Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2212306/8 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, M. D..., représenté par Me Kante, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté préfectoral n'est pas suffisamment motivé ;
- il remplit les conditions de l'admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de sa résidence habituelle en France depuis huit ans et de son intégration professionnelle ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision de refus d'admission au séjour est illégale ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'il a fixé l'ensemble de ses intérêts en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant sri-lankais né le 18 janvier 1992, déclare être entré en France en septembre 2014. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 novembre 2015, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mai 2016. Après deux réexamens, sa demande d'asile a été de nouveau rejetée en 2016 et en 2017. Par un arrêté du
16 mars 2017, le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 22 octobre 2021, M. D... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet de police. Par l'arrêté contesté du 5 mai 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus d'énoncer chacun des arguments et éléments avancés par le demandeur, ont répondu, de manière suffisamment précise et motivée, à l'ensemble des moyens soulevés en première instance. Le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 5 mai 2022 mentionne les éléments de droit et les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Le préfet de police n'était par ailleurs pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. D.... Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
5. M. D... soutient qu'il est entré en septembre 2014 sur le territoire français, qu'il y réside habituellement depuis cette date et qu'il a travaillé comme équipier polyvalent dans la restauration et technicien de surface. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, il ne justifie ni de la continuité de sa présence en France, ni de la stabilité de l'activité professionnelle alléguée, des bulletins de paie pour différents employeurs, durant quelques mois à chaque fois pour chaque année considérée, n'étant produits que depuis 2018. Il ne peut ainsi se prévaloir ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels, au sens des dispositions précitées, qui justifieraient son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...). ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2014, qu'il exerce une activité professionnelle et a noué des liens personnels sur le territoire national. Toutefois, comme il a été dit, il ne justifie pas de la continuité de sa présence en France, ni d'une vie privée et familiale stable et ancienne en France, étant célibataire et sans charge de famille. Dans ces conditions, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus ou des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, l'arrêté du 5 mai 2022 a été signé par Mme C... A..., chef du pôle " admission exceptionnelle au séjour " de la délégation à l'immigration de la préfecture de police, qui disposait d'une délégation à cette fin consentie par un arrêté du préfet de police du 18 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La décision portant de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". En application de ces dispositions, l'obligation de quitter le territoire français, qui vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte en fait de celle de la décision portant refus d'un titre de séjour qui est, en l'espèce, suffisamment motivée, comme il a été dit au point 3 du présent arrêt.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 du présent arrêt que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Comme relevé à bon droit par les premiers juges, la seule circonstance que M. D... aurait fixé le centre de ses intérêts en France est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision fixant son pays de destination.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2022 du préfet de police. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04626
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