Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
10 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2223486/8 du 27 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine en tant seulement qu'il prononce une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 20 janvier 2023 et le
21 mars 2023, M. A..., représenté par Me Moulai, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2223486/8 du 27 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 10 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les observations de Me Moulai, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 16 avril 1969, entré en France en 2019 sous couvert d'un visa court séjour, a fait l'objet d'une interpellation lors d'un contrôle de police sur son lieu de travail le 10 novembre 2022. Par un arrêté du même jour, le préfet des Hauts de Seine l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il prononce une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus de ses conclusions.
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant :
" Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du jugement en assistance éducative du 20 juin 2022 du juge des enfants du D... judiciaire d'Evry ainsi que du certificat médical du 5 janvier 2023 du Dr B..., psychiatre au Centre Hospitalier Sud Francilien, que la fille de
M. A... âgée de 16 ans à la date de l'arrêté attaqué, souffre d'une forme d'autisme très sévère et de troubles du comportement majeurs, avec un taux d'incapacité de 80 % reconnu par la Maison départementale des personnes handicapées de Paris le 25 janvier 2023. Elle bénéficie actuellement en France d'une prise en charge médicale et paramédicale et a également pu bénéficier d'une orientation au sein d'un institut médico-éducatif pour la période du
1er janvier 2023 au 12 mai 2026. Ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la fille de
M. A... reste dans une situation de grand handicap qui nécessite une stabilité des soins, la poursuite de la prise en charge mise en place et le maintien des liens familiaux, la décision contestée faisant obligation de quitter le territoire français sans délai à son père, dont il ressort des pièces du dossier qu'il est le seul des deux parents à rendre visite à sa fille et ce, chaque fin de semaine, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai du 10 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de la décision contestée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2223486/8 du 27 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de
M. A... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et de la décision fixant le pays de destination du 10 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine.
Article 2 : La décision du 10 novembre 2022 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00289 2