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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA05002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA05002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 1er novembre 2021 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2116464 du 27 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêt

és du 1er novembre 2021 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 1er novembre 2021 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2116464 du 27 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés du 1er novembre 2021 et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2116464 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme B... était entrée régulièrement sur le territoire français alors qu'elle n'a pas souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de procéder à une substitution de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire aurait pu être prise sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, Mme B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du préfet de police au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Milly, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante philippine née le 25 mai 1988, est entrée en France le 15 juin 2014. Par deux arrêtés du 1er novembre 2021, le préfet de police, d'une part, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Le préfet de police fait appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-2 du même code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le

19 juin 1990 peut se voir appliquer les 1° et 2° de l'article L. 611-1 lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention. ".

3. Aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention précise : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". La souscription de la déclaration prévue par cet article 22 et dont l'obligation figure aux articles L. 621-2 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Sont toutefois dispensés de cette formalité les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen.

4. Pour faire obligation à Mme B... de quitter le territoire français, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne justifiait pas être entrée régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 15 juin 2014 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 11 juin 2014 au 23 septembre 2014 délivré par les autorités danoises. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen dès lors que sa venue en France était justifiée par l'état de santé de sa sœur et qu'elle n'avait pas pour projet de s'y installer durablement, cette circonstance est sans incidence sur la nécessité de souscrire une telle déclaration, qui constitue une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à la convention de Schengen qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de l'erreur de fait quant à la régularité de l'entrée en France de Mme B... pour annuler les arrêtés du 1er novembre 2021.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, la décision attaquée vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de Mme B.... Elle précise que l'intéressée ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité de titre de séjour. Elle mentionne que Mme B..., qui se déclare célibataire et sans enfant à charge, ne justifie pas de l'absence d'attaches dans son pays d'origine et relève qu'il n'a pas été porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle ou familiale de Mme B..., contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort de la décision attaquée que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B..., quand bien même il n'a pas fait état de l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle, en ne mentionnant pas la date de son entrée en France, la présence de sa sœur sur le territoire national ainsi que son activité professionnelle en tant que garde d'enfants. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit être écarté.

8. En troisième lieu, si Mme B... soutient que le préfet de police a commis une erreur de fait en estimant qu'elle était dépourvue d'un passeport en cours de validité, elle n'établit pas avoir présenté ce document avant l'édiction de la décision en litige. En tout état de cause, et ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision attaquée a été prise au motif que l'intéressée ne justifiait pas être entrée régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, un tel motif pouvant valablement fonder à lui seul la mesure d'éloignement en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en retenant l'absence de détention d'un passeport en cours de validité pour prendre la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis juin 2014, que sa sœur y vit également en situation régulière et qu'elle est en couple avec un compatriote, père d'un enfant français et dont elle s'occupe. Si Mme B... justifie de sa communauté de vie avec un compatriote depuis octobre 2018, il ressort des pièces du dossier que ce dernier est en situation irrégulière sur le territoire français et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, l'intéressée ne justifie pas de la réalité et de l'intensité des liens entretenus avec sa sœur résidant régulièrement en France, ni avec l'enfant de son concubin. Elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches familiales aux Philippines, pays où elle a vécu au moins jusque l'âge de vingt-six ans. Enfin, si Mme B... justifie exercer une activité professionnelle depuis 2017 en tant qu'employée de maison et garde d'enfants, elle est entrée de façon irrégulière sur le territoire national et n'a pas cherché à régulariser sa situation administrative depuis lors. A ce titre, elle ne démontre pas avoir entamé en vain des démarches afin d'obtenir un rendez-vous en préfecture au cours de l'année 2020. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut être qu'écarté.

12. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Elle indique qu'il existe un risque que Mme B... se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre dès lors qu'elle ne justifie pas être entrée régulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à cette mesure et qu'elle ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, faute de justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article

L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à

L. 743-15 et L. 751-5. ".

14. Si Mme B... soutient que le risque de fuite n'est pas établi, il ressort de ce qui a été dit précédemment que l'intéressée est entrée de façon irrégulière en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, lors de son audition par les forces de police le 1er novembre 2021, elle a déclaré son intention de ne pas déférer à une obligation de quitter le territoire. Eu égard à ces éléments, et quand bien même l'intéressée présenterait des garanties de représentation, le préfet a pu valablement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, sans entacher son appréciation d'une erreur manifeste, d'une erreur de fait ou d'un défaut d'examen.

15. Pour les motifs précédemment exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. Compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

17. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de l'interdiction de retour, par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, ne peut être qu'écarté.

18. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Les circonstances que la présence de l'étranger sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public ou qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement antérieure ne sont pas de nature à faire obstacle, à elles seules, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères, justifie légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour.

20. La décision attaquée vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment celles de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que Mme B... soutient être entrée en France en 2014 et ne justifie pas de l'intensité de ses liens sur le territoire national, ayant déclaré être célibataire et sans enfant à charge. Par ailleurs, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de police aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de Mme B..., quand bien même il n'a pas fait état de l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation ainsi que du défaut d'examen doivent être écartés.

21. Ainsi qu'il a été dit, si Mme B... se prévaut de sa présence sur le territoire national depuis 2014 et de son concubinage avec un compatriote depuis octobre 2018, ce dernier se trouve en situation irrégulière sur le territoire national et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, la circonstance que Mme B... justifie d'une activité en tant qu'employée de maison et garde d'enfants depuis 2017 n'est pas suffisante pour justifier son intégration sur le territoire national alors que l'intéressée n'établit pas avoir cherché à régulariser sa situation administrative. Dans ces conditions, et dès lors que Mme B... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à la mesure, l'interdiction de retour prononcée à son encontre pour une durée de douze mois ne méconnaît pas les dispositions précitées des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

22. Eu égard à la situation de Mme B... telle qu'exposée au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés du 1er novembre 2021. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2116464 du tribunal administratif de Montreuil du 27 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22PA05002 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05002
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle DÉGARDIN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa05002 ?
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