La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2023 | FRANCE | N°22PA03149

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA03149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2116774 du 10 juin 2022, l

e tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2116774 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2116774 du 10 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 3 septembre 1987 à Berkane (Maroc), entré en France le 19 août 2015 sous couvert d'un visa de long séjour, a sollicité le 17 mars 2021 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 novembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

3. L'arrêté du 4 novembre 2021 vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 435-1 et L. 611-1 dont il fait application. Il mentionne les conditions d'entrée et de séjour en France de M. A... et relève qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, ce qui, selon le préfet, a pour conséquence que la période antérieure à cette mesure ne peut pas être prise en compte. Il est indiqué que M. A... est célibataire et sans charges de famille, qu'il n'établit pas que son frère, qui réside en France, aurait besoin de lui à ses côtés et qu'il n'établit pas non plus ne plus avoir d'attaches au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Il est également relevé que si M. A... a présenté 26 fiches de paie pour les années 2017 à 2020 et une demande d'autorisation de travail pour un emploi de maçon, il ne peut pas prétendre à une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. L'arrêté relève enfin que l'intéressé s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement, et en l'absence de circonstances humanitaires, il y a lieu de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire de deux ans et, enfin, que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ce faisant, quel qu'en soit le bien-fondé, les considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement en sorte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie d'une présence en France que de six ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'il y est célibataire et sans charges de famille et qu'il n'établit pas l'intensité des liens qui l'attacheraient à son frère, régulièrement installé en France. Il ne conteste pas avoir de la famille au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé, en l'absence de circonstance humanitaire ou de motif exceptionnel, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". D'autre part, si M. A... produit des bulletins de salaire et une demande d'autorisation de travail, la nature de l'emploi exercé ne saurait, non plus que la durée de présence en France de l'intéressé, être regardés comme constituant un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", le préfet de la

Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu ces dispositions.

6. En deuxième lieu, la seule circonstance que le préfet aurait commis une erreur de fait concernant les perspectives professionnelles de M. A... ne suffit pas à caractériser, au regard de l'analyse à laquelle le préfet a procédé et qui est relatée au point précédent, un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.

7. En troisième lieu, si c'est à tort que le préfet a considéré que l'appelant ne pouvait être regardé comme séjournant en France depuis une date antérieure au délai d'exécution d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 23 septembre 2019, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de droit, laquelle est ainsi sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire n'ont pas porté au droit de M. A... de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi en sorte que les stipulations précitées n'ont pas été méconnues.

10. De la même façon, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Les moyens soulevés à l'encontre de cette décision, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10 du présent arrêt.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles

L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant interdiction à M. A..., qui ne conteste pas s'être soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qui, ainsi qu'il a été dit, est célibataire et sans charges de famille, de retourner en France pour une période de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

L'assesseur le plus ancien

K. AGGIOURILa présidente rapporteure

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03149 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03149
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa03149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award