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30/06/2023 | FRANCE | N°22PA03284

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2023, 22PA03284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Chinon Vienne et Loire a saisi le Conseil d'Etat d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l'action et des comptes publics du 9 octobre 2019 pris pour l'application en 2019 des dispositions prévues aux articles L. 2334-7 et L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, à l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Chinon Vienne et Loire a saisi le Conseil d'Etat d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l'action et des comptes publics du 9 octobre 2019 pris pour l'application en 2019 des dispositions prévues aux articles L. 2334-7 et L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, à l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, à l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et à l'article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, demande dans laquelle elle soulevait également l'inconstitutionnalité du premier alinéa du paragraphe II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans sa rédaction initiale.

Par une décision n° 436586 du 29 juillet 2020, le Conseil d'Etat a saisi le Conseil constitutionnel, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de la question prioritaire de constitutionnalité, soulevée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, relative à la conformité aux droits et libertés, que la Constitution garantit, du premier alinéa du paragraphe II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans sa rédaction initiale.

Par une décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa du paragraphe II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans sa rédaction initiale.

Par une décision n° 436586 du 30 décembre 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a transmis au tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 312-1 du code de justice administrative, la demande présentée devant lui par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2019 du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l'action et des comptes publics pris pour l'application en 2019 des dispositions prévues aux articles L. 2334-7 et L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, à l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, à l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et à l'article 107 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

Par un jugement n° 2100404/2-1 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 18 juillet 2022 et

20 septembre 2022, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, représentée par

Me Stoclet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur le prélèvement qu'il était envisagé de mettre à sa charge ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions des articles 250 de la loi du 28 décembre 2018 et L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, dès lors que sa contribution aurait dû être calculée sur la base d'une minoration de la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de 252 millions d'euros et non de 310,5 millions d'euros ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention.

La requête a été communiquée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de l'action et des comptes publics qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 7 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- l'arrêté du 7 septembre 2018 pris pour l'application en 2018 des dispositions prévues aux articles L. 2334-7, L. 2334-7-3 et L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, à l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et à l'article 107 de la loi

n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;

- la décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 octobre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministre de l'action et des comptes publics ont établi la liste des communes, établissements de coopération intercommunale, départements et régions faisant l'objet en 2019 d'un prélèvement sur le produit de leur fiscalité directe locale en application des dispositions des articles L. 2334-7 et L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, de l'article 159 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et de l'article 107 de la loi

n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. Par un jugement du 17 mai 2022, dont la communauté de communes Chinon Vienne et Loire relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté interministériel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En se bornant à soutenir que le jugement attaqué n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire n'a pas assorti son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait, à ce titre, irrégulier doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. Aux termes du II de l'article 250 de la loi susvisée du 28 décembre 2018 : " A compter de 2019, le prélèvement opéré en 2018 en application du troisième alinéa de l'article

L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est reconduit chaque année. / En cas de différence, pour un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, entre le périmètre constaté au 1er janvier de chaque année et celui existant au 1er janvier de l'année précédente, le prélèvement est recalculé de la manière suivante : / 1° En calculant, la part du prélèvement de l'année précédente afférente à chaque commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au 1er janvier de l'année précédente, par répartition du montant du prélèvement au prorata de la population de la commune dans la population de l'établissement ; / 2° Puis en additionnant les parts, calculées conformément au 1° du présent II, de chacune des communes que cet établissement regroupe au 1er janvier de l'année en cours ".

5. Dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2019, le troisième alinéa de l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales dispose : " A compter de 2014, le montant de la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de métropole et des départements d'outre-mer est minoré de 252 millions d'euros. Cette minoration est répartie entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, minorées des atténuations de produits, des recettes exceptionnelles et du produit des mises à disposition de personnel facturées dans le cadre de mutualisation de services entre l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes membres, telles que constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles. Si, pour un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la minoration excède le montant perçu au titre de la dotation d'intercommunalité de l'année de répartition, la différence est prélevée sur les compensations mentionnées au III de l'article 37 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ou, à défaut, sur les douzièmes prévus à l'article L. 2332-2 et au II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de l'établissement public de coopération intercommunale ".

6. En premier lieu, pour estimer que l'édiction de l'arrêté en litige n'avait pas à être précédée d'une procédure préalable contradictoire, les premiers juges ont relevé que les auteurs de cet arrêté n'avaient eu à porter aucune appréciation sur les faits de l'espèce, avaient dès lors agi dans le cadre d'une compétence liée et que la requérante n'invoquait, en tout état de cause, aucune disposition législative ou réglementaire imposant que la collectivité soit associée au calcul du montant de la minoration de la dotation d'intercommunalité, qui lui serait appliquée. La requérante ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces motifs. Ce moyen doit donc être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.

7. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 5111-28 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) A compter de 2014, le montant de la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de métropole et des départements d'outre-mer est minoré de 252 millions d'euros (...) ". Le septième alinéa du même article dispose que : " A compter de 2017, le montant de la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de métropole et des départements d'outre-mer, à l'exception de ceux du Département de Mayotte, est minoré de 310,5 millions d'euros. Cette minoration est répartie entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans les conditions prévues aux troisième à avant-dernier alinéas. (...) ".

8. Pour estimer que les auteurs de l'arrêté attaqué n'avaient pas commis d'erreur de droit en fixant à 310,5 millions d'euros, et non à 252 millions, le montant de la minoration de la dotation d'intercommunalité à répartir entre les établissements publics de coopération intercommunale au titre de l'année 2019, les premiers juges ont considéré que le renvoi au troisième alinéa de l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, opéré par le II de l'article 250 de la loi susvisée du 28 décembre 2018, avait pour seul objet de désigner la nature du prélèvement effectué sur la fiscalité directe locale des établissements publics de coopération intercommunale au titre de la contribution au redressement des finances publiques et non d'en déterminer le montant. La requérante ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces motifs. Ce moyen doit donc être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.

9. En dernier lieu, l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

10. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 susvisée, a déclaré contraire à la Constitution, et a abrogé, le premier alinéa du paragraphe II de l'article 250 de la loi susvisée du 28 décembre 2018, dans sa rédaction initiale. Le Conseil constitutionnel a rappelé au point 10 de sa décision " qu'en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. ". Il a enfin considéré au point 12 de sa décision que " la remise en cause de l'ensemble des prélèvements opérés sur le fondement de ces dispositions aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces prélèvements ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ".

11. Pour écarter le moyen tiré de ce qu'en soumettant la communauté de communes Chinon Vienne et Loire à un prélèvement inconstitutionnel l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive à son droit de propriété, les premiers juges ont estimé que la requérante ne pouvait utilement invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, dès lors que celles-ci n'étaient pas applicables à un litige qui, quels que soient ses éventuels effets patrimoniaux, porte sur la répartition de ressources financières entre des personnes publiques. La requérante ne fait état d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces motifs. Ce moyen doit donc être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 12 du jugement attaqué.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Chinon Vienne et Loire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

M. HEERS

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03284
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SAS CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;22pa03284 ?
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