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28/06/2023 | FRANCE | N°22PA04931

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2023, 22PA04931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105844 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B...,

représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105844 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 17 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'une contradiction de motifs quant à la durée de sa présence en France ;

- la menace à l'ordre public qui lui est reprochée n'est pas caractérisée ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observation en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B..., ressortissant tunisienne né le 28 août 1985, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève régulièrement appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté attaqué qui vise les dispositions légales dont il est fait application, notamment les stipulations des articles 3, 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien, précise les éléments de fait se rapportant à la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé. D'une part, le préfet a relevé que si M. B... est marié à une compatriote titulaire d'une carte de résident et père de deux enfants nés en France, il ne justifie pas l'ancienneté de sa résidence habituelle en France. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, si, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, le préfet n'avait toutefois pas à viser ou motiver spécifiquement la décision litigieuse au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant. D'autre part, le préfet a retenu qu'en l'absence de production d'un contrat de travail visé exigé par la réglementation en vigueur et d'un certificat médical obligatoire, M. B... ne pouvait se prévaloir d'un titre de séjour en qualité de salarié. A ce titre, l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ne saurait résulter de la seule mention erronée de l'activité professionnelle que M. B... entendait exercée. Enfin, le préfet a également retenu l'absence de motifs exceptionnels susceptibles de prendre une mesure de régularisation à titre discrétionnaire. Ainsi, cet arrêté qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation familiale et professionnelle de M. B... au regard de l'ensemble des éléments énoncés au point précédent. En particulier, l'erreur commise sur l'emploi auquel il postulait n'a pu avoir d'incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur sa demande de titre de séjour en qualité de salarié dès lors qu'il ne justifiait pas remplir les conditions prévues par l'article 3 de l'accord-franco-tunisien.

5. En troisième lieu, M. B... ne démontre pas l'ancienneté de sa résidence habituelle en France au cours des années 2014 à 2017, même si sa présence ponctuelle peut être tenue pour établie, compte tenu du caractère peu diversifié des pièces produites à l'instance et constituées pour l'essentiel de bulletins de salaire couvrant des périodes d'activité de cinq mois en 2016 et de quatre mois en 2017, d'avis d'imposition au titre de ces deux années établis en 2019, d'une facture d'énergie et de quelques courriers bancaires ou de l'assurance maladie. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu retenir, sans commettre d'erreur de fait ou entacher sa décision d'une contradiction dans ses motifs, que si M. B... était entré en France au mois de juillet 2014, il ne justifiait pas de sa résidence habituelle sur le territoire depuis cette période.

6. En quatrième lieu, le préfet a retenu que la présence en France de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public, compte tenu, d'une part, de sa condamnation à une amende de 400 euros prononcée le 10 novembre 2016 par le tribunal correctionnel de Bobigny pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, d'autre part, de plusieurs infractions routières commises en 2016 et 2017 et, enfin, d'un dépôt de plainte mensongère en 2017. Si la condamnation de M. B... ressort du bulletin numéro 2 produit à l'instance, aucun des autres faits qui lui sont reprochés ne sont établis, en l'absence de toute pièce justificative. Par suite, cette seule condamnation n'est pas de nature à caractériser le caractère actuel d'une menace à l'ordre public que constituerait la présence en France de l'intéressé. Toutefois, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision de refus de délivrance d'un titre de séjour s'il s'était fondé sur les seuls motifs tirés de ce que M. B... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ou en qualité de salarié sur le fondement des articles 3 et 7 quater de l'accord franco-tunisien ou encore dans le cadre d'une mesure de régularisation à titre exceptionnel.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si M. B... fait valoir que sa femme réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour valable jusqu'en 2029 et que ses deux enfants sont eux-mêmes nés en France en 2015 et 2020, l'aîné étant scolarisé, il ne justifie par aucune pièce antérieure à l'année de son mariage en 2020, l'effectivité de la communauté de vie dont il se prévaut. Il ne démontre pas que sa vie familiale ne pourrait se reconstituer à l'étranger notamment en Tunisie, pays dont sa femme possède également la nationalité et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente ans. Il n'établit pas davantage que ses enfants ne pourraient poursuivre ou débuter leur scolarité dans un autre pays que la France. Par ailleurs, l'ancienneté de sa résidence habituelle sur le territoire au titre des années 2014 à 2017 n'est pas démontrée ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt. La circonstance qu'il ait exercé périodiquement des emplois de couvreur, de chauffeur ou encore d'assistant administratif entre 2016 et 2019 et dispose de promesses d'embauche pour occuper des postes de même nature, ne suffit pas à caractériser une insertion

socio-professionnelle particulière suffisamment stable et ancienne. Dans ces conditions, M. B... ne démontre pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi en France. Par suite, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage méconnu l'article 3-1 de la convention

de New-York.

9. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 juin 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04931
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;22pa04931 ?
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