Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire d'annuler la mise en demeure émise le 15 janvier 2016 par le comptable public du centre des finances publiques de Mâcon pour le paiement de la somme de 8 585,04 euros correspondant au solde d'un indu de revenu minimum d'insertion pour la période allant du 1er août 2007 au 31 mai 2009 et de la décharger du paiement de cette somme.
Par une décision du 2 mai 2017, la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire a rejeté cette demande.
Par une décision n° 170317 du 25 septembre 2018, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par Mme C... contre cette décision.
Par une décision n° 431067 du 18 novembre 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé la décision de la Commission centrale d'aide sociale et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires enregistrés les 18 juillet 2017, 9 avril 2018, 2 mai 2018 et 22 octobre 2018 devant la Commission centrale d'aide sociale, puis le 3 avril 2023 devant la cour administrative d'appel de Paris, Mme C..., représentée par Me Loiré, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire du 2 mai 2017 ;
2°) d'annuler la mise en demeure émise le 15 janvier 2016 par le comptable public du centre des finances publiques de Mâcon pour le paiement de la somme de 8 585,04 euros correspondant au solde d'un indu de revenu minimum d'insertion pour la période allant du 1er août 2007 au 31 mai 2009 ;
3°) d'annuler la décision du 7 mars 2016 par laquelle le payeur départemental de Saône-et-Loire a rejeté son recours gracieux ;
4°) de la décharger du paiement de la somme de 8 585,04 euros ;
5°) d'enjoindre au département de Saône-et-Loire de lui rembourser les sommes prélevées au titre de la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion ;
6°) de mettre à la charge du département de Saône-et-Loire la somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais été prévenue de la date de l'audience de la Commission départementale d'aide sociale ; la décision attaquée n'a donc pas été rendue de manière contradictoire ;
- l'action en remboursement de la créance est prescrite dès lors qu'elle n'a reçu la mise en demeure contestée du 15 janvier 2016 que près de sept ans après la notification de l'indu ; le titre exécutoire émis le 26 mai 2010 ne lui a jamais été notifié ;
- la prescription biennale est applicable dès lors qu'elle n'a pas frauduleusement et délibérément omis de déclarer des revenus ; en tout état de cause, la prescription quinquennale est acquise ;
- la créance n'est pas fondée dans la mesure où elle n'a jamais perçu, en 2007, 2008 et 2009, l'intégralité de la pension de réversion à laquelle elle avait droit ; elle n'a pas davantage perçu de loyers au titre du bien immobilier dont elle est propriétaire.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 18 octobre 2017 et 2 mai 2018 devant la Commission centrale d'aide sociale, le département de Saône-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de l'action sociale et des familles,
- le code général des collectivités territoriales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... percevait le revenu minimum d'insertion depuis le 4 avril 1989. En juin 2009, un agent assermenté des services de la caisse d'allocations familiales de Saône-et-Loire a mené un contrôle, au cours duquel il est apparu que l'intéressée était veuve et non célibataire depuis toujours, et qu'elle n'avait pas mentionné l'intégralité de ses revenus, ainsi que les biens immobiliers dont elle était propriétaire, sur ses déclarations trimestrielles de ressources. Le 26 août 2009, la caisse a décidé de récupérer à son encontre un indu de revenu minimum d'insertion pour la période allant d'août 2007 à mai 2009. Le 27 mai 2010, le département de Saône-et-Loire a émis un titre exécutoire pour le recouvrement de cet indu. Mme C... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire d'annuler la mise en demeure valant commandement de payer émise le 15 janvier 2016, sur le fondement du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, par le comptable public du centre des finances publiques de Mâcon pour le paiement de la somme de 8 585,04 euros, correspondant au solde de l'indu de revenu minimum d'insertion. Par une décision du 2 mai 2017, la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire a rejeté sa demande. Mme C... demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler cette décision, d'annuler la mise en demeure émise le 15 janvier 2016, d'annuler la décision du 7 mars 2016 par laquelle le payeur départemental de Saône-et-Loire a rejeté son recours gracieux, de la décharger du paiement de la somme de 8 585,04 euros et d'enjoindre au département de Saône-et-Loire de lui rembourser les sommes prélevées au titre de la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion.
Sur le bien-fondé de la décision de la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire du 2 mai 2017 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au moment du versement de l'allocation, l'action du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation de revenu minimum d'insertion " se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ". En outre, le point de départ de la prescription de l'action en récupération de l'indu devait être reporté à la date où l'administration avait eu connaissance de la fraude commise par l'allocataire. La loi du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription civile de droit commun pour prévoir, à l'article 2224 du code civil, que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du premier alinéa de l'article 2232 de ce code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ". Enfin, aux termes du II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".
4. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 26 août 2009, la caisse d'allocations familiales de Saône-et-Loire a notifié à Mme C... les motifs et le montant d'un indu de revenu minimum d'insertion, dont le remboursement lui était demandé au titre de la période allant d'août 2007 à mai 2009. Elle soutient qu'elle n'a ensuite reçu que la mise en demeure litigieuse, émise le 15 janvier 2016 par le comptable public du centre des finances publiques de Mâcon pour le paiement de la somme de 8 585,04 euros, en février 2016, et qu'elle n'a jamais reçu le titre exécutoire du 26 mai 2010 émis par le payeur départemental de Saône-et-Loire pour le remboursement de cette somme. Le département de Saône-et-Loire n'apporte pas la preuve en défense de la réception de ce titre, susceptible d'interrompre le délai de prescription, par Mme C.... Dans ces conditions, eu égard aux dispositions citées aux points 2 et 3, en admettant même le caractère frauduleux des déclarations de Mme C..., la créance dont le recouvrement était recherché par la mise en demeure litigieuse était prescrite à la date où cet acte a été notifié à la requérante.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée du 2 mai 2017, la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire a rejeté sa demande, et par suite à en demander l'annulation, ainsi que l'annulation de la mise en demeure émise le 15 janvier 2016 et de la décision du 7 mars 2016 par laquelle le payeur départemental de Saône-et-Loire a rejeté son recours gracieux. Pour les mêmes motifs, la créance prescrite n'étant plus exigible, Mme C... est fondée à demander à être déchargée du paiement de la somme de 8 585,04 euros.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement qu'il soit enjoint au département de Saône-et-Loire de rembourser à Mme C... les sommes prélevées au titre de la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Saône-et-Loire le versement de la somme de 1 000 euros à l'avocat de Mme C..., sous réserve de la renonciation de ce dernier au bénéfice de la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 2 mai 2017 de la commission départementale d'aide sociale de Saône-et-Loire ainsi que la mise en demeure émise le 15 janvier 2016 par le comptable public du centre des finances publiques de Mâcon pour le paiement de la somme de 8 585,04 euros, et la décision du 7 mars 2016 par laquelle le payeur départemental de Saône-et-Loire a rejeté le recours gracieux de Mme C..., sont annulées.
Article 2 : Mme C... est déchargée du paiement de la somme de 8 585,04 euros.
Article 3 : Il est enjoint au département de Saône-et-Loire de rembourser à Mme C... les sommes prélevées au titre de la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le département de Saône-et-Loire versera la somme de 1 000 euros à Me Loiré, avocat de Mme C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Isabelle Marion, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
La rapporteure,
G. A...La présidente,
M. D...Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01683