La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2023 | FRANCE | N°22PA00364

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2123666/1 du 5 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier et 21 février 2

022, M. B... C..., représenté par Me Hervieux, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoireme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2123666/1 du 5 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier et 21 février 2022, M. B... C..., représenté par Me Hervieux, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un une autorisation provisoire de séjour le temps que l'OFPRA statue sur sa demande d'apatridie ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs de faits s'agissant de son lieu de naissance et de sa nationalité ;

- sa demande d'apatridie est pendante devant l'OFPRA, ce dont il a informé la préfecture ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et sérieux de sa situation ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Deux mémoires présentés par le préfet de police ont été enregistrés le 27 et 28 juin 2023 après la clôture d'instruction prévue par l'article R 613-2 du code de justice administrative.

Par une décision du 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention de New York du 28 septembre 1954 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les observations de Me Hervieux, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... C... alias " E... A... ", qui s'est présenté aux services préfectoraux comme étant de nationalité somalienne, né le 21 octobre 1996, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Le 5 octobre 2018, il a présenté une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 8 septembre 2020 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 juillet 2021. Le 17 février 2020, il a déposé une demande de reconnaissance du statut d'apatride devant l'OFPRA. Par un arrêté du 19 octobre 2021, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... C... relève appel du jugement du 5 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... C.... Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. M. B... C... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation, de l'erreur de fait et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne développe toutefois au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.

4. Aux termes de l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce, au terme d'une instruction unique, sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou sur l'octroi de la protection subsidiaire ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2. ". Et aux termes de l'article L. 542-1 dudit code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision.

Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. "

5. Ces dispositions, qui instituent un droit au séjour en faveur des demandeurs d'asile politique jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande ne peuvent, en l'absence de texte, être étendues aux personnes ayant demandé la reconnaissance du statut d'apatride. Par suite, si M. B... C... se prévaut d'une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride en date du 17 février 2020 qui était pendante devant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'édiction de l'arrêté en litige, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne lui ouvrait droit à séjourner en France jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande. Il suit de là que le préfet de police pouvait légalement prendre l'arrêté attaqué, quand bien même il aurait été informé de la procédure introduite devant l'OFPRA, et alors même qu'à la date à laquelle il a été pris, l'OFPRA ne s'était pas encore prononcé sur la demande de l'intéressé.

6. Toutefois, indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

7. Aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 : " (...) Le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides est un établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et administrative placé auprès du ministre chargé de l'asile. Il reconnaît la qualité de réfugié ou d'apatride, ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes remplissant les conditions mentionnées au titre I ou au chapitre II du titre VIII du livre V. ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit des démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.

8. M. B... C... alias " E... A... " a présenté une demande d'asile en qualité de ressortissant somalien qui a été définitivement rejetée. Il a par ailleurs présenté une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride auprès de l'OFPRA, le 17 février 2020, sur laquelle il n'avait pas encore été statué à la date de l'arrêté contesté. S'il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision de l'OFPRA du 8 septembre 2020, que l'Office ne " dispose pas d'éléments probants permettant d'établir tant son identité et son parcours que sa nationalité et sa provenance régionale " et qu'il lui était impossible d'identifier un pays d'origine ou un pays de résidence auquel le rattacher, circonstance confirmée par la CNDA dans sa décision du 22 juillet 2021, les courriers en date 25 janvier 2019 que M. B... C... soutient avoir adressés, à une seule reprise, aux ambassades d'Ethiopie, du Surinam, d'Indonésie, et de Somalie, qui mentionnent faire suite à sa visite dans leurs locaux sans toutefois qu'aucune date ne soit évoquée, et par lesquels il leur demande de procéder à des recherches afin de l'aider dans sa quête de nationalité, à supposer même qu'ils aient été réceptionnés par les autorités compétentes et demeurés sans réponse, ne sauraient témoigner de démarches à la fois assidues et répétées en vue d'acquérir la nationalité de l'un de ces pays. Ainsi, à la date de la décision en litige, M. B... C... n'établit pas qu'il répondait aux conditions posées par les stipulations et dispositions précitées pour se voir reconnaître la qualité d'apatride, laquelle, au demeurant, lui a été refusée postérieurement à l'arrêté contesté par une décision de l'OFPRA du 2 mars 2022.

9. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en obligeant M. B... C... à quitter le territoire français, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, M. B... C... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation et de la violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne développe toutefois au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la première juge.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les persécutions ou menaces de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et les atteintes graves ou menaces d'atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies au premier alinéa de l'article L. 513-3 refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection. ".

12. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus par la première juge au point 13 du jugement attaqué, pour écarter le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En dernier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en fixant comme pays de destination le pays dont M. B... C... a la nationalité, ou tout autre pays où il serait légalement admissible, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte tout de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... C... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête M. B... C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00364 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00364
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : HERVIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa00364 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award