Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2201413 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 20 juillet et 3 août 2022, Mme B..., représentée par Me Blanc puis par Me Angliviel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201413 du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 août 2021 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée ;
- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le délai de départ volontaire de trente jours est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 19 mars 1969 à Zengou Zender (Niger), a sollicité le 12 mai 2021 le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré au titre de son état de santé. Par un arrêté du 19 août 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 28 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État / (...) ".
3. Pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), rendu le 19 juillet 2021, et a relevé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une ostéite chronique, d'une osthéo-arthrite et d'une leucopathie de la substance blanche. Opérée une première fois en France en 2012, elle est retournée au Niger où l'infection a récidivé et les lésions en résultant se sont aggravées, ce qui a conduit à ce qu'elle soit amputée au niveau du tibia droit à la clinique Mont Louis à Paris, en 2015, et à ce qu'un taux d'incapacité supérieur à 80 % lui soit reconnu. Outre des séances de kinésithérapie hebdomadaires et des soins infirmiers plusieurs fois par semaine, elle a besoin d'un appareillage spécifique, d'une chaise roulante et prend quotidiennement un traitement à base d'Atorvastatine, de Bactrim forte, d'Oméprazole et de Lyrica. Le docteur C..., infectiologue, qui suit Mme B... depuis 2015, atteste dans son certificat du 1er septembre 2021 que l'absence de traitement pourrait mettre en jeu le pronostic fonctionnel (risque d'amputation de la jambe) et vital (septicémie) de Mme B.... Or, si les trois premiers médicaments sont commercialisés au Niger, ce n'est pas le cas du dernier d'entre eux, ainsi qu'en atteste le courriel d'un responsable du laboratoire Eumedica adressé le 7 février 2022 au conseil de Mme B..., et le fait que ce médicament n'apparaît pas dans la liste des médicaments disponibles au Niger. Si le préfet soutient qu'il s'agit d'un antiépileptique et qu'un autre antiépileptique, le Lévétiracétam est commercialisé au Niger, il ne ressort pas de la composition de ces médicaments qu'ils seraient substituables, la prégaline (Lyrica) administrée à Mme B... l'étant à titre d'anti-douleur. Plus généralement, plusieurs documents médicaux, dont l'attestation établie le 3 mars 2022 par le docteur C..., certes postérieurement à la décision attaquée mais qui révèle des éléments existant à la date de cette décision, attestent du caractère non stabilisé de l'état de santé de Mme B..., de la complexité de la prise en charge dont elle a besoin et de la nécessité d'un suivi dans un centre spécialisé. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. La présente décision implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de le faire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Angliviel d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201413 du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 19 août 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Angliviel sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.
L'assesseur le plus ancien
K. AGGIOURILa présidente rapporteure
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03346 2