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30/06/2023 | FRANCE | N°21PA06126

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 juin 2023, 21PA06126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en disponibilité à compter du 1er février 2019, d'enjoindre à cette même autorité, sous astreinte, de procéder à sa réintégration administrative sur un emploi de son grade pour la période du 1er février au 5 juillet 2019 et de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 17 480 euro

s au titre des préjudices subis.

Par un jugement n° 1905277 du 1er octobre 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en disponibilité à compter du 1er février 2019, d'enjoindre à cette même autorité, sous astreinte, de procéder à sa réintégration administrative sur un emploi de son grade pour la période du 1er février au 5 juillet 2019 et de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 17 480 euros au titre des préjudices subis.

Par un jugement n° 1905277 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au département de réexaminer la situation de Mme A... - Fabre dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et rejeté ses conclusions indemnitaires.

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er décembre 2021 et 5 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Viegas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905277 du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, ensemble l'arrêté attaqué ;

2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de procéder à sa réintégration administrative sur un emploi de son grade et de reconstituer sa carrière pour la période du 1er février au 5 juillet 2019 ;

3°) de condamner le département à réparer les préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2019 à hauteur d'une somme de 17 480 euros ;

4°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- faute d'avoir reçu une copie de la minute du jugement, il ne lui est pas possible de vérifier que l'obligation de signature, prévue à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, a été respectée ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté attaqué est illégal pour être rétroactif ;

- il a été adopté en méconnaissance des articles 72 et 67 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 13 janvier 1986 ;

- elle n'a pas refusé de propositions de poste qui lui auraient été faites par le département ;

- à supposer même qu'il n'ait pas existé d'emploi vacant sur lequel l'affecter, l'administration aurait dû la réintégrer en surnombre conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- elle a subi, du fait de l'illégalité de l'arrêté attaqué, un préjudice financier lié au coût de la médiation proposée par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil de 480 euros, une perte de salaires qui peut être évaluée à la somme de 14 000 euros et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en lui attribuant la somme de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2022, le département de la Seine - Saint - Denis, représenté par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens y soulevés sont infondés. Il demande également que Mme C... soit condamnée à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- les observations de Me Viegas pour Mme C...,

- et les observations de Me Potterie pour le département de la Seine-Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., attachée territoriale titulaire auprès du département de la Seine-Saint-Denis, a obtenu son placement en disponibilité pour convenance personnelle le 15 novembre 2017 et a prolongé cette disponibilité jusqu'au 31 janvier 2019. Alors que l'intéressée avait demandé, le 13 janvier 2019, sa réintégration, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis l'a, par arrêté du 19 février 2019, maintenue en disponibilité à compter du 1er février 2019. Ce n'est que par courrier du 21 juin 2019 que cette autorité l'a informée qu'elle serait réintégrée sur un poste de chargée des marchés publics à compter du 8 juillet 2019, avec reclassement à compter du 1er janvier 2019. Par un jugement du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 19 février 2019 au motif qu'il était entaché d'un défaut de motivation, enjoint au président du département de réexaminer la situation de Mme C... et rejeté les conclusions indemnitaires de cette dernière tendant à la condamnation du département à lui verser une somme de 17 480 euros en réparation des préjudices subis entre le 1er février et le 8 juillet 2019 du fait de l'illégalité de l'arrêté attaqué. Par sa requête, Mme C... doit être regardée comme demandant à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la réparation, à hauteur d'une somme de 17 480 euros, des préjudices résultant de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière. Ainsi, le moyen tiré de l'absence des signatures requises doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du motif par lequel le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme C... :

3. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, désormais repris aux articles L. 514-6 et L. 514-7 du code général de la fonction publique, de celles de l'article 26 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986, et du III de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, repris aux articles L. 542-13 et L. 542-22 du même code, d'une part, que le fonctionnaire territorial ayant bénéficié d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'être réintégré à l'issue de sa disponibilité, et que la collectivité est tenue de lui proposer l'un des trois premiers emplois devenus vacants, d'autre part, que si le fonctionnaire territorial n'a droit à sa réintégration à l'issue d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans qu'à l'occasion de l'une des trois premières vacances d'emploi, la collectivité doit néanmoins justifier son refus de réintégration sur les deux premières vacances par un motif tiré de l'intérêt du service et, enfin, que les propositions formulées par la collectivité en vue de satisfaire à son obligation de réintégration sur l'une des trois premières vacances d'emploi doivent être fermes et précises quant à la nature de l'emploi et la rémunération et, notamment, ne pas subordonner le recrutement à la réalisation de conditions soumises à l'appréciation de la collectivité.

4. Pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par Mme C..., le tribunal administratif de Montreuil a pris en compte la circonstance que le seul moyen d'annulation de l'arrêté attaqué qu'il a retenu était tiré de son insuffisante motivation, et a considéré que Mme C... avait refusé deux propositions de postes correspondant à son grade, ce dont il a déduit l'absence de lien de causalité entre la faute de l'administration et les préjudices financier et moral dont elle demandait la réparation.

5. Il ressort toutefois de l'examen du courriel du 17 janvier 2019, sur lequel le tribunal s'est fondé, que Mme C... s'y borne à faire savoir aux services du département qu'elle ne souhaitait pas candidater sur deux emplois dont les fiches de poste lui avaient été communiquées. Cette pièce ne permet pas d'établir que la simple diffusion à l'intéressée de fiches de poste, accompagnée d'une invitation à présenter sa candidature sans certitude pour elle d'être retenue à l'issue du processus de recrutement et ne peut être regardée comme de nature à établir que le département aurait fait à Mme C..., conformément aux principes rappelés au point 3, une offre ferme et précise d'emploi. Par ailleurs, le département, à qui incombe la charge de la preuve qu'il n'y aurait pas eu, à la date à laquelle prenait fin la disponibilité de la requérante, d'emploi vacant correspondant à son grade, ne la rapporte pas dans l'instance. Enfin, si le département se prévaut de ce que Mme C... aurait dû, conformément aux prescriptions de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986, demander sa réintégration trois mois au moins avant la fin de sa disponibilité, alors qu'elle n'a sollicité celle-ci que le 13 janvier 2019 en demandant le prolongement de sa disponibilité jusqu'au 31 janvier 2019, il ne résulte pas des dispositions dont il se prévaut que la méconnaissance de cette obligation délierait l'administration de son obligation de réintégrer le fonctionnaire sur l'un des trois premiers emplois correspondant à son grade. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil s'est fondé, pour rejeter ses conclusions indemnitaires, sur le motif tiré de l'absence de lien de causalité entre la faute de l'administration et les préjudices dont elle demandait la réparation.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. S'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil et la Cour, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que le département de la Seine-Saint-Denis n'a pas satisfait à son obligation de réintégrer la requérante sur l'une des trois premières vacances d'emploi est fondé et que, pour ce motif de légalité interne, différent de celui retenu par le tribunal, l'arrêté du 19 février 2019 est entaché d'illégalité.

7. En premier lieu, Mme C... demande à être indemnisée, à hauteur d'un montant de 14 000 euros, de la perte de revenus qu'elle a subie entre le 1er février et le 8 juillet 2019 du fait de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2019. Toutefois, le lien direct et certain entre cette perte de revenus et l'illégalité de l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme établi pour la période allant du 1er février au 13 avril 2019 dès lors que la requérante n'a demandé sa réintégration que le 13 janvier 2019 pour le 1er février suivant, alors que les dispositions de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 lui faisaient obligation de solliciter sa réintégration trois mois avant la fin de sa disponibilité. Par ailleurs, si elle soutient n'avoir pas touché l'aide au retour à l'emploi, il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle y était éligible, elle n'établit pas qu'elle en aurait sollicité le bénéfice, ni que le département aurait fait obstacle à ce qu'elle la perçoive. Par suite, Mme C... est seulement fondée à se prévaloir de son droit à être indemnisée de sa perte de revenus, pour la période allant du 13 avril au 8 juillet 2019, à hauteur d'une somme de 2 860 euros, correspondant à l'écart entre le dernier traitement servi par le département au mois de mars 2017 et le taux de remplacement du salaire par l'aide au retour à l'emploi pour le niveau de revenus de la requérante.

8. En deuxième lieu, Mme C... sollicite l'indemnisation des frais de médiation qu'elle a exposés, à hauteur d'un montant de 480 euros, dans le cadre de la médiation proposée par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil. Toutefois, de tels frais, qui résultent d'un engagement volontaire des participants, qui peuvent refuser la médiation, ne peuvent être regardés comme en lien direct avec l'illégalité du refus de réintégration. Sa demande présentée à ce titre doit, dès lors, être rejetée.

9. En troisième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de Mme C... résultant de l'illégalité de l'arrêté attaqué en lui octroyant une réparation d'un montant de 500 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Seine-Saint-Denis doit seulement être condamné à verser à Mme C... une somme 3 360 euros à raison des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2019 la maintenant en disponibilité pour la période du 1er février au 8 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Si Mme C... demande à ce que le département de la Seine-Saint-Denis soit enjoint de procéder à sa réintégration administrative sur un emploi de son grade et de reconstituer sa carrière pour la période du 1er février au 5 juillet 2019, de telles conclusions sont irrecevables du fait de l'intervention, le 10 juillet 2019, soit avant le dépôt de sa requête, d'un arrêté reclassant l'intéressée, à compter du 1er janvier 2019, au grade, à l'échelon et avec l'ancienneté qui étaient les siens lors de sa mise en disponibilité.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis, partie perdante dans l'instance, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros que lui demande le département de la Seine-Saint-Denis au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le département de la Seine-Saint-Denis est condamné à verser à

Mme C... une somme de 3 360 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2019.

Article 2 : Le jugement n° 1905277 du tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le département de la Seine-Saint-Denis versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06126
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;21pa06126 ?
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