Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2212198 du 4 novembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2022, M. B..., représenté par
Me Namigohar, demande à la Cour :
1°) d'enjoindre à l'administration de communiquer son entier dossier ;
2°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 juillet 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
6°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil n'a pas ordonné au préfet de la Seine-Saint-Denis la communication de son entier dossier administratif, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son droit à un procès équitable, protégé par les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-23 ainsi que celles du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles R. 613-6, R. 711-1, R. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B..., ressortissant tunisien, né en 1994, à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. B... fait appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... vit avec sa compagne de nationalité française depuis le 19 janvier 2021 et que celle-ci attend de lui, depuis le 11 novembre 2021, un enfant qu'il a reconnu par anticipation le 28 février 2022. Il ressort également des pièces du dossier que le couple vit avec un garçon né en 2018 d'une précédente union de la compagne de M. B... et que le requérant s'occupe de cet enfant qui est atteint de drépanocytose. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le père de M. B... séjourne régulièrement en France avec sa fille, également en situation régulière et atteinte de dystrophie musculaire, et que le requérant accompagne régulièrement sa sœur à ses rendez-vous médicaux nécessités par son état de santé. Ainsi, à la date à laquelle a été prise la décision d'obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucun mémoire en défense tant en appel comme en première instance, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cette décision pouvait avoir sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour par lesquelles le même préfet a refusé d'octroyer au requérant un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 juillet 2022 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français attaquée implique seulement que, d'une part, le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation du requérant et prenne une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et que, d'autre part, le même préfet lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. B....
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 613-7 de ce code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement ". Aux termes de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription / (...) ".
7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Par suite, il y a d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire procéder à cet effacement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2212198 du Tribunal administratif de Montreuil du 4 novembre 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 juillet 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... et prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
-M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
C. JARDIN
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05139 2