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30/06/2023 | FRANCE | N°22PA03104

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2023, 22PA03104


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2211722 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2211722 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en étant entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'est pas célibataire et sans charges de famille, mais est marié et père de deux enfants qui résident avec lui ;

- le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été privé de toute possibilité de déposer une demande de titre de séjour en raison de l'impossibilité d'accéder à la plateforme informatique dédiée de la préfecture ;

- il remplit les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, interprétées à la lumière de la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012 ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa durée.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant chinois né le 17 novembre 1985, est entré en France le 28 février 2019 selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 juin 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 27 septembre 2019. Le 24 mai 2022, il a fait l'objet d'une interpellation sur la voie publique et a été placé en retenue aux fins de vérification de sa situation administrative. Par un arrêté du même jour, la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

3. En premier lieu, pour obliger M. A... à quitter le territoire français, la préfète du Val-de-Marne a motivé sa décision par la circonstance que l'intéressé était entré en France le 1er mars 2019, selon ses déclarations et qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement en France ni avoir sollicité de titre de séjour. L'arrêté attaqué mentionne en outre que " la décision qui (lui) est opposée ne contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Ces différentes considérations de fait et de droit sont de nature à faire regarder la décision attaquée comme suffisamment motivée au regard des dispositions qui précèdent, la circonstance que la préfète ait, de manière erronée, mentionné que l'intéressé était célibataire sans charges de famille étant sans incidence sur la régularité de la motivation. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de fait doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, M. A... doit être regardé comme soutenant qu'il ne pouvait lui être opposée la circonstance qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision attaquée, dès lors qu'il n'a pu déposer une demande de titre de séjour en raison de l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous sur la plateforme internet dédiée de la préfecture ou d'accéder à ses locaux. Toutefois, d'une part, il ne produit aucun document de nature à établir l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous aux fins de déposer une demande de titre de séjour, que ce soit dans les locaux de la préfecture ou sur son site internet. D'autre part et en tout état de cause, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative prononce une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui, étant en situation irrégulière à la date de cette demande, se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1°, 2° ou 4° à 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète du Val-de-Marne pouvait légalement prendre à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 précité.

5. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français, de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ne prescrivent pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de mars 2019 et de ce qu'il y séjourne depuis lors avec son épouse et leurs deux enfants, nés en Chine respectivement le 7 septembre 2007 et le 10 novembre 2014 et qui sont scolarisés, et de ce qu'il travaille depuis plus de deux ans dans un restaurant et réside avec sa famille dans un logement personnel. Toutefois, l'intéressé ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 10 décembre 2019, après le rejet de sa demande d'asile, qu'il n'a pas exécutée, et s'être maintenu depuis cette date sur le territoire français en situation irrégulière. Par ailleurs, la circonstance que M. A..., dont l'entrée en France est récente, subvienne à ses besoins et maîtrise la langue française, à la supposer même établie, est en tout état de cause sans incidence au regard des stipulations précitées, dès lors notamment que son insertion sociale et professionnelle est dépourvue de stabilité et d'ancienneté sur le territoire. Enfin, à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où résident ses parents et ses deux sœurs et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans, ni à ce que son épouse, également en situation irrégulière, l'accompagne ou le rejoigne, avec leurs deux enfants, afin d'y reconstituer la cellule familiale, ni encore que ses enfants ne pourraient pas y bénéficier d'une scolarisation normale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

10. Le requérant ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, en date du 10 décembre 2019, à laquelle il s'est soustrait. Dans ces conditions et alors même que M. A... fait valoir qu'il justifie de l'intensité de ses liens personnels, familiaux et professionnels en France, la préfète de Seine-et-Marne, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, en conséquence, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. D'une part, l'arrêté attaqué portant, notamment, interdiction de retour sur le territoire français, comporte les considérations de droit et de fait qui fondent cette décision, et est, par suite, suffisamment motivé. Par ailleurs, cette motivation révèle la prise en compte par l'autorité préfectorale des critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la durée de l'interdiction de retour en litige.

13. D'autre part, M. A... ne démontre aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. En particulier et ainsi qu'il a été dit au point 7, sa présence en France depuis mars 2019, à la supposer même continue depuis cette date, est récente et il ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne sur le territoire. En outre, il ne fait état d'aucun obstacle sérieux à la reconstitution de sa vie privée et familiale dans son pays d'origine, la Chine, pays dont son épouse et ses enfants ont également la nationalité et où résident ses parents et ses sœurs. Par suite, en se fondant, notamment, sur les conditions irrégulières de son séjour en France, la préfète de Seine-et-Marne a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

P. MANTZLe président,

R. d'HAËMLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03104 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03104
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;22pa03104 ?
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