Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2200542 du 22 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 janvier 2022 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de quinze jours, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance par Mme B... n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Atger, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, à elle-même sur le seul fondement de l'article L. 761-1 précité.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable pour tardiveté ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet aurait dû mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par une ordonnance du 22 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2023 à 12h00.
Les parties ont été informées, par lettre du 8 septembre 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise.
Des mémoires en réponse à ce courrier ont été présentés le 8 septembre 2022, le 23 septembre 2022 et le 22 mai 2023 pour Mme B....
Un mémoire en réponse à ce courrier a été présenté le 22 septembre 2022 pour le préfet de police.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 26 novembre 1988, est entrée irrégulièrement en France et a présenté une demande d'asile le 8 octobre 2021. La consultation du fichier Eurodac ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées le 10 juillet 2021 par les autorités italiennes, le préfet a saisi ces autorités d'une demande de prise en charge le 20 octobre 2021. Cette demande a donné lieu à un accord implicite des autorités italiennes le 4 novembre 2021. Par un arrêté du 7 janvier 2022, le préfet de police a décidé de remettre Mme B... à ces autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement.
2. Il résulte de la combinaison des dispositions du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notamment de ses articles 7 et suivants, 26, 27 et 29, et des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de ses articles L. 572-1, L. 572-2 et L. 572-4 à L. 572-7, que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre une décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 de ce règlement, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel le préfet de police a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités italiennes est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Italie a implicitement donné son accord pour sa réadmission. Ce délai a été interrompu par la demande d'annulation introduite par l'intéressée contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris, le 10 janvier 2022. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter du 24 février 2022, date de la notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté du 7 janvier 2022. Par ailleurs, le préfet de police, qui indique, dans ses écritures et de manière erronée, que ce jugement a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision de transfert, fait valoir que l'intéressée, qui a été convoquée auprès des services de la préfecture aux dates du 31 mai 2022 et du 7 juin 2022 " aux fins d'exécution du transfert dont elle était l'objet " et qui ne s'est pas présentée à ces rendez-vous, a été déclarée en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, ce qui porte le délai de transfert à dix-huit mois. Toutefois, en premier lieu, si le préfet produit un document intitulé " convocation pour exécution de la mesure dont vous faites l'objet : arrêté de transfert vers Italie ", il ne produit aucun autre document ou accusé de réception de nature à établir que Mme B... a bien reçu ces convocations. En second lieu et à supposer même que Mme B... ait bien été informée de ces dernières en temps utile, la circonstance qu'elle ne se serait pas présentée aux rendez-vous fixés ne saurait suffire à démontrer qu'elle aurait été en fuite au sens de ces dispositions, alors que, d'une part, l'arrêté de transfert, qui a été annulé par le jugement du 22 février 2022, ne pouvait pas être exécuté aux dates des 31 mai et 7 juin 2022 et que, d'autre part, le préfet, qui n'allègue pas avoir procédé au réexamen de la situation de Mme B... dans le délai de quinze jours comme le lui enjoignait l'article 3 du jugement, n'a en tout état de cause pris aucun autre arrêté de transfert postérieurement au 24 février 2022, ni n'allègue avoir envisagé de le faire. Il s'ensuit que Mme B... ne pouvait pas être regardée en fuite et que le délai de six mois a donc expiré le 24 août 2022. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article 29, paragraphe 2, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'Italie a été libérée de son obligation de prise en charge de Mme B... et la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile à compter de cette date. Dès lors, la requête du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du 22 février 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 janvier 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de police.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.
Le rapporteur,
P. MANTZLe président,
R. d'HAËMLa greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA01421