Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202717 du 27 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202717 du 27 juillet 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, dispose d'attaches familiales et personnelles en France et justifie d'une insertion professionnelle.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 octobre 2022, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Matiatou, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante comorienne née le 31 décembre 1970, est entrée en France en 2000 selon ses déclarations. Par un arrêté du 16 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 27 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté 16 février 2022. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "..
3. Mme A... soutient qu'elle réside en France de manière continue depuis 2000 et que sa fille et ses petits-enfants vivent également sur le territoire national. Toutefois, lors de son audition par les services de police à la suite de son interpellation le 16 février 2022, l'intéressée a indiqué être entrée en France en 2009 et les pièces produites au titre des années 2000 à 2013, constituées uniquement de quittances de loyer et de bulletins de paie établis sous un nom d'emprunt, ne sont pas suffisantes pour établir sa présence en France durant ces années. En outre, la requérante ne justifie de la réalité et de l'intensité des liens entretenues avec sa fille et ses petits-enfants résidant régulièrement en France. Elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches aux Comores, pays où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans. Enfin, si Mme A... produit, pour la première fois en appel, des bulletins de paie démontrant une activité professionnelle continue à temps partiel à compter de janvier 2017 en tant qu'agent de service, elle est entrée de façon irrégulière sur le territoire national et n'a pas cherché à régulariser sa situation administrative depuis lors. A cet égard, si la requérante soutient que la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne aurait enregistré en 2011 sa demande d'admission au séjour, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations et s'est bornée à déclarer lors de son audition devant les services de police avoir entamé des démarches avec le concours d'un avocat sans plus de précisions. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an :
5. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
6. Mme A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français en se bornant à faire état de la présence de membres de sa famille en France. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point 3, la réalité et l'intensité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire national n'est pas établi. Dans ces conditions, l'interdiction de retour prononcée à son encontre pour une durée de douze mois n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05239