Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le président du gouvernement de la Polynésie française a déféré au tribunal administratif de la Polynésie française, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la société civile aquacole (SCA) Otetou Pearl Farm, et a conclu à ce que ce tribunal la condamne au paiement de l'amende prévue par la délibération n° 2004-34 de l'assemblée territoriale du 12 février 2004, lui ordonne la remise en état des lieux dans un délai de deux mois en autorisant l'administration à y procéder d'office aux frais de la contrevenante et avec le concours de la force publique à défaut d'exécution dans le délai imparti, et mette à sa charge le paiement des frais de procès-verbaux et d'instance.
Par un jugement 2200053 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a, d'une part, condamné la SCA Otetou Pearl Farm à payer une amende de 100 000 francs CFP à la Polynésie française et a, d'autre part, condamné la SCA à verser à la Polynésie française la somme de 718 357 francs CFP au titre de la remise en état du domaine et la somme de 36 292 francs CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022, la SCA Otetou Pearl, représentée par Me Dumas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200053 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française l'a condamnée à payer une amende de 100 000 francs CFP à la Polynésie française pour n'avoir, malgré l'expiration de son autorisation, pas démantelé les installations de la maison d'exploitation et de greffe perlicoles dans le lagon d'Aratika, commune de Fakarava, sur le domaine public maritime de la Polynésie française, ainsi que la somme de 718 357 francs CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine et celle de 36 292 francs CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie ;
2°) d'annuler ces condamnations ;
3°) à tout le moins, de fixer l'amende à un montant qui ne saurait excéder la somme de 50 000 francs CFP.
Elle soutient que :
- il n'y a pas lieu de la condamner au paiement de frais de remise en état dès lors qu'elle a procédé à la remise en état des lieux et que la maison sur pilotis a été démantelée, ce qu'elle établit par la production d'une attestation du policier municipal de l'île, dressée le
17 novembre 2022 ;
- elle a mené une action aux fins de démantèlement dès que la gérance fut informée par la Polynésie française de la persistance du problème, ce qui justifie de ne pas fixer d'amende ou à tout le moins, de fixer une amende de plus faible montant que celui prononcé par le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2023, la Polynésie française représentée par son président, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La SCA Otetou Pearl Farm a produit un mémoire enregistré le 16 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération de l'assemblée de la Polynésie française n°2004-34 du 12 février 2004 modifié portant composition et administration du domaine public de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Julliard,
- les conclusions de Mme Eléonore Pena, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 août 2021, un procès-verbal n°3855/VP/DRM de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de la SCA Otetou Pearl, à qui il est reproché de n'avoir pas, malgré l'expiration de son autorisation, démantelé les installations de la maison d'exploitation et de greffe perlicoles dans le lagon d'Aratika sis sur la commune de Fakarava, sur le domaine public maritime de la Polynésie française. Le président du gouvernement de la Polynésie française a, le 7 février 2022, déféré la SCA Otetou Pearl, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, devant le tribunal administratif de la Polynésie française. Par un jugement du 20 septembre 2022 dont la SCA Otetou Pearl relève appel, le tribunal l'a condamnée à payer à la Polynésie française une amende de 100 000 francs CFP, la somme de 718 357 francs CFP au titre de la remise en état du domaine et la somme de 36 292 francs CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'action publique :
2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la délibération n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public naturel comprend : le domaine public maritime qui se compose notamment des rivages de la mer, des lais et relais de mer, des étangs salés communiquant librement ou par infiltration ou par immersion avec la mer, du sol et du sous-sol des eaux intérieures dont les havres et rades non aménagés et les lagons jusqu'à la laisse de basse mer sur le récif côté large, du sol et du sous-sol des golfes, baies et détroits de peu d'étendue, et du sol et du sous-sol des eaux territoriales (...)". Aux termes de l'article 6 de la même délibération : " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous... ". L'article 27 de ladite délibération dispose par ailleurs que : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public (...) constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. Les contrevenants pourront être punis des peines d'amende ou des peines privatives ou restrictives de droit, telles que définies dans le code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, le montant maximum de l'amende pourra être doublé. En outre, l'auteur d'une contravention de grande voirie pourra être tenu de réparer le dommage causé, au besoin sous astreinte ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 131-13 du code pénal applicable en Polynésie française l'amende pour les contraventions de 5ème classe est de la contre-valeur en francs Pacifique de 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit et l'article 131-41 du même code précise que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par le règlement qui réprime l'infraction lorsque le règlement le prévoit. Enfin, l'article D. 712-1 du code monétaire et financier fixe la parité du franc CFP exprimée en millier d'unités à 8,38 euros.
4. Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.
5. Il résulte de l'instruction que les agents de la direction des ressources marines, chargés du contrôle du respect de la réglementation applicable aux activités en matière de perliculture, de pêche et d'aquaculture, dûment assermentés, signataires du procès-verbal de contravention de grande voirie n°3855/VP/DRM du 12 août 2021, ont constaté le 16 mai 2021 que la SCA Otetou Pearl Farm n'avait pas, malgré l'expiration depuis plusieurs années de son autorisation d'occupation du domaine public, démantelé la maison d'exploitation, malgré un courrier du 9 janvier 2013 l'informant de l'expiration de ses autorisations, de ce qu'elle disposait d'un délai de trois mois pour remettre en état les lieux dans leur état d'origine, en procédant à l'enlèvement de toutes les installations flottantes et ancrées, et qu'à défaut de cette remise en état dans le délai imparti, elle serait passible d'une contravention de grande voirie pour occupation illégale du domaine public maritime. Si la SCA sollicite que le montant de l'amende, fixé par le tribunal à 100 000 francs CFP, soit réduit de moitié, elle se borne à faire valoir qu'il y a lieu de mettre à son crédit son action afin de démantèlement, " dès que la gérance fut informée par la Polynésie française de la persistance du problème ". Par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne l'action domaniale :
6. Il résulte de l'instruction, tant de l'attestation du policier municipal de l'île établie le 17 novembre 2022 produite par la société appelante, que du procès-verbal de constat du
19 janvier 2023 dressé par les agents assermentés de la Direction des ressources marines de la Polynésie française produit par cette dernière, qu'à la date du 3 décembre 2022, la maison sur pilotis avait été démantelée par la SCA et qu'ainsi, les lieux ont été remis en état. Par suite, il n'y a pas lieu de condamner la SCA aux frais de remise en état des lieux.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCA Otetou Pearl Farm est seulement fondée à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de la somme de 718 357 francs CFP mise à sa charge au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public.
D E C I D E :
Article 1er : La société civile aquacole Otetou Pearl Farm est déchargée de l'obligation de payer la somme de la somme de 718 357 francs CFP au titre des frais nécessaires à la remise en état du domaine public.
Article 2 : Le jugement n° 2200053 du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société civile aquacole Otetou Pearl Farm est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile aquacole Otetou Pearl Farm et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05220 2