Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées à associé unique (SASU) Garraud-Maillet a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision d'injonction en date du 8 avril 2021, prise par le directeur départemental de la protection des populations de Paris, en tant qu'elle lui demande de mettre fin à la facturation à ses clients des frais de réalisation du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs (DUERSST).
Par un jugement n° 2112201 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2022, la SASU Garraud-Maillet, représentée par Me Jobelot, demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 8 avril 2021 du directeur départemental de la protection des populations de Paris en tant qu'elle enjoint la cessation de la facturation du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs pour les employés d'immeuble (DUERSST) ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de saisine préalable de la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières visée à l'article 13-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en l'absence de distinction entre honoraires du syndic et rémunérations d'un prestataire tiers ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-7 du code de la consommation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence de distinction entre les notions de réalisation et de mise en place du DUERSST.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SASU Garraud-Maillet ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée le 30 septembre 2022 à la direction départementale de la protection des populations qui n'a produit aucune observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la consommation ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;
- le décret n° 2019-298 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Drouet, représentant la SASU Garraud-Maillet.
Considérant ce qui suit :
1. L'activité de syndic de copropriétés de la SASU Garraud-Maillet a fait l'objet d'un contrôle de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). A l'issue d'une procédure contradictoire, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Paris lui a enjoint, par une décision du 8 avril 2011, de se conformer à ses obligations légales notamment en cessant de facturer à certains syndicats de copropriété la réalisation du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs (DUERSST) pour les employés des immeubles. La société Garraud-Maillet relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la consommation : " Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées à la présente section dans les conditions définies par celles-ci. ". L'article L. 511-7 du même code dispose que : " Les agents sont habilités à rechercher et à constater les infractions ou les manquements aux dispositions : / (...) 16° De l'article 18-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : (...) / 9° L'exercice des fonctions de syndic de copropriété dans le cadre de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. (...) ". L'article 8-3 de cette loi dispose que : " I. - Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières mentionné à l'article 13-1 de la présente loi transmet à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation toute information relative à des infractions ou manquements mentionnés aux articles L. 511-5 à L. 511-7 du code de la consommation susceptibles d'être imputables à des personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi. / II. - Les personnes mentionnées au même article 1er sont soumises à des contrôles menés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l'article L. 511-7 du même code. ". Enfin, aux termes de l'article 13-3 de ladite loi : " Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières comprend une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières qui instruit les cas de pratiques abusives portées à la connaissance du conseil. / La commission adresse son rapport pour avis au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières. Le président du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières propose à la délibération du conseil la transmission du rapport à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation conformément aux dispositions de l'article 8-3. (...) ".
3. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 511-3 du code de la consommation et des articles 1er et 8-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 que le contrôle de l'activité des syndics de copropriété relève de la compétence propre des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, sans préjudice de l'obligation faite au conseil national de la transaction et de la gestion immobilières de transmettre à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation toute information relative à des infractions ou manquements qui auraient été portés à sa connaissance. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SASU Garraud-Maillet, les dispositions de l'article 13-3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 n'ont pas pour effet de conditionner le déclenchement d'un contrôle de la DGCCRF à une saisine préalable du conseil national de la transaction et de la gestion immobilières et à l'instruction des pratiques abusives portées à sa connaissance par la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ainsi que l'ont retenu à bon droit les juges de première instance au point 5 de leur jugement.
4. En second lieu, aux termes de l'article 18-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis : " I. - La rémunération du syndic, pour les prestations qu'il fournit au titre de sa mission, est déterminée de manière forfaitaire. Toutefois, une rémunération spécifique complémentaire peut être perçue à l'occasion de prestations particulières de syndic qui ne relèvent pas de la gestion courante et qui sont définies par décret en Conseil d'État. (...) Tout contrat ou projet de contrat relatif à l'exercice de la mission de syndic respecte un contrat type défini par décret en Conseil d'Etat. Le projet de contrat est accompagné d'une fiche d'information sur le prix et les prestations proposées par le syndic selon un modèle fixé par arrêté (...) ". Aux termes de l'article 29 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 : " Le contrat type de syndic prévu au troisième alinéa de l'article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée est celui figurant en annexe 1 du présent décret. (...) / La liste limitative des prestations particulières pouvant donner lieu à versement au profit du syndic d'une rémunération spécifique complémentaire conformément à l'alinéa 1 de l'article 18-1 A de la même loi figure en annexe 2 du présent décret. ". Enfin, le point VI-26° de l'annexe 1 au décret du 17 mars 1967, non limitative, mentionne, parmi les prestations obligatoirement incluses dans le forfait, la " Mise en place et mise à jour du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. ". L'annexe 2 au décret du 17 mars 1967, portant liste limitative des prestations particulières pouvant donner lieu au versement d'une rémunération spécifique complémentaire, ne prévoit aucun versement spécifique complémentaire relatif à l'établissement du DUERSST.
5. Il résulte de ces dispositions que les frais de mise en place du document unique d'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs relèvent de la rémunération forfaitaire du syndic et ne peuvent donner lieu au versement d'une rémunération spécifique complémentaire. Eu égard à leur objet, qui est de préciser la liste des prestations dont le coût est obligatoirement inclus dans le forfait facturé par le syndic, les dispositions précitées de l'annexe 1 ne sauraient être interprétées comme limitant les frais de gestion courante à la seule mission de vérification par le syndic de l'existence d'un document unique, mais doivent être comprises comme incluant au contraire les frais de réalisation de ce document dans le forfait, sans qu'ait d'incidence la circonstance que son élaboration serait confiée à un prestataire extérieur. Contrairement à ce que soutient la SASU Garraud-Maillet, l'établissement de ce document figure au nombre des prestations qu'il est tenu de fournir au titre de sa mission en matière de gestion du personnel dans le cadre du contrat type donnant lieu à une rémunération forfaitaire et ne relève pas de la compétence du syndicat de copropriétaires qu'il représente légalement. En l'espèce, il est constant que l'établissement de ce document a été délégué à un prestataire extérieur, la société Quality Concept et que la facturation de cette prestation a été mise à la charge des syndicats de copropriétés. Il appartenait toutefois à la seule société Garraud-Maillet de prendre en charge les frais inhérents à la réalisation de ce document, quand bien même elle avait décidé de déléguer cette prestation et n'aurait pas émis de facturation en son nom propre. Par suite, les inspecteurs de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, habilités par l'article L. 511-7 précité du code de la consommation à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions de l'article 18-1 A de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ont pu légalement relever, au regard des conditions de rémunération de ses prestations, que la SASU Garraud-Maillet avait commis un manquement aux règles de rémunération forfaitaire des syndics. La SASU
Garraud-Maillet n'est donc pas fondée à soutenir que la direction départementale de la protection des populations de Paris aurait entaché la décision litigieuse d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-7 du code de la consommation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Garraud-Maillet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SASU Garraud-Maillet est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Garraud-Maillet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur départemental de la protection des populations de Paris.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de la chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 juin 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03962