, à l'issue duquel l'administration fiscale a considéré que la plus-value résultant d'une cession de titres qui avait été déclarée au titre de l'année 2011 devait être imposée au titre de l'année 2012, pour laquelle était applicable le taux de prélèvement forfaitaire de 24 %. En conséquence, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ont été mises à leur charge ainsi que, compte tenu de leur résidence fiscale en France en 2012, les contributions sociales, outre les intérêts de retard ainsi que la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir réduit la base de la majoration de 10 % pour tenir compte du fait que la plus-value en litige avait été initialement imposée au titre de l'année 2011, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. En ayant considéré, au point 8 du jugement attaqué, que la circonstance que les sociétés à l'origine des opérations d'offre publique d'achat et de fusion de titres seraient des sociétés cotées en bourse situées aux Etats-Unis est sans influence sur le régime fiscal qui leur a été appliqué, le Tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen, soulevé par M. B..., tiré de ce que le règlement de l'Autorité des marchés financiers serait inapplicable dans le présent litige compte tenu de la cotation sur le marché boursier américain des deux sociétés concernées par l'offre publique d'achat à l'occasion de laquelle a été réalisée la plus-value en litige.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. La motivation des observations produites par le ministre en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour est, en tout état de cause, sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification et, par suite, sur la régularité de la procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 et 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008 (...) ". Il résulte de ces dispositions que la cession de valeurs mobilières générant une plus-value imposable au titre de l'année au cours de laquelle elle intervient doit être regardée comme réalisée à la date à laquelle s'opère entre les parties le transfert de propriété des titres. En droit français, en application des dispositions combinées de l'article L. 228-1 du code de commerce, de l'article R. 228-10 du même code et de l'article L. 211-7 du code monétaire et financier, par dérogation à l'article 1583 du code civil, la date du transfert de propriété des titres d'une société par actions est celle à laquelle les valeurs mobilières en cause sont inscrites au compte de l'acheteur et non celle à laquelle intervient l'accord sur la chose et le prix.

5. La cession de valeurs mobilières à l'origine du litige, qui concerne les actions d'une société américaine cotée sur le " National Association of Securities Dealers Automated Quotations " (NASDAQ) acquise par une autre société américaine dans le cadre d'une offre publique d'achat (" tender offer ") soumise au droit américain, n'est pas régie, s'agissant de la détermination de la date du transfert de propriété, par le droit français.

6. Pour soutenir que la plus-value, résultant de la cession des 23 000 titres de la société Pharmasset qu'il détenait à la société Gilead sciences, doit être rattachée à l'année 2011, M. B... fait valoir que l'offre publique d'achat de ces titres a été lancée par la société Gilead le 6 décembre 2011 et que la date d'inscription de ces titres au compte de l'acheteur doit être fixée soit à la date de dénouement effectif de la négociation au sens de l'article 560-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, soit en l'espèce trois jours après la date d'exécution de l'ordre de vente, lequel a été passé par lui le 27 décembre 2011, soit deux jours après cette date, en application du règlement de la Security Exchange Commission, applicable à la transaction en cause par l'effet des articles 8-50 (b) et (c) du New-York Uniform Commercial Code.

7. Il suit de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré du règlement général de l'Autorité des marchés financiers doit être écarté comme inopérant.

8. Il résulte de l'instruction que l'offre publique d'achat des titres de la société Pharmasset lancée par la société Gilead le 6 décembre 2011 n'a été clôturée que le 12 janvier 2012, ainsi que l'a rappelé sa banque à M. B... lors de la réception de son ordre de vente du 27 décembre 2011, cet ordre de vente pouvant être révoqué par lui jusqu'à la clôture de l'offre. Par ailleurs, en admettant que le régime applicable à leur cession relève du " New-York Uniform Commercial Code ", lequel mentionne que l'opération se dénoue lorsque les titres sont inscrits en compte chez " l'intermédiaire direct " auquel s'est adressé le vendeur des titres, M. B... n'apporte aucun élément de preuve quant à la date d'une telle inscription. Le 27 décembre 2011, la Federal Trade Commission n'ayant pas encore donné son autorisation à la fusion entre les deux sociétés américaines en cause, l'ordre de vente donné par M. B... ne pouvait être regardé comme exécuté, ni par suite le transfert de propriété des titres accompli, au 31 décembre 2011. Dans ces conditions M. B... n'est pas fondé à soutenir que la plus-value résultant de la cession de ces titres devait être rattachée à l'année 2011.

9. Enfin la doctrine n'ajoutant rien en l'espèce à la loi fiscale, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de celle-ci, qui prévoit dans l'instruction du 8 novembre 2006 5-C-4-06 que le transfert de propriété " intervient à la date de dénouement effectif de la négociation (date de règlement-livraison des titres) " et que " cette date, précisée par l'initiateur de l'opération, correspond à celle à laquelle se réaliseront les inscriptions aux comptes des acheteurs et des vendeurs et les mouvements correspondants des comptes ouverts dans les livres du dépositaire central au nom des teneurs de compte conservateurs, dans le respect des règles fixées, le cas échéant, par le marché ou le système multilatéral de négociation concerné (article 560-4 du règlement général de l'AMF modifié). ".

10. Aux termes de l'article 13 de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, dont les points 1. et 2. concernent l'aliénation de biens immobiliers : " (...) 3. a) Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un établissement stable ou d'une base fixe qu'une entreprise ou un résident d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant, y compris de tels gains provenant de l'aliénation de cet établissement stable (seul ou avec l'ensemble de l'entreprise) ou de cette base fixe, sont imposables dans cet autre Etat. Lorsque le transfert de tels biens mobiliers hors de l'autre Etat est considéré comme une aliénation de ces biens, les gains correspondant à la période écoulée jusqu'à la date de ce transfert sont imposables dans cet autre Etat selon sa législation, et les gains correspondant à la période écoulée après cette date sont imposables dans le premier Etat selon sa législation. / b) Les gains imputables à un établissement stable ou à une base fixe au cours de son existence conformément aux dispositions du a sont imposables dans l'Etat contractant où cet établissement stable, ou cette base fixe, est situé, même si les paiements sont différés jusqu'à ce que cet établissement stable, ou cette base fixe, ait cessé d'exister. (...) 4. Les gains qu'une entreprise d'un Etat contractant qui exploite des navires ou des aéronefs en trafic international tire de l'aliénation de ces navires ou aéronefs ou de biens mobiliers affectés à leur exploitation ne sont imposables que dans cet Etat. 5. Les gains mentionnés au b) du paragraphe 2 de l'article 12 (Redevances) sont imposables conformément aux dispositions de l'article 12. 6. Sous réserve des dispositions du paragraphe 5, les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que les biens visés aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le cédant est un résident. "

11. Les gains retirés par M. B... de la cession de 23 000 titres de la société de droit états-unien Pharmasset n'entrent pas dans le champ d'application du 3 a) de l'article 13 précité de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, dès lors que ces titres ne font pas partie de l'actif d'un établissement stable ou d'une base fixe dont M. B..., personne physique, aurait disposé au sens de ces stipulations. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de cette convention feraient obstacle à l'imposition en France de ces gains.

En ce qui concerne la majoration :

12. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " (...) les inexactitudes ou omissions relevées dans les déclarations déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. Cette majoration n'est pas applicable : /a. en cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration ;/b. ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728, par l'article1729 ou par le a de l'article 1732 ".

13. Pour contester le reliquat de la majoration de 10 % laissée à sa charge par le jugement attaqué, appliquée à une base correspondant à la différence entre l'impôt effectivement dû au titre de l'année 2012 et celui effectivement acquitté antérieurement, M. B... se borne à soutenir que la plus-value en litige doit être rattachée à l'année 2012. Par suite, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas fondé à demander la décharge de ce reliquat.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01430
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : OBADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-18;21pa01430 ?
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