Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Arue a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer l'expulsion de Mme F... C... veuve A... B... et de tous occupants de son chef de la parcelle de terre cadastrée B-112 sise à Arue, propriété de la commune, sous astreinte de
500 000 F CFP par jour de retard à compter de la notification du jugement et au besoin avec le concours de la force publique.
Par un jugement n° 2200109 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a enjoint à Mme C... veuve A... B... ainsi qu'à tout occupant de son chef de libérer le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée B-112 de la commune d'Arue, dite le motu d'Arue, qu'elle occupe sans droit ni titre, ce dès la notification du jugement et sous astreinte de 5 000 F CFP par jour de retard à compter du 7ème jour suivant la notification du jugement. A défaut de libération volontaire des lieux dans ce délai de 7 jours, la commune d'Arue est autorisé à requérir, si nécessaire, le concours de la force publique.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 6 février 2023, le 23 mai 2023 et le 1er juin 2023, Mme F... C... veuve A... B..., représentée par Me Hellec, demande à la Cour :
1°) avant dire droit, de sursoir à statuer dans l'attente du tribunal foncier de la Polynésie française ;
2°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2200109 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
3°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Arue devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Arue le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- c'est à tort que les premiers juges l'ont regardée comme ayant acquiescé aux faits ;
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite pour faire procéder à l'expulsion ;
- la demande d'expulsion fait l'objet de contestations sérieuses dès lors que la commune d'Arue a été déchue de sa concession et ne serait par conséquent pas propriétaire de la parcelle ; il n'est pas établi que la parcelle B-112 soit véritablement la propriété de la commune d'Arue, ni même originellement de la Polynésie française, et à considérer que ce soit le cas il n'est pas établi que cette parcelle appartienne au domaine public de la commune.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 21 avril 2023 et le 7 juin 2023, la commune d'Arue, représentée par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... occupe depuis novembre 1991 un fare, désormais en très mauvais état, construit sur la parcelle cadastrée en section B sous le numéro 112, dite motu d'Arue, sis commune d'Arue. En novembre 2018, le maire de la commune d'Arue a pris acte de son engagement de déménager ses affaires dès la fin des travaux de réfection de sa maison d'habitation sis sur le territoire de la commune d'Arue, dans le lotissement Erima. En novembre 2019, le maire d'Arue a demandé à Mme C... de libérer les lieux sous dix jours et a indiqué qu'à défaut, un arrêté de péril serait édicté. Face au refus de Mme C..., la commune l'a assignée en référé afin que son expulsion soit ordonnée. Cette requête a été rejetée par une ordonnance du 23 aout 2021 ; sur appel de la commune, la cour d'appel de Papeete, par un arrêté du 10 mars 2022, a jugé que la parcelle occupée par Mme C... relevait du domaine public de la commune et a annulé cette ordonnance sur le fondement de l'incompétence du juge judiciaire. La commune d'Arue a alors saisi le tribunal administratif de la Polynésie française le 23 mars 2022 et lui a demandé de prononcer l'expulsion de Mme C... et de tous occupants de son chef de la parcelle de terre cadastrée B-112 sis à Arue, propriété de la commune, sous astreinte de 500 000 F CFP par jour de retard à compter du jugement à intervenir et au besoin avec le concours de la force publique. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 8 novembre 2022 qui a fait droit à la demande de la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l'instruction n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif peut lui adresser une mise en demeure. Aux termes de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Il résulte des dispositions et des règles qui viennent d'être rappelées que, sous réserve du cas où postérieurement à la clôture de l'instruction le défendeur soumettrait au juge une production contenant l'exposé d'une circonstance de fait dont il n'était pas en mesure de faire état avant cette date et qui serait susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient alors seulement au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.
5. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de la Polynésie française qu'ayant, le 25 avril 2022, été mise en demeure de produire un mémoire en défense, dans un délai de trente jours, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, Mme C... n'a transmis ce mémoire que le 17 octobre 2022, soit après la clôture de l'instruction intervenue le 1er juillet 2022 et un jour avant la tenue de l'audience le 18 octobre 2022, date dont avaient été avisées les parties par un avis d'audience transmis le 21 septembre 2022. Il ne ressort pas des termes de ce mémoire, et il n'est pas soutenu en appel par Mme C..., qu'il aurait contenu l'exposé d'une circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dès lors, le tribunal administratif n'était pas tenu de rouvrir l'instruction aux fins de soumettre ce mémoire au débat contradictoire et d'en tenir compte pour la solution du litige, et pouvait estimer que Mme C... avait acquiescé aux faits allégués par la commune. Le jugement attaqué, dont les visas font mention du mémoire en défense de Mme C... sans l'analyser, n'est par suite pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. L'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier du domaine public.
7. Aux termes de l'article 2 de la délibération du 12 février 2004 : " Le domaine public naturel comprend : / - le domaine public maritime qui se compose notamment des rivages de la mer, des lais et relais de mer, des étangs salés communiquant librement ou par infiltration ou par immersion avec la mer, du sol et du sous-sol des eaux intérieures dont les havres et rades non aménagés et les lagons jusqu'à la laisse de basse mer sur le récif côté large, du sol et du sous-sol des golfes, baies et détroits de peu d'étendue, et du sol et du sous-sol des eaux territoriales (...) ; aux termes l'article 7 de cette même délibération : " Les autorisations d'occupation d'une dépendance du domaine public sont délivrées à titre personnel et précaire.Elles sont révocables à tout moment.(...) ".
5. D'une part, par une délibération n° 75-70 du 29 avril 1975, la Polynésie française a accordé à la commune d'Arue la concession définitive de quatre emplacements dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils faisaient partie de son domaine public maritime à Arue, sis au droit du Yacht-Club et de la terre Fareta dite Vaiuma, d'une superficie totale de 12 801 m². D'autre part, la parcelle sur laquelle Mme C... est installée, cadastrée B-112 sur le ban de la commune d'Arue, se situe sur cette concession, quand bien même les superficies seraient légèrement différentes.
6. Si Mme C... soutient qu'il n'est pas établi que le motu d'Arue aurait, antérieurement à la délibération n° 75-70 du 29 avril 1975, fait partie du domaine public de la Polynésie française, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de son allégation, qui présente ainsi un caractère dilatoire.
7. La commune d'Arue fait valoir, sans être utilement contredite par la requérante, qu'elle a procédé, depuis la concession définitive précitée de 1975, à des travaux de soustraction des lieux à l'action des eaux par des travaux de remblais et d'endigage, et que le motu dont s'agit est destiné à la pratique d'activités sportives aquatiques (pratique de la voile et du vaa) et de danse polynésienne, et également, pour sa partie attenante au marché communal, à l'activité de pêche hauturière.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C..., étant occupante sans droit ni titre de son domaine public maritime, la commune d'Arue était fondée à demander au tribunal administratif de lui ordonner de libérer les lieux, y compris en recourant au concours de la force publique.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C... doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par Mme C... doivent être rejetées, comme celles tendant à la condamnation de la commune d'Arue aux entiers dépens.
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la commune d'Arue les frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Arue, tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... veuve A... B... et au maire de la commune d'Arue.
Copie en sera délivrée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
Le président-rapporteur,
I. D...L'assesseure la plus ancienne,
M. E...
La greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00514