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17/07/2023 | FRANCE | N°22PA05460

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA05460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté sa demande du 13 décembre 2021 tendant à la reconnaissance du centre de ses intérêts matériels et moraux sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au bénéfice d'une affectation sur ce territoire sans condition de durée.

Par un jugement n° 2200154 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de No

uvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté sa demande du 13 décembre 2021 tendant à la reconnaissance du centre de ses intérêts matériels et moraux sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'au bénéfice d'une affectation sur ce territoire sans condition de durée.

Par un jugement n° 2200154 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 décembre 2022 et le 25 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Pieux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 14 février 2022 opposée par le vice rectorat à la demande de reconnaissance du transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de reconnaitre le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50.000 XPF par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision implicite de rejet qui lui a été opposée n'est pas motivée ;

- l'administration a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit dès lors que le centre de ses intérêts matériels et moraux est situé en Nouvelle-Calédonie ; qu'elle réside depuis sept ans en Nouvelle-Calédonie où elle a effectué sa formation entre 2015 et 2017, qu'elle n'a eu d'affectation que sur le territoire calédonien depuis sa titularisation, qu'elle y a acquis un bien immobilier en 2019 avec son conjoint avec lequel elle vit depuis 2013 ; son fils désormais majeur n'exclut pas de venir la rejoindre en Nouvelle-Calédonie ; elle est par ailleurs inscrite sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie où elle et son conjoint disposent de leurs comptes bancaires et s'est investie dans la vie associative locale ; par ailleurs, elle doit faire l'objet d'un suivi médical à la suite d'un traitement pour un cancer alors que le centre hospitalier de Compiègne ne traite pas cette pathologie.

Par un mémoire enregistré le 17 mai 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire présenté pour Mme A... a été enregistré le 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., professeure certifiée en histoire-géographie, mise à disposition de la Nouvelle-Calédonie pour une durée de deux ans à compter de la rentrée australe de février 2018, a demandé au ministre de l'éducation nationale, par un courrier du 13 décembre 2021, la reconnaissance du transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie afin de pouvoir bénéficier d'une affectation sans limitation de durée sur ce territoire. Mme A... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande par le ministre de l'éducation nationale.

2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé n° 96-1026 du 26 novembre 1996 : " Le présent décret est applicable (...) aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation ". Pour apprécier la localisation du centre des intérêts moraux et matériels d'un fonctionnaire il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité. La localisation du centre des intérêts matériels et moraux, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur l'application d'une disposition législative ou règlementaire.

3. Mme A..., née en métropole en 1976, résidait, à la date de la décision contestée, depuis sept ans en Nouvelle-Calédonie où elle a effectué sa formation entre 2015 et 2017, a été admise au concours externe de recrutement du CAPES dans la discipline histoire-géographie en 2016, a effectué une année de stage au collège de Tuband puis une année au collège de Païta Nord, puis a été affectée en qualité de titulaire au collège des portes de fer de Nouméa à compter du 16 février 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est installée depuis 2015 avec son conjoint, arrivé en Nouvelle Calédonie en 2014, et qu'ils ont fait l'acquisition d'un bien immobilier en avril 2019. Si ses deux enfants, issus d'une précédente union, désormais étudiants, résident en métropole, son fils souhaiterait venir vivre en Nouvelle-Calédonie et être rattaché à son foyer fiscal. Elle soutient également qu'elle est inscrite sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie et qu'elle est parfaitement intégrée à la vie associative locale, notamment par sa participation à l'association Dys.nc pour laquelle elle organise des formations à l'égard des professionnels du secteur depuis plusieurs années. Elle est aussi investie auprès de l'Université de la Nouvelle-Calédonie au titre de missions de chargé d'enseignement vacataire.

4. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme A... doit être regardée comme ayant, au moment de sa troisième demande, transféré en Nouvelle Calédonie le centre de ses intérêts matériels et moraux.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de reconnaitre le transfert en Nouvelle-Calédonie du centre de ses intérêts matériels et moraux.

Sur l'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de Mme A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 29 septembre 2022 et la décision implicite de rejet de la demande de Mme A... du 13 décembre 2021 tendant à la reconnaissance du centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle Calédonie sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et au vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05460
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : PIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa05460 ?
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