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17/07/2023 | FRANCE | N°22PA00053

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA00053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités y afférentes mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013.

Par une ordonnance n° 2000107 du 27 janvier 2020, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Versailles a transmis le dossier de leur demande au tribunal administratif de Paris en application de l'article R. 351-3 du code de

justice administrative.

Par un jugement n° 2001506 du 15 novembre 2021, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités y afférentes mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013.

Par une ordonnance n° 2000107 du 27 janvier 2020, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Versailles a transmis le dossier de leur demande au tribunal administratif de Paris en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001506 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur du dégrèvement de 45 896 euros accordé par l'administration le 24 juillet 2020, et en a rejeté le surplus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier 2022 et 15 mai 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Adda et Me Dalmasso, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001506 du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des pénalités y afférentes, mis à leur charge au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification n'ayant pas été suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, la procédure d'imposition est irrégulière ;

- c'est à tort que l'administration fiscale l'a désigné comme étant le seul maître de l'affaire au titre des années 2012 et 2013 ; le service n'était ainsi pas fondé à imposer entre ses mains comme revenus distribués, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les rehaussements du bénéfice de l'EURL Délice du centre au titre des années en litige puisqu'il ne pouvait être présumé avoir appréhendé les sommes litigieuses ;

- les majorations pour manquement délibéré sont infondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2023 à midi.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 9 juin 2023 à 12h33, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Délice du centre a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Par une proposition de rectification en date du 16 juillet 2015, l'administration fiscale a procédé aux rehaussements du chiffre d'affaires de cette société réalisé au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Par ailleurs, M. et Mme D... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. M. D..., gérant et associé unique de l'EURL Délice du centre, a été regardé par l'administration comme bénéficiaire des distributions correspondant aux rehaussements des bénéfices de sa société, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En conséquence de ces rectifications, M. et Mme D... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2012 et 2013, ainsi qu'à une majoration de 40 % au titre de l'article 1729 du code général des impôts, pour un montant total, respectivement, de 18 791 euros et 68 476' euros. Par une décision du 24 juillet 2020, l'administration fiscale a procédé à un dégrèvement d'une partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Par un jugement du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. et Mme D..., a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par les intéressés à hauteur du dégrèvement partiel, prononcé le 24 juillet 2020, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux d'un montant de 45 896 euros et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il leur est défavorable.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R.*57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

4. La proposition de rectification du 16 juillet 2015, notifiée suite à l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme D..., indique que les rehaussements consécutifs à la rectification du bénéfice imposable à l'impôt de l'EURL Délice du centre ont été considérés comme des revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts pour les années 2012 et 2013 et détaille les motifs de fait et de droit des impositions litigieuses, pour chacune des deux années considérées. Il résulte clairement de ses termes que le service, en indiquant que " M. D... gérant de la société et associé unique gère directement l'affaire et dispose d'une maîtrise totale de l'exploitation tant dans le domaine commercial que financier ", a entendu désigner M. D... comme ayant la maîtrise de l'affaire. L'administration fiscale a ainsi indiqué le raisonnement qui l'a conduite à faire de M. D... le bénéficiaire présumé des sommes réputées distribuées, permettant à M. D... de présenter utilement des observations. Par suite, elle a suffisamment motivé la proposition de rectification du 16 juillet 2015. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". L'article 110 du même code dispose que : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Est qualifié de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.

6. Les impositions en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus taxables entre les mains de M. D..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de l'EURL Délice du centre au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et regardées comme des revenus distribués par cette entreprise à l'intéressé, que l'administration a considéré comme l'unique maître de l'affaire.

7. Pour retenir que M. D... était le seul maître de l'affaire, le service s'est fondé, ainsi que cela ressort de la proposition de rectification du 16 juillet 2015 notifiée suite à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressé et de son épouse, sur les circonstances qu'au cours des années 2012 et 2013, celui-ci gérait directement l'affaire et disposait d'une maîtrise totale de l'exploitation tant dans le domaine commercial que financier en étant notamment l'interlocuteur auprès des fournisseurs et de sa banque. Il résulte par ailleurs de la proposition de rectification du même jour faisant suite à la vérification de comptabilité de l'EURL Délice du centre que M. D... détient la totalité du capital de l'EURL et est le seul représentant de l'entreprise avec lequel le service de vérification a mené le débat oral et contradictoire lors de la première intervention du 15 janvier 2015 puis à plusieurs reprises les 22 janvier 2015, 26 janvier 2015, 5 février 2015, 26 février 2015 et 9 avril 2015, et enfin lors de la réunion de synthèse du 21 avril 2015. Il a ainsi renseigné le vérificateur sur les modalités d'exploitation de son entreprise. Enfin, en défense, le ministre relève que M. D..., en sa qualité de gérant et d'associé unique, a disposé du compte bancaire de la société et que, disposant des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, il a été en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme des biens qui lui sont propres. Pour contester cette qualification de maître de l'affaire, M. D... produit deux attestations. La première rédigée par M. A... C..., déclaré en qualité de serveur sur la période du 3 février 2012 au 26 décembre 2012, indique que M. D... " était souvent absent pendant de longues périodes " et que, pendant son absence, il gérait lui-même le commerce et la caisse, s'occupait des relations avec les fournisseurs et encadrait les salariés. La seconde attestation émanant de M. B..., se présentant comme le représentant légal de la société " DPS Nanterre ", fournisseur de l'EURL, indique que son interlocuteur habituel au sein de cette entreprise était M. A... C.... Toutefois, ces attestations qui ne sont accompagnées d'aucun autre élément corroborant les dires de leurs auteurs et qui, pour la seconde, ne comporte aucun signe distinctif ou tampon de la société DPS Nanterre, fournisseur de l'EURL Délice du centre, ne suffisent pas à elles-seules à remettre en cause la qualification opérée par l'administration fiscale. Dans ces conditions, l'administration établit que M. D... était le seul maître de l'affaire. Elle apporte ainsi la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant des bénéfices distribués et, par suite, en l'absence de tout élément présenté par M. et Mme D... permettant de renverser cette présomption, du bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. et Mme D....

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

9. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. et Mme D..., l'administration fiscale s'est notamment fondée sur la nature et l'importance des recettes non déclarées par l'EURL Délice du centre qui, après dégrèvement, s'élevaient à 3 074 euros pour l'exercice clos en 2012 et 57 891 euros pour l'exercice clos en 2013, ainsi que sur la circonstance que M. D... ne pouvait ignorer, compte tenu de ses fonctions de gérant et d'unique associé de l'EURL Délice du centre, les irrégularités affectant la comptabilité de son commerce et la minoration des recettes qui en ont résulté. Par ailleurs, et contrairement à ce que M. et Mme D... prétendent, l'omission de déclaration d'une partie des revenus imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales est liée à la minoration des recettes par la société dont M. D... est le gérant, lesquelles, non investies dans l'entreprise, sont présumées avoir été perçues par ce dernier au titre des revenus distribués et imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré de M. et Mme D... à leurs obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

L'assesseur le plus ancien

K. AGGIOURILa présidente-rapporteure

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0005302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00053
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa00053 ?
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