Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, l'acte par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a émis le 1er juillet 2020 un avis défavorable sur sa demande de renouvellement d'affectation et, d'autre part, la décision dite de " départ définitif " prise à son égard par le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie le 9 octobre 2020.
Par un jugement n°s 2000248, 2000375 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes, après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2021 et le 12 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Philippon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 200248, 200375 du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler l'acte par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a émis le 1er juillet 2020 un avis défavorable sur sa demande de renouvellement d'affectation ainsi que la décision dite de " départ définitif " prise à son égard par le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie le 9 octobre 2020 ;
2°) de mettre à la charge du vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'être revêtu de la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont à tort rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre l'acte par lequel le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a émis le 1er juillet 2020 un avis défavorable sur sa demande de renouvellement d'affectation, qui lui fait grief ;
- la décision de " départ définitif ", en tant qu'elle refuse le renouvellement de son affectation en Nouvelle-Calédonie, est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise pour des motifs discriminatoires liés à ses origines et son activité syndicale ;
- elle constitue une sanction déguisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2022, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions dirigées contre la décision de départ définitif du 9 octobre 2020 sont irrecevables dès lors que cette décision ne fait pas grief ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Le Défenseur des droits a, en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, présenté des observations enregistrées le 25 mars 2022.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en tant qu'il n'a pas regardé les conclusions de la
requête n° 2000248 comme dirigées contre la décision implicite du ministre de l'éducation
nationale rejetant la demande de renouvellement de mise à disposition de M. A....
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2023, M. A... conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Il soutient que le moyen tiré de ce que le Tribunal aurait dû regarder les conclusions de la requête n° 2000248 comme dirigées contre la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant sa demande de renouvellement de mise à disposition doit être accueilli.
Par un mémoire enregistré le 20 avril 2023 le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Il soutient que :
- le Tribunal n'a commis aucune irrégularité en ne regardant pas les conclusions de la requête n° 2000248 de M. A... comme dirigées contre la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant sa demande de renouvellement de sa mise à disposition ;
- en tout état de cause la Cour ne peut relever d'office une telle irrégularité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 ;
- le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Philippon pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur de lycée professionnel hors classe de lettres-histoire en fonction dans l'académie de Guyane, a été mis à disposition de la Nouvelle-Calédonie à compter du 15 février 2019 pour une durée de deux ans par un arrêté du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 23 novembre 2018, et affecté au lycée Williama Haudra à Lifou par un arrêté du vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie du 7 décembre 2018. Alors que M. A... avait sollicité, le 20 mars 2020, le renouvellement de son affectation, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie, par un courrier du 1er juillet 2020, l'a informé avoir émis un avis défavorable à sa demande. Puis, par une décision dite de " départ définitif " intervenue le 9 octobre 2020, le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie a arrêté les droits de M. A... à congé administratif, aux frais de changement de résidence et à l'indemnité d'éloignement, en vue de sa future remise à disposition de l'académie de Guyane à compter du 20 décembre 2020. Enfin, par un arrêté du 3 novembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a réintégré M. A..., à l'issue de son premier séjour, dans l'académie de Guyane à compter du 20 décembre 2020, date du début de son congé administratif. M. A... a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de deux requêtes dirigées contre l'avis défavorable du 1er juillet 2020 et la décision de " départ définitif " du 9 octobre 2020 pris par le vice-recteur. Il fait appel du jugement ayant rejeté, après les avois jointes, ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le stipule l'article 8 de la convention conclue le 18 octobre 2011 entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, portant sur la mise à disposition globale et gratuite des personnels rémunérés sur le budget de l'Etat au titre de l'exercice des compétences en matière d'enseignement du second degré public, la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat soumis à une durée de séjour limitée, tels que les professeurs de lycée professionnel, relève de la compétence du ministre de l'Éducation nationale, qui n'est pas lié par l'avis émis par le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie. Il en résulte, que le ministre de l'éducation nationale, à qui la demande présentée par M. A... le 20 mars 2020 est réputée avoir été transmise, a implicitement refusé de renouveler sa mise à disposition, faute de réponse dans un délai de deux mois suivant la réception de cette demande, décision sur l'existence de laquelle l'intéressé n'a reçu aucune information et qui lui a été révélée par les actes à l'origine des demandes de première instance, ne la visant même pas et étant susceptibles de l'induire en erreur sur l'identité de l'auteur du refus de renouveler sa mise à disposition. Dans ces conditions, les deux requêtes de M. A... devaient être regardées, compte tenu de leurs termes ainsi que de ceux de son recours gracieux présentés au vice-recteur le 30 juin 2020, comme tendant à l'annulation de cette décision implicite de refus.
3. Par suite en rejetant comme irrecevable, car dirigée contre un avis ne faisant pas grief, la requête de M. A... qu'il a regardée comme dirigée contre le courrier du Vice-recteur du 1er juillet 2020, et en considérant que M. A... demandait l'annulation de la décision de départ définitif prise par le vice-recteur en tant qu'elle fixe les conditions de son départ de Nouvelle-Calédonie, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, auquel il incombait d'interpréter les demandes de M. A... pour leur donner un effet utile et respecter ainsi son droit à un recours effectif, a méconnu son office, ce qu'il appartient à la Cour de relever d'office, entachant son jugement d'irrégularité.
4. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement sur les demandes de M. A... par la voie de l'évocation.
Sur le fond du litige :
5. Il ressort des pièces du dossier que le refus de renouvellement de la mise à disposition de M. A..., qui a fait l'objet de rapports d'inspection élogieux en ce qui concerne la conduite de ses enseignements, a pour motif le conflit opposant celui-ci à son chef d'établissement, qui a établi un rapport mentionnant des difficultés d'adaptation au contexte néo-calédonien, un refus d'assumer des fonctions de coordination sans compensation financière, ainsi qu'une altercation, en dehors du service, avec des membres d'une tribu. Il ressort toutefois des attestations des collègues de M. A..., comme des éléments portés à la connaissance de la Cour par le Défenseur de droits ainsi que des pièces de la procédure pénale à laquelle M. A... est partie en qualité de victime d'une agression à caractère raciste, que les griefs énoncés à son encontre par son chef d'établissement ne sont pas fondés, que la manière de servir de M. A... est exempte de reproches, les attestations d'élèves que sa hiérarchie a cru devoir faire établir étant à cet égard dénuées de tout pertinence, et que la décision de non renouvellement de sa mise à disposition prise implicitement par le ministre de l'éducation nationale ne répond, dans les circonstances de l'espèce, à aucun intérêt du service. Par suite M. A... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite refusant de renouveler sa mise à disposition de la Nouvelle-Calédonie.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 2000248, 2000375 du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La décision implicite du ministre de l'éducation nationale refusant de renouveler la mise à disposition de M. A... auprès de la Nouvelle-Calédonie est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'éducation nationale et de la Jeunesse, au Défenseur des droits et au Vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03366