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05/07/2023 | FRANCE | N°21PA02487

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 21PA02487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner, dans la proportion qu'il appréciera, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 271 572,10 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'aléa thérapeutique subi au groupe hospitalier intercommunal (GHI) le Raincy-Monfermeil et aux fautes commises au cours de sa prise en charg

e à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) de l'AP-HP.

Par une ordonn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner, dans la proportion qu'il appréciera, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 271 572,10 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'aléa thérapeutique subi au groupe hospitalier intercommunal (GHI) le Raincy-Monfermeil et aux fautes commises au cours de sa prise en charge à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) de l'AP-HP.

Par une ordonnance du 30 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de la demande du requérant au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1908558 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A... C..., a mis le GHI Le Raincy Montfermeil hors de cause, a mis les frais d'expertise - taxés et liquidés à hauteur de 2 564,70 euros - à la charge de M. C..., et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, M. C..., représenté par Me Gras, a demandé à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1908558 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de condamner l'AP-HP et l'ONIAM dans la proportion qu'elle appréciera, et subsidiairement l'AP-HP seule, à lui verser la somme totale de 271 572,10 euros à titre de dommages-intérêts ;

3°) de lui allouer une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à la suite d'un aléa thérapeutique et du traitement par " stent " d'un faux anévrisme fémoral gauche, il a été victime de complications prévisibles ; au titre du dommage consécutif subi, il ouvre droit à la réparation intégrale par l'ONIAM de son préjudice sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors qu'à la suite des interventions des 17 et 19 septembre 2014, son état est considérablement plus grave que s'il n'avait pas fait l'objet d'un traitement, que la probabilité de survenue de la complication dans son cas particulier est inférieure à 10 %, qu'il a été en arrêt de travail pendant plus de six mois et a subi un déficit fonctionnel permanent supérieur à 20 % ;

- l'AP-HP doit également l'indemniser sur le fondement des articles L. 1142-1 I et L. 1142-18 du même code en raison d'une faute commise dans la prise en charge des deux faux anévrismes par le praticien hospitalier qui n'a pas recueilli son consentement et n'a pas tenu compte de son opposition, la pose d'un " stent " ayant en définitive aggravé le dommage ;

- c'est à tort que, pour rejeter sa demande d'indemnisation, le tribunal a appréhendé les faits de manière dissociée et il importe peu que l'expert judicaire n'ait pas fourni de références précises de la littérature médicale s'agissant des risques inhérents à la pose de stents ; en l'absence d'urgence vitale, il aurait dû être redirigé vers un chirurgien vasculaire ; le refus de prendre en compte son consentement éclairé et clairement exprimé rend l'acte du praticien hospitalier de l'AP-HP, fautif ;

- ses préjudices s'établissent comme suit :

* au titre des frais d'assistance à expertise engagés : 2 350 euros,

* au titre de la perte de gains professionnels : 26 943 euros,

* au titre de l'assistance par une tierce personne : 60 803,60 euros,

* au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle : 99 023 euros,

* au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 7 452,50 euros,

* au titre des souffrances endurées : 15 000 euros,

* au titre du déficit fonctionnel permanent : 50 000 euros,

* au titre du préjudice d'agrément : 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies ; il résulte en effet du rapport d'expertise qu'un doute existe quant à la caractérisation d'un aléa thérapeutique dès lors que la survenue de deux faux anévrismes dans les suites de deux artériographies concomitantes semble révéler une faute de la part du GHI Le Raincy-Montfermeil ;

- la condition d'anormalité du dommage n'est pas remplie ;

- des fautes à l'origine de l'intégralité du dommage ont été commises par l'HEGP dans la prise en charge des faux anévrismes.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2021, le GHI Le Raincy-Montfermeil, représenté par Me Le Prado, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir qu'aucune conclusion n'est dirigée contre lui dès lors qu'Alain C... a été victime d'un aléa thérapeutique, et qu'aucune faute ne lui est imputable.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, l'AP-HP, représenté par

Me Tsouderos, conclut : à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des sommes allouées soit ramené à de plus justes proportions.

Elle fait valoir que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée en raison du choix thérapeutique ou de la réalisation, non fautifs, de la pose d'un stent ;

- cette pose a été réalisée en dépit du refus du patient dès lors qu'il s'agissait du seul recours possible ; ce dernier, conscient lors de la prise en charge de son faux anévrisme, a été informé des difficultés survenues, de la nécessité de la pose d'un stent et ne s'y est pas opposé ;

- les demandes indemnitaires sont injustifiées ou excessives.

Par un mémoire en intervention enregistré le 13 septembre 2022, Mme E... D... venant aux droits A... C..., représentée par Me Gras, demande à la cour :

1°) de la recevoir en son intervention ;

2°) de réformer le jugement n° 1908558 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de condamner l'AP-HP et l'ONIAM dans la proportion qu'elle appréciera, et subsidiairement l'AP-HP seule, à lui verser la somme totale de 171 418,50 euros à titre de dommages-intérêts ;

4°) de lui allouer une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend à son compte les moyens de la requête relatifs au droit à indemnisation et actualise comme suit les demandes indemnitaires :

* au titre des frais d'assistance à expertise engagés : 2 350 euros,

* au titre de la perte de gains professionnels : 26 943 euros,

* au titre de l'assistance par une tierce personne future : 17 550 euros,

* au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle : 78 123 euros,

* au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 7 452,50 euros,

* au titre des souffrances endurées : 15 000 euros,

* au titre du déficit fonctionnel permanent : 20 000 euros,

* au titre du préjudice d'agrément : 4 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gras, avocate de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. A... C... alors âgé de 54 ans, qui souffrait de douleurs intermittentes aux mollets depuis 2013, s'est vu diagnostiquer le 4 septembre 2014 une artérite des membres inférieurs. Les 17 et 19 septembre 2014, il a bénéficié d'angioplasties fémorales sur les jambes droite et gauche au sein du groupe hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy-Montfermeil. A la suite de ces interventions, le patient a souffert de faux anévrismes sur chaque jambe. Hospitalisé du 13 au

17 novembre 2014 au sein de l'Hôpital Européen Georges-Pompidou (HEGP) relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) pour une cure d'anévrisme par voie endovasculaire et radiologie interventionnelle, il a de nouveau été victime d'un faux anévrisme de la jambe gauche en raison de l'écrasement et de la rétraction d'une endoprothèse (stent) en définitive posée au cours de l'intervention, avec compression de la veine fémorale. Par un courrier du 23 mars 2015 adressé à l'AP-HP, A... C... a sollicité l'indemnisation de ses préjudices. Le 21 avril 2016, celle-ci l'a invité à saisir la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) d'Ile-de-France. Saisie par l'intéressé, par une décision du 9 mars 2017, la commission a constaté le désistement implicite de A... C... faute pour ce dernier d'avoir assisté à l'expertise ordonnée. A la demande de l'intéressé, par une ordonnance du 18 septembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a désigné un médecin expert cardiologue, lequel a déposé son rapport le 13 novembre 2018. Par un courrier du 14 mars 2019 adressé à l'ONIAM et à l'AP-HP, A... C... a sollicité une indemnisation, auprès du premier au titre de la solidarité nationale en raison de l'aléa thérapeutique qu'il estimait avoir subi au GHI Le Raincy-Montfermeil et, auprès de la seconde, en raison d'une prise en charge fautive. Sa demande a été rejetée implicitement par l'ONIAM et par un courrier du 13 juin 2019 par

l'AP-HP. A... C... a relevé appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes d'indemnisation. A la suite de son décès le 28 octobre 2021 en cours de procédure, son épouse a repris l'instance au nom de ses ayants-droit.

Sur la demande de mise hors de cause du GHI Le Raincy-Montfermeil :

2. Le GHI Le Raincy-Montfermeil, dont la responsabilité n'est pas recherchée dans le présent litige, est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité :

S'agissant des interventions des 17 et 19 septembre 2014 :

3. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'Alain C... a été victime d'un accident médical non fautif dans les suites des interventions 17 et 19 septembre 2014 au sein du GHI Le Raincy Montfermeil. Toutefois, en raison de la pathologie dont il souffrait ayant justifié sa prise en charge, il était exposé à des risques très graves. L'artérite des membres inférieurs est en effet une pathologie caractérisée par l'existence de dépôts dans les artères entraînant leur rétrécissement avec pour effet la diminution de l'apport de sang et d'oxygène aux muscles ; elle peut ainsi être à l'origine de gangrènes - dues à l'obstruction progressive des artères - et mener à l'amputation, à la survenance de thromboses, ou encore affecter d'autres artères et provoquer des accidents ischémiques. Il ressort du compte rendu d'hospitalisation au GHI Le Raincy Montfermeil du 21 septembre 2014 que les suites des interventions ont été marquées par un faux anévrisme en voie de régression au point de ponction fémoral gauche ainsi que par un faux anévrisme au point de ponction fémoral droit et par un globe urinaire. Par conséquent, eu égard aux risques encourus en l'absence d'intervention, les actes médicaux en cause n'ont pas entraîné pour A... C... des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles il était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Il s'en infère que le dommage subi ne souscrit pas à la condition d'anormalité précitée.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la proportion de faux anévrisme à l'occasion d'une angiographie s'élève selon la littérature médicale, à 10 % pour les procédures à visée thérapeutique. Si ce taux est contesté par la requérante au regard notamment d'une étude réalisée sur les faux anévrismes fémoraux iatrogènes du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016, de chiffres délivrés par le CHU de Dijon et de la Revue médicale suisse, cette documentation ne démontre pas que la probabilité de survenance de faux anévrismes dans des cas similaires serait inférieure au taux relevé par l'expert et, en tout état de cause, exceptionnelle, au surplus au regard de l'état initial du patient qui, selon l'expert, présentait un facteur de risque lié à un tabagisme important de nature à favoriser tant la survenance d'un faux anévrisme que de l'artérite. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conséquences de la complication, laquelle ne présentait pas une probabilité faible, n'ouvraient pas droit à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

S'agissant de l'intervention du 17 novembre 2014 :

7. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

8. Il est soutenu que le praticien de l'HEGP aurait commis une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'établissement public de santé en recourant à la pose d'un stent dans l'artère fémorale de la jambe gauche du patient. Si l'expert a estimé que celle-ci était inadaptée, il résulte de l'instruction, et notamment du compte-rendu établi par le chirurgien le

7 janvier 2015, que le stent a dû être posé en dernier recours après l'échec de deux autres techniques d'embolisation et alors que l'intervention avait en revanche été réalisée avec succès pour la jambe droite. Dans un tel contexte, quand bien même un professeur F... aurait-il mentionné que sa mise en place dans une artère fémorale commune n'était pas à privilégier en raison d'une situation anatomique dans une zone de mobilité et de flexion, le recours à un tel geste n'étant pas exclu par ce spécialiste, la responsabilité de l'AP-HP ne saurait être regardée comme engagée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

9. Aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique dans sa version alors en vigueur : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé./ Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment (...) ".

10. Il résulte de l'instruction qu'afin d'envisager le traitement des faux anévrismes consécutifs aux angioplasties des 17 et 19 septembre 2014, A... C..., résolument réfractaire à la pose d'un stent ainsi qu'à toute prise en charge chirurgicale vasculaire, a consulté un médecin radiologue de l'HEGP en vue de bénéficier d'un traitement par injection percutanée de thrombine, voire embolisation (" flow seal " et " coils "). Le radiologue interventionnel qui a pratiqué l'intervention du 17 novembre 2014 à l'hôpital européen Georges Pompidou avait adressé une lettre du 3 novembre 2014, soit treize jours avant l'intervention, au chirurgien vasculaire qui avait proposé une cure chirurgicale à A... C... en lui indiquant que " le patient souhaite un traitement bien entendu, il ne souhaite pas de chirurgie et souhaiterait éviter les stents couverts ". Lors de l'intervention du 17 novembre 2014, une injection n'a toutefois pu être efficacement pratiquée que pour la jambe droite, en conséquence de quoi le praticien a, en peropératoire, décidé de poser un stent dans l'artère fémorale de la jambe gauche du patient, en dépit de l'opposition expresse de celui-ci, conscient lors de la réalisation de l'acte. A supposer qu'une prise en charge chirurgicale était nécessaire et en tout état de cause en l'absence caractérisée d'urgence absolue faute de comorbidité relevée par l'expert, de nécessité de réalisation d'un acte indispensable à la santé du patient et proportionné à son état accompli dans le seul but de tenter de le sauver, il n'est pas contesté que le chirurgien, en dépit des objurgations du patient lors de l'intervention réalisée sous anesthésie locale, n'a pas suspendu et sursis au geste consistant à la pose d'un stent et, ce que faisant, a dès lors manqué à son obligation de se conformer à la volonté de ce dernier en ne tenant pas compte de sa demande.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices consécutifs à la faute commise par l'AP-HP pour manquement à l'obligation de respecter la volonté du patient.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux frais divers :

12. Il ressort de trois notes d'honoraires versées au dossier qu'Alain C... a engagé des dépenses d'un montant total de 2 350 euros au titre des honoraires d'un chirurgien conseil qui l'a assisté lors des opérations d'expertise judiciaire.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que l'état de santé A... C... consécutif au dommage subi du fait de l'intervention du 17 novembre 2014 a justifié une aide humaine non spécialisée - simple surveillance et assistance pour les actes ordinaires de la vie quotidienne - à raison de cinq heures par semaine sur la période où le déficit fonctionnel temporaire partiel a été évalué à 70 %, puis de deux heures par semaine après la consolidation lorsque ce déficit a été évalué à 50 %, notamment en raison du besoin d'aide pour effectuer des gros travaux et du jardinage. Eu égard à la nature de l'aide requise ayant pour objet le besoin d'assistance uniquement pour les actes de la vie quotidienne, seule la première période s'achevant à la date de consolidation, le 29 janvier 2016, doit être regardée comme ouvrant droit à indemnisation. Le coût de l'assistance par une tierce personne à domicile étant calculé sur la base d'un montant horaire de 18 euros et d'une durée annuelle de 412 jours, les congés payés et les jours fériés étant ainsi pris en considération, il s'ensuit que le montant des frais afférents à l'assistance à domicile par une tierce personne doit être évalué à 6 356,57 euros.

Quant à la perte de gains professionnels actuels et futurs :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment des avis d'imposition versés au dossier, que les revenus déclarés nets - avant abattement - A... C... se sont élevés à 16 173 euros en 2013 et à 16 839 euros en 2014, période durant laquelle il a travaillé en qualité de chauffeur livreur de poids-lourds en intérim. A compter du 25 mai 2014, son salaire en qualité de comptable s'est élevé à 1 741 euros pour le mois de juin et à 161 euros en juillet 2014. En 2015, il a déclaré 3 118 euros. La date de consolidation de l'état de santé du patient ayant été fixée au 29 janvier 2016 par l'expert, la perte de gains professionnels actuels, sur la base des revenus perçus en 2013, doit ainsi être évaluée à la somme de 13 055 euros.

15. A... C... est décédé le 28 octobre 2021. Il résulte de l'instruction, et notamment des avis d'imposition et de bulletins de salaires versés au dossier, que ses revenus nets déclarés - avant abattement - se sont élevés à 10 051 euros en 2016, à 13 083 en 2017, à 13 207 euros en 2018, l'intéressé ayant signé un contrat de travail à durée déterminée de dix-huit mois le 29 mars 2018 pour un salaire mensuel de 1 352 euros bruts. A compter de cette date, il ne résulte pas de l'instruction qu'Alain C... ait subi de perte de salaire dès lors qu'il avait retrouvé un emploi peu ou prou rémunéré au même montant qu'avant l'intervention. Il s'en infère qu'il sera fait une exacte appréciation de la perte de salaires futurs subie par l'intéressé en l'évaluant à la somme de 12 178 euros.

Quant à l'incidence professionnelle :

16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si A... C... a pu reprendre une activité professionnelle à compter du 17 avril 2015, les dommages consécutifs à l'accident médical ont eu une incidence professionnelle dès lors qu'il ne pouvait plus exercer sa profession de chauffeur-livreur et que de surcroît son handicap limitait sa recherche d'emploi. Eu égard à son âge à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à l'incidence professionnelle des séquelles de l'intervention litigieuse en fixant le préjudice subi à ce titre à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

17. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que le déficit fonctionnel temporaire de l'ordre de 50 % subi par A... C... - au-delà de la période de l'intervention qui ne saurait être prise en compte - en lien direct avec le manquement fautif de l'AP-HP, s'est étendu du 17 avril 2015 au 29 janvier 2016. Sur la base d'une indemnisation égale à 15 euros par jour pour un déficit fonctionnel total, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en indemnisant ce poste à hauteur de 2 152,50 euros pour 287 jours.

Quant aux souffrances endurées :

18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que le manquement fautif de l'AP-HP a été à l'origine, pour A... C..., de souffrances physiques et morales. Ce préjudice a été évalué par l'expert à 4 sur une échelle allant de 1 à 7 avant consolidation. Par suite, il y a lieu de fixer la somme allouée à ce titre à 5 000 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

19. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'Alain C... a subi un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 20 %. Dès lors que l'intéressé aurait dû être opéré à terme de son faux anévrisme et eu égard à son âge à la date de la consolidation de son état de santé fixée au 29 janvier 2016, soit 56 ans, et à la date de son décès le 28 octobre 2021, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'Alain C... a subi un préjudice d'agrément, son périmètre de marche étant limité à 150 mètres et l'intéressé ayant été dans l'impossibilité de faire du vélo ou de pratiquer des sports mobilisant les membres inférieurs, activités dont il est établi qu'il les pratiquait antérieurement. Par suite, il y a lieu de condamner l'AP-HP à lui verser une indemnité de 1 000 euros à ce titre.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les ayants-droit A... C... sont fondés à demander la condamnation de l'AP-HP à leur verser la somme totale de 49 092,07 euros.

Sur les frais d'expertise :

22. Il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP les frais de l'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Montreuil du 22 février 2019 à la somme de 2 534,70 euros.

Sur les frais de l'instance :

23. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 000 euros à verser à Mme D....

D É C I D E :

Article 1er : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à payer à verser à la succession A... C... la somme totale de 49 092,07 euros

Article 2 : Le groupe hospitalier intercommunal le Raincy-Monfermeil et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont mis hors de cause.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 534,70 euros, sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Article 4 : Le jugement n° 1908558 du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme D... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au groupe hospitalier intercommunal le Raincy-Monfermeil, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

M-D. B...

Le président,

I. LUBEN Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 08PA04258

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N° 21PA02487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02487
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;21pa02487 ?
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