Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté
27 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2207928 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Jaslet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207928 du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;
- il méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 28 novembre 1976, est entrée en France en 2020 afin d'y solliciter l'asile. Le 26 janvier 2021, sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 octobre 2021. Par un arrêté du 27 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme A... fait appel du jugement du
8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'une demande d'asile a été déposée pour le compte de l'enfant mineure de Mme A..., prénommée Sali et née le 1er août 2021. Si cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet de l'OFPRA le 30 mars 2022, il ressort des pièces du dossier qu'un recours a été formé à l'encontre de cette décision devant la CNDA et est actuellement en cours d'instruction. Compte tenu du droit de cette enfant à se maintenir sur le territoire français pendant la durée d'examen de sa demande, il est de son intérêt supérieur que sa mère y réside également durant cette même période. Dans ces circonstances, Mme A... est fondée à soutenir que la décision attaquée, en la séparant de son enfant, porte atteinte à l'intérêt supérieur de celle-ci. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays à destination duquel elle sera éloignée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique que Mme A... soit immédiatement munie d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions précitées. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer immédiatement cette autorisation et, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, de réexaminer la situation administrative de l'intéressée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Jaslet, conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jaslet de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement n° 2207928 du 8 juillet 2022 du tribunal administratif d Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 avril 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer immédiatement à Mme A... une autorisation provisoire de séjour, sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, de réexaminer la situation administrative de Mme A....
Article 3 : L'Etat versera à Me Jaslet la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA00111