Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident.
Par un jugement n° 2204013 du 29 novembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier 2023 et 20 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Vannier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de résident dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est fondée sur l'arrêté interministériel du 30 avril 2021, qui méconnaît les objectifs de la directive du 25 novembre 2003 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Bingham, substituant Me Vannier, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 13 janvier 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer une carte de résident à Mme A..., ressortissante albanaise, née en 1984, au motif qu'elle ne remplit pas la condition de ressources prévue à l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A... fait appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a certes visé dans la décision attaquée les dispositions de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a toutefois pas explicité les raisons pour lesquelles il estimait que les ressources de Mme A... n'étaient pas suffisantes ni stables. Par suite, comme le soutient la requérante, la motivation en fait de sa décision n'était pas conforme aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement le réexamen de la situation de Mme A... et l'intervention d'une nouvelle décision. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante.
Sur les frais liés au litige :
Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2204013 du Tribunal administratif de Montreuil du 29 novembre 2022 et la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
C. JARDIN
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00407