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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA00608

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA00608


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2022, un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 25 novembre 2022, le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles (SESEMN) représenté par la SCP Gatineau-Fattaccini-Rebeyrol, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 de la ministre du travail fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des

activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2022, un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 25 novembre 2022, le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles (SESEMN) représenté par la SCP Gatineau-Fattaccini-Rebeyrol, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 de la ministre du travail fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière (IDCC n° 1513) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce que, contrairement à ce qu'il ressort de ses visas, le Haut Conseil du dialogue social ne s'est pas prononcé lors de sa séance du 21 octobre 2021 sur la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière, en violation de l'article L. 2152-6 du code du travail ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une absence de motivation en violation de l'article

L. 211-2° du code des relations entre le public et l'administration ; en effet, en ayant écarté le SESEMN de la liste des organisations représentatives, l'arrêté attaqué restreint l'exercice de la liberté contractuelle en matière de négociation collective en violation des articles 6 et 9 du Préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors qu'il le prive de la possibilité de négocier des conventions et accords collectifs et doit en conséquence être motivé ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de qualification des faits et d'erreur de fait dès lors que le SESEMN satisfait à l'ensemble des critères posés par l'article L. 2151-1 du code du travail ;

- au titre de l'audience, il représente 25 entreprises adhérentes regroupant 1676 salariés ; sa particularité est d'être la seule organisation professionnelle à représenter des entreprises situées outre-mer, à représenter des producteurs d'eaux de source et à représenter exclusivement des TPE/PME et des entreprises familiales ;

- c'est à tort que la ministre a reconnu comme représentatif le Syndicat national des Brasseurs Indépendants qui ne remplit pas les critères de l'influence ; il n'avait pas adhéré à la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière à la date de la signature de l'arrêté litigieux et n'a justifié d'aucune activité dans le champ de cette convention dès lors qu'il n'a été constitué que récemment, le 6 juin 2016.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 octobre 2022 et le 24 mars 2023, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 1er novembre 2022 et le 23 février 2023, le Syndicat national des Brasseurs Indépendants représenté par Me Leprêtre et Me Dahmouh conclut à ce que la Cour déclare recevable son intervention volontaire et rejette la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gatineau, représentant le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles et de Me Leprêtre, représentant le Syndicat national des brasseurs indépendants.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 novembre 2021, la ministre du travail a, à l'article 1er, , fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière (IDCC n° 1513) et, à son article 2, le poids respectif de chacune de ces organisations pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2261-19 du code du travail. Le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles (SESEMN) demande à la Cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il ne figure pas au nombre des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives et en tant qu'il reconnaît représentatif le Syndicat national des Brasseurs Indépendants.

Sur l'intervention du Syndicat national des brasseurs indépendants :

2. Le Syndicat national des Brasseurs Indépendants a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué. Par suite, son intervention en défense est recevable.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I. -La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. II. -Pour l'application du présent titre, sont considérées comme des organisations professionnelles d'employeurs les syndicats professionnels d'employeurs mentionnés à l'article L. 2131-1 et les associations d'employeurs mentionnées à l'article L. 2231-1. ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. ". Aux termes de l'article R. 2152-18 dudit code : " Le ministre chargé du travail présente au Haut Conseil du dialogue social les résultats enregistrés et le consulte sur la liste des organisations professionnelles d'employeurs représentatives par branche et au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel ". Enfin, l'article R. 2122-5 du même code dispose que : " Les avis du Haut Conseil du dialogue social, requis en application de la loi, sont retracés dans le compte rendu des séances ".

4. Le SESEMN soutient, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce que, contrairement à ce qu'il ressort des visas de cette décision, le Haut Conseil du dialogue social ne s'est pas prononcé lors de sa séance du 21 octobre 2021 sur la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière, en violation de l'article L. 2152-6 du code du travail. Il ressort toutefois du courriel adressé le 15 octobre 2021 par l'administration aux membres du Haut Conseil du dialogue social en vue de la séance du 21 octobre suivant, accompagné des listings de résultats de la mesure d'audience, parmi lesquels ceux de la branche n° 1513, que ces résultats ont été présentés à cette instance dont les membres doivent être regardés comme ayant émis l'avis prévu par les dispositions de l'article L. 2152-6 du code du travail préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

5. Le SESEMN soutient, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué est entaché d'une absence de motivation en violation de l'article L. 211-2° du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'en l'écartant de la liste des organisations représentatives, cet arrêté le prive de la possibilité de négocier des conventions et accords collectifs et restreint l'exercice de la liberté contractuelle en matière de négociation collective, en violation des articles 6 et 9 du Préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, les décisions par lesquelles la ministre du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives en application des dispositions de l'article L. 2151-1 du code du travail, ne constituent pas des mesures restreignant l'exercice des libertés publiques au sens de l'article L. 211-2 1° du code des relations entre le public et l'administration et n'ont pas à être motivées.

6. Le SESEMN soutient, en troisième lieu, qu'il satisfait à l'ensemble des critères posés par l'article L. 2151-1 du code du travail. Toutefois, le syndicat requérant admet lui-même dans son mémoire en réplique ne pas atteindre les 8% prévus par l'article L. 2152-1 du code du travail. Par suite, les circonstances qu'il représente 25 entreprises adhérentes regroupant 1676 salariés, qu'il serait la seule organisation professionnelle de la branche à représenter des entreprises situées outre-mer, des producteurs d'eaux de source, des TPE/PME et des entreprises familiales, sont incidence dès lors qu'il est constant qu'il ne remplit pas le critère légal d'audience. Par suite, il n'établit pas que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit, d'erreurs de fait ou d'une erreur de qualification de ces faits.

7. Le SESEMN soutient, enfin, que c'est à tort que la ministre du travail a reconnu comme représentatif le Syndicat national des Brasseurs Indépendants qui ne remplit pas le critère de l'influence dès lors qu'il n'avait pas adhéré à la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière à la date de la signature de l'arrêté litigieux et qu'il n'a justifié d'aucune activité dans le champ de cette convention dès lors qu'il n'a été constitué que récemment, le 6 juin 2016. Toutefois, d'une part, la circonstance qu'un syndicat n'ait pas adhéré à la convention collective nationale de la branche est sans incidence sur sa représentativité dans le champ de cette branche. D'autre part, l'influence du Syndicat national des Brasseurs Indépendants est notamment attestée par trois communiqués de presse produits par le ministre du travail. Le moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le SESEMN n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2021 du ministre du travail fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière (IDCC n°1513).

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse au SESEMN une somme au titre des frais de l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention du Syndicat national des brasseurs indépendants est admise.

Article 2 : La requête du SESEMN est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à Boissons Rafraîchissantes de France, à la Maison des Eaux minérales Naturelles, à l'Association des Brasseurs de France et au Syndicat national des Brasseurs Indépendants.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00608 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00608
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP GATINEAU-FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa00608 ?
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