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13/07/2023 | FRANCE | N°22PA04040

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 13 juillet 2023, 22PA04040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... G..., assisté de sa curatrice, Mme B... C...,

Mme I... G..., M. A... G..., M. E... G... et M. H... G... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences (GHU) à verser à M. D... G... une somme de 3 376 159,19 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion d'un défaut de surveillance à l'hôpital Sainte-Anne, ainsi qu'une somme de

25 243,65 euros à Mme I... G..., une somme de 25 710 euros à M. A... G..., une so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... G..., assisté de sa curatrice, Mme B... C...,

Mme I... G..., M. A... G..., M. E... G... et M. H... G... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences (GHU) à verser à M. D... G... une somme de 3 376 159,19 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion d'un défaut de surveillance à l'hôpital Sainte-Anne, ainsi qu'une somme de 25 243,65 euros à Mme I... G..., une somme de 25 710 euros à M. A... G..., une somme de 15 433,56 euros à M. H... G... et une somme de 15 000 euros à M. E... G..., en réparation de leurs préjudices propres.

Par un jugement n° 2002570/6-3 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a condamné la SHAM et le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, d'une part, à verser à

M. D... G... la somme de 804 445,02 euros, à Mme I... G... la somme de 10 143,65 euros, à M. A... G... la somme de 6 710 euros, à M. H... G... la somme de 2 933,56 euros, à M. E... G... la somme de 3 500 euros et d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 385 433,44 euros, en remboursement de ses débours.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er septembre 2022 et le

9 juin 2023, M. D... G..., assisté de sa curatrice, Mme B... C..., Mme I... G..., M. A... G..., M. E... G... et M. H... G..., représentés par Me Abraham, demandent à la cour :

1°) de déclarer recevable la requête ;

2°) de réformer le jugement du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner solidairement la SHAM et le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences à verser, au titre de leurs préjudices, une somme totale de 3 223 217,56 euros à

M. D... G..., une somme totale de 25 243,65 euros à Mme I... G..., une somme totale de 25 710 euros à M. A... G..., une somme totale de 15 433,56 euros à

M. H... G... et une somme totale de 15 000 euros à M. E... G..., ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la première demande du 8 février 2022 ;

4°) de condamner solidairement la SHAM et le GHU aux dépens de première instance et d'appel ;

5°) de mettre à la charge de la SHAM et le GHU une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les préjudices de M. D... G... doivent être indemnisés à hauteur de 31 668 euros au titre de l'assistance par une tierce personne pour le passé, de 13 605 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 304 210,64 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, et à titre subsidiaire de 250 000 euros, de 1 055 304,88 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, de 298 395,60 euros au titre de l'incidence professionnelle, et à titre subsidiaire de 80 000 euros, de 50 000 euros au titre des souffrances endurées, de 1 183 317,69 euros au titre de l'assistance par une tierce personne pour le futur, de 25 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 40 000 euros au titre du préjudice d'établissement, de 20 000 euros au titre du préjudice sexuel, de 25 000 euros au titre du préjudice universitaire, de 88 586 euros au titre des frais d'adaptation du logement, et à titre subsidiaire de 204 999 euros, de 61 129,75 euros au titre des frais d'adaptation du véhicule adapté, et de 30 000 euros au titre du préjudice exceptionnel ;

- les préjudices de Mme I... G... doivent être indemnisés à hauteur de 15 000 euros au titre du préjudice d'affection, de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et de 100 euros au titre des frais de psychothérapie ;

- les préjudices de M. A... G... doivent être indemnisés à hauteur de 15 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

- les préjudices de M. H... G... doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

- les préjudices de M. E... G... doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement les 1er et 12 juin 2023, le groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences et la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête des consorts G... ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement attaqué et de ramener les sommes qu'ils ont été condamnés à verser aux consorts G... à de plus justes proportions ;

- de juger que l'indemnisation des frais futurs d'assistance par une tierce personne aura lieu sous forme de rente, suspendue en cas d'hospitalisation, et après déduction des aides perçues ayant le même objet dont les consorts G... devront justifier.

Ils soutiennent, d'une part, que les moyens soulevés par les consorts G... ne sont pas fondés et, d'autre part, que les sommes allouées par le jugement attaqué au titre de l'aide par une tierce personne, tant avant qu'après la date de consolidation, au titre du déficit fonctionnel temporaire, au titre du déficit fonctionnel permanent, au titre du préjudice sexuel et au titre du préjudice d'établissement doivent être minorées ou supprimées et que le jugement doit être réformé en tant qu'il a procédé à une capitalisation des frais futurs s'agissant de l'aide par une tierce personne, alors qu'une telle aide sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de placement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ivan Luben,

- les conclusions de Mme Eléonore Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Belbenoît, représentant les consorts G..., et de Me Le Prado, représentant le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences et la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles.

Et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 27 juin 2023 pour les consorts G....

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er mai 2018, M. D... G..., alors âgé de vingt-six ans, a été admis au service psychiatrique du centre hospitalier Sainte-Anne en vue d'une hospitalisation d'office due à une rupture de soin. Lors de son admission, il a été victime d'une chute d'un auvent haut de plusieurs mètres, causant un polytraumatisme. Reprochant au service psychiatrique des défaillances dans sa prise en charge, M. D... G... et sa famille ont saisi le centre hospitalier Sainte-Anne en vue d'obtenir réparation de leurs préjudices. Par une décision du

10 décembre 2019, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences dont relève le centre hospitalier Sainte-Anne, a rejeté leur demande. Le 20 janvier 2020, en l'absence de réponse de la part du GHU à la demande initiale des consorts G..., est née une décision implicite de rejet. Saisi par les consorts G..., le tribunal administratif a reconnu, par un jugement avant dire-droit du 12 novembre 2020, la responsabilité du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences dans les préjudices subis par les consorts G... du fait de l'accident survenu le 1er mai 2018 dont a été victime M. D... G... et a ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer ces préjudices. L'expert a remis son rapport le 8 juillet 2021 et y a apporté des conclusions rectificatives le 14 novembre 2021. Par un jugement du 12 octobre 2021 dont les consorts G... relèvent appel et dont le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences et la société Relyens Mutual Insurance relèvent appel incident, le tribunal administratif a condamné solidairement la SHAM et le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, d'une part, à verser à M. D... G... la somme de 804 445,02 euros, à Mme I... G... la somme de 10 143,65 euros, à

M. A... G... la somme de 6 710 euros, à M. H... G... la somme de 2 933,56 euros, à M. E... G... la somme de 3 500 euros, et d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 385 433,44 euros, en remboursement de ses débours.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis par M. D... G... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais divers :

2. En premier lieu, d'une part, les consorts G... font valoir qu'ils ont acquis en 2017, pour M. D... G..., un bien immobilier sis rue de la Clef, dans le 5ème arrondissement de Paris, d'une superficie de 19,63 mètres carrés selon la loi Carrez et de 29,63 mètres carrés en réalité, car comportant une mezzanine à usage de chambre d'une superficie de 10 mètres carrés, accessible par une échelle de meunier. Ils soutiennent que, dès lors que M. D... G... est victime de peurs invalidantes depuis sa chute, il ne peut plus accéder à la mezzanine de son logement et a dû installer son lit au niveau inférieur, comme le relève au demeurant l'expert médical, et demandent dès lors l'indemnisation de la perte de jouissance de la mezzanine à usage de chambre d'une superficie de 10 mètres carrés, sur le fondement du prix du mètre carré dans cet arrondissement de Paris. Toutefois, une perte de jouissance immobilière, comme en l'espèce, n'est pas au nombre des préjudices pouvant faire l'objet d'une indemnisation du fait des conséquences d'une faute du service public hospitalier dès lors qu'il est loisible à la victime de rechercher un logement plus adapté à son handicap, dont l'aménagement spécial à ce handicap peut au demeurant faire l'objet d'une indemnisation. D'autre part, si les consorts G... demandent, à titre subsidiaire, que soit indemnisée la différence entre la valeur actuelle du logement sis rue de la Clef, dans le 5ème arrondissement de Paris, et celle d'un logement d'une superficie de 30 mètres carrés de plein pied au rez-de-chaussée ou d'un logement avec ascenseur d'un immeuble situé dans le même arrondissement de Paris en raison de la sectorisation de l'hôpital psychiatrique qui suit M. D... G..., en l'espèce le centre hospitalier Sainte-Anne (dont il doit pourtant être relevé qu'il se trouve dans le 14ème arrondissement de Paris), somme à laquelle devrait être ajoutés les droits de mutation et les honoraires du notaire correspondant à 8% de la valeur du nouveau bien, un tel préjudice présente un caractère éventuel et ainsi incertain qui fait obstacle à ce qu'il puisse être indemnisé. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation des frais liés à l'adaptation du logement au handicap de M. D... G... doivent, en l'état du dossier, être rejetées.

3. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. D... G... n'est pas titulaire du permis de conduire et ne possède pas de véhicule. Par suite, le préjudice constitué par les frais correspondant à l'adaptation d'un véhicule à son handicap, notamment par l'installation d'une boite automatique et d'une poignée tournante, comme le demande les requérants, ne présente en l'état du dossier qu'un caractère éventuel. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnité présentée à ce titre par les consorts G.... Il appartiendra à

M. D... G..., dans l'hypothèse où il déciderait d'acheter un véhicule adapté à son handicap après avoir obtenu la délivrance d'un permis de conduire, de présenter une nouvelle demande indemnitaire à cet effet à la société Relyens Mutual Insurance et au GHU.

S'agissant des frais liés à l'assistance par une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que

M. D... G... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée pour les besoins de la vie quotidienne à raison de trois heures par jour du 21 janvier 2019, date de sa sortie du centre de rééducation de Bouffémont, jusqu'à son retour à domicile le 1er février 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pendant cette période, tout en étant suivi par son médecin du secteur III du centre hospitalier Sainte-Anne, M. D... G... a séjourné dans le foyer de post-cure Caillaux où, selon l'expert médical, il " a séjourné à 50% ", c'est-à-dire en hôpital de nuit. Ainsi, seule une heure et demi d'assistance quotidienne par une tierce personne doit être retenue au titre de l'indemnisation. L'indemnité due au titre de cette période doit être calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une année comprenant 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés. Ainsi, pour la période concernée allant du 21 janvier 2019 au 1er février 2020, soit un an et onze jours, une indemnité de 11 459 euros doit être allouée.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, pour la période allant du 1er février 2020 au 21 juin 2023, date de l'audience, M. D... G... a eu besoin, à titre permanent, de l'assistance d'une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne, à raison de deux heures par jour. L'indemnité due au titre de cette période doit être calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une année comprenant 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés. Ainsi, pour la période concernée de trois ans et 141 jours, du 21 janvier 2019 au 1er février 2020, une indemnité de 50 225 euros doit être allouée.

6. La circonstance qu'il résulte de l'instruction que l'allocation aux adultes handicapés a été allouée à M. D... G... pour la période allant du 1er juin 2018 au 31 mai 2023 est sans incidence sur les indemnités qui doivent être versées au titre de l'assistance d'une tierce personne dès lors que celle-là ne peut être déduite que d'une indemnisation versée au titre du préjudice professionnel pendant la période concernée.

7. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, pour la période postérieure à l'audience, M. D... G... aura besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée pour les besoins de la vie quotidienne à raison de deux heures par jour. L'indemnité due au titre de cette période doit être calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une année comprenant 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés. Ainsi, une rente de 14 832 euros par an est due, soit de 3 708 euros devant être versés au début de chaque trimestre. Cette rente trimestrielle devra être revalorisée selon les modalités et le coefficient prévus aux articles L. 434-17 et L. 161-25 du code de la sécurité sociale et être diminuée, le cas échéant, des prestations qu'il pourrait percevoir au titre des frais d'assistance par une tierce personne, telles que, par exemple, la prestation de compensation du handicap, qu'il appartiendra alors à M. D... G... de porter à la connaissance de la société Relyens Mutual Insurance et du GHU. De même, M. D... G... de porter à la connaissance de ces derniers toutes les périodes où il pourrait être hospitalisé, pendant lesquelles il n'aurait ainsi pas besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée pour les besoins de la vie quotidienne.

S'agissant du préjudice universitaire :

8. Il résulte de l'instruction que M. D... G..., qui était élève fonctionnaire stagiaire à l'école normale supérieure (ENS) et qui suivait des études de physique théorique, a poursuivi, après l'accident, outre des études de théologie, ses études initiales à un très haut niveau (en septembre 2021, un Master 2 relatif aux probabilités et modèles aléatoires - orientation " processus stochastiques ", puis un stage à temps partiel de mars à juillet 2022 dans le laboratoire de physique de l'ENS, dont le sujet était : " aspect mathématiques des chaînes de Markov non-réversibles ; applications numériques à la cristallation "). Bien que l'interruption dans le cours de ses études ne trouve pas sa cause unique dans l'accident survenu le 1er mai 2018, il résulte toutefois de l'instruction que M. D... G... est resté hospitalisé, du fait de l'accident, au centre hospitalier universitaire de la Salpêtrière du 1er au 4 mai 2018 en réanimation, puis jusqu'au 30 mai dans le service d'orthopédie du même hôpital, puis jusqu'au 7 juin au centre hospitalier universitaire Saint-Antoine, puis, du 7 juin jusqu'au 12 septembre 2018, à nouveau dans le service d'orthopédie du centre hospitalier universitaire de la Salpêtrière, puis, jusqu'au 21 janvier 2019, au centre de rééducation de Bouffémont. Ainsi, l'accident survenu le 1er mai 2018 a retardé la reprise du cours des études de l'intéressé. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ce titre une indemnité de 3 000 euros.

S'agissant des pertes de gains professionnels futurs :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que

M. D... G..., du fait de l'accident survenu le 1er mai 2018, ne peut plus écrire de sa main droite, qu'il a des difficultés pour taper à l'ordinateur, qu'il a des difficultés motrices et qu'il ne peut plus avoir une activité bi-manuelle. Ce handicap physique, dès lors que M. D... G..., élève fonctionnaire stagiaire à l'école normale supérieure où, comme il a été dit, il étudiait la physique théorique, et qui au demeurant n'était ainsi pas entré dans la vie active à la date de survenue de son handicap, ne devrait pas compromettre la carrière universitaire et/ou de chercheur à laquelle il se destinait. Enfin, si les consorts requérants font valoir " que la victime peut donc travailler dans un milieu bienveillant, à temps partiel et sans contrainte de rendement ", à supposer cette assertion établie, la cause en est à rechercher dans la maladie mentale dont est atteint M. D... G..., et non dans le handicap physique dont il souffre du fait de l'accident survenu le 1er mai 2018. Par suite, les conclusions des requérants tendant à l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs doivent être rejetées, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.

S'agissant de la perte de droits à la retraite :

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... G... n'étant pas fondé à demander l'indemnisation de pertes de gains professionnels futurs, sa demande tendant à l'indemnisation de perte de droits à la retraite doit être rejetée par voie de conséquence.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

11. Comme il a été dit, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. D... G..., du fait de l'accident survenu le 1er mai 2018, ne peut plus écrire de sa main droite, qu'il a des difficultés pour taper à l'ordinateur, qu'il a des difficultés motrices et qu'il ne peut plus avoir une activité bi-manuelle. Si ce handicap physique ne devrait pas compromettre la carrière universitaire et/ou de chercheur à laquelle M. D... G... se destine, comme il a été dit, il peut toutefois en augmenter la pénibilité. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y a lieu de lui accorder une somme de 5 000 euros au titre de l'augmentation de la pénibilité de ses futurs emplois.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que

M. D... G... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 1er mai 2018 au 21 janvier 2019, date de fin d'hospitalisation complète, et un déficit fonctionnel temporaire de 50% du

22 janvier au 1er février 2020, date de sa sortie du foyer de post-cure Caillaux. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 9 080 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que

M. D... G... présente, comme séquelles de l'accident survenu le 1er mai 2018, de multiples cicatrices, une raideur modérée du rachis en flexion antérieure du tronc (arthrodèse L1-L2), une raideur combinée prosupination et flexion-extension du coude droit, une raideur combinée du poignet droit hors secteur utile, une raideur des doigts droits, un déficit de la sensibilité discriminative de D3, une hypoesthésie de la première commissure dorsale droite, un déficit de la force de préhension de la main droite tant en grasp global qu'en pince pouce-index et une amyotrophie du membre supérieur droit. Eu égard à ces séquelles et compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation (au 1er février 2020), il sera fait une juste appréciation de l'indemnité devant réparer le déficit fonctionnel permanent de M. D... G..., qui inclut les atteintes physiologiques, la perte de qualité de vie, les troubles dans les conditions d'existence, notamment en ce qui concerne les difficultés pratiques qu'il rencontre dans son actuel logement, et les souffrances, physiques et psychiques, endurées à titre pérenne, en ramenant à la somme de 100 000 euros l'indemnité de 160 000 euros allouée par les premiers juges.

S'agissant du préjudice d'agrément :

14. Il résulte de l'instruction que M. D... G..., avant l'accident dont il a été victime le 1er mai 2018, pratiquait notamment la pêche, la navigation et la natation. Si son handicap n'est pas un obstacle absolu à la poursuite de ces activités de loisir, il constitue néanmoins une gêne importante, eu égard notamment à son âge, dont les premiers juges ont fait une juste appréciation en allouant une indemnité à ce titre de 5 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que

M. D... G... a subi cinq interventions chirurgicales et de très nombreuses séances de rééducation. L'expert a évalué les souffrances endurées par M. D... G... à 5,5 sur une échelle de 7. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice en allouant à ce titre une indemnité 17 000 euros.

S'agissant du préjudice d'établissement :

16. M. D... G... soutient qu'il a perdu confiance et amour-propre, qu'il a été atteint dans son apparence physique, et que ses difficultés motrices rendront plus difficiles les tâches quotidiennes liées aux soins d'un enfant. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice d'établissement en allouant une indemnité de 5 000 euros.

S'agissant du préjudice sexuel :

17. Il résulte de l'instruction que M. D... G... a des difficultés motrices du membre supérieur droit et fait valoir qu'il subit un préjudice sexuel. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant de ce chef la somme de 5 000 euros.

S'agissant du préjudice exceptionnel :

18. Si M. D... G... allègue subir un préjudice exceptionnel, qu'il évalue à

30 000 euros, compte tenu de son incapacité à expérimenter des thérapies fondées sur le sport ou l'activité artistique en vue d'améliorer la prise en charge de sa schizophrénie, il n'établit pas davantage devant la Cour qu'en première instance le caractère certain de ce préjudice. Par suite, ses conclusions à ce titre doivent être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme I... G... :

S'agissant du préjudice d'affection :

19. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme I... G..., mère de la victime, en lui allouant une indemnité de 5 000 euros.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

20. Il résulte de l'instruction que Mme I... G... s'est installée à Paris pendant cinq mois pour suivre la rééducation de son fils, après son accident. Les premiers juges, dans les circonstances de l'espèce, ont fait une juste appréciation des troubles qu'elle a connus dans ses conditions d'existence en lui accordant une indemnité de 5 000 euros.

S'agissant des frais psychothérapiques :

21. Mme I... G... soutient avoir engagé des frais pour un suivi psychologique à la suite de l'accident de son fils. Toutefois, l'intéressée ne justifie pas du montant et de la nature des frais engagés. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande au titre de ce préjudice.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. A... G... :

S'agissant du préjudice d'affection :

22. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par

M. A... G..., père de la victime, en lui allouant une indemnité de 5 000 euros.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

24. Les premiers juges ont fait une juste appréciation des troubles que M. A... G..., qui a dû effectuer plusieurs voyages à Paris pour voir son fils et qui a dû s'adapter à une modification de ses habitudes de vie, a connus dans ses conditions d'existence en lui accordant une indemnité de 1 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. H... G... :

S'agissant du préjudice d'affection :

25. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par

M. H... G..., frère de la victime, en lui allouant une indemnité de 2 500 euros.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

26. Les conclusions de M. H... G... tendant à ce qu'une indemnité lui soit allouée au titre de ses troubles dans les conditions d'existence doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. E... G... :

S'agissant du préjudice d'affection :

27. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par

M. E... G..., frère de la victime, en lui allouant une indemnité de 2 500 euros.

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

28. Comme l'ont justement retenu les premiers juges, dès lors qu'il résulte de l'instruction que M. E... G... est le seul membre de la famille qui résidait à Paris et qu'il a ainsi été amené à aider son frère lorsque ce dernier en avait besoin, une indemnité de 1 000 euros doit lui être accordée au titre des troubles qu'il a connus dans ses conditions d'existence.

29. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité totale de 847 732,31 euros que le tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la SHAM, devenue la société Relyens Mutual Insurance, et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences à verser à M. D... G..., à Mme I... G..., à M. A... G..., à

M. H... G... et à M. E... G... en réparation de leurs préjudices doit être ramenée à une indemnité totale de 256 399,31 euros, complétée par une rente trimestrielle de 3 708 euros au profit de M. D... G.... Cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2022, date de la première demande amiable. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 9 février 2023 et à chaque année à compter de cette date pour porter eux-mêmes intérêts.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser les frais liés à l'instance à la charge tant des consorts G... que de la société Relyens Mutual Insurance et du groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences pour ce qui concerne chacune des parties.

D E C I D E :

Article 1er : La somme totale de 847 732,31 euros que le tribunal administratif de Paris a condamné solidairement la société Relyens Mutual Insurance (anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles) et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences à verser à M. D... G..., à Mme I... G..., à M. A... G..., à

M. H... G... et à M. E... G... en réparation de leurs préjudices est ramenée à la somme totale de 256 399,31 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du

8 février 2022. Les intérêts échus le 8 février 2023 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : La société Relyens Mutual Insurance (anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles) et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences sont condamnés solidairement à verser à M. D... G... une rente trimestrielle de 3 708 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, qui sera versée au début de chaque trimestre dû, dans les conditions et dont le montant sera revalorisé selon les modalités décrites au point 7 du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 2002570/6-3 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par les consorts G... et la société Relyens Mutual Insurance (anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles) et le groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences, tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts G... et de l'appel incident de la société Relyens Mutual Insurance (anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles) et du groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G..., à Mme B... C..., à

Mme I... G..., à M. A... G..., à M. E... G..., à

M. H... G..., à la société Relyens Mutual Insurance (anciennement dénommée société hospitalière d'assurances mutuelles), au groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

Le président-rapporteur

I. LUBENL'assesseure la plus ancienne

M. F...

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04040
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-13;22pa04040 ?
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