Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2214374/3-2 du 13 octobre 2022 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa requête, en annulant l'arrêté du préfet de police du 1er juin 2022 et en enjoignant à ce dernier de délivrer à M. A... un titre de séjour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 novembre 2022, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2214374/3-2 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas non plus méconnu l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé ne démontrant pas qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- il reprend ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Lerein, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2022 du préfet de police, et à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 18 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Lerein, demande qu'il soit ordonné l'exécution du jugement n° 2214374/3-2 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris.
Par un mémoire enregistré le 14 février 2023, le préfet de police informe la Cour que l'injonction qui lui a été faite par le jugement attaqué est en cours d'exécution.
Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2023, M. A..., représenté par Me Lerein, confirme sa demande d'exécution du jugement n° 2214374/3-2 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris et demande qu'une astreinte soit fixée à hauteur de 50 euros par jour.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lapouzade a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né en 1975, entré en France en février 2013 selon ses déclarations, a sollicité, le 28 octobre 2021 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2022, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 13 octobre 2022 le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 1er juin 2022 du préfet de police et enjoint à ce dernier de délivrer un titre de séjour à M. A..., et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de police fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé de l'annulation prononcée par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Les premiers juges ont annulé la décision contestée au motif que le préfet de police avait porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui séjourne régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour qui lui a été délivré à compter d'avril 2018 en qualité d'étranger malade, a conclu un pacte civil de solidarité en juillet 2015 avec une ressortissante ivoirienne et qu'ils ont eu ensemble un enfant né par procréation médicalement assistée le 28 février 2018 à Paris. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant est de nationalité française compte tenu de ce que sa mère a été naturalisée française en décembre 2018. A la suite de la rupture du couple en 2018, et en vertu de deux jugements du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris des 17 octobre 2018 et du 27 janvier 2021, les modalités de la garde de leur enfant ont été déterminées, M. A... exerçant conjointement avec la mère de l'enfant l'autorité parentale, et bénéficiant d'un droit de visite auprès de celui-ci limité au samedi, alors que la résidence était fixée chez sa mère. Un dernier jugement du 30 septembre 2021, produit au dossier, a élargi son droit de visite, comme M. A... le sollicitait, pour qu'il soit également un droit d'hébergement, fixé à une fin de semaine sur deux, la moitié des petites vacances scolaires et deux semaines l'été, et l'a jugé apte à prendre en charge son enfant. Ce jugement a fixé la contribution de M. A... à l'entretien et à l'éducation de son enfant à 60 euros par mois compte tenu de ses revenus. Il ressort des pièces du dossier, notamment de ce dernier jugement, que M. A... a exercé ses droits parentaux, sauf lorsqu'il en était empêché pour raison de santé. L'intéressé établit également le lien avec son fils par les nombreuses photographies qu'il a versées au dossier. Il établit également verser la contribution à l'entretien de son enfant qui lui a été fixée par ce jugement. Compte tenu de ces liens et de ce que son fils est français et scolarisé en France, le refus de titre de séjour du préfet de police a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Le préfet de police n'est par conséquent pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 1er juin 2022 pour ce motif.
Sur la demande d'exécution du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. (...) ". L'article R. 921-2 du même code précise : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. (...) ". Aux termes de l'article R. 921-6 de ce même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...). ".
7. Le présent arrêt rejette la requête d'appel du préfet de police contre le jugement qui a accueilli les conclusions à fin d'injonction de M. A..., et lui a donc enjoint de délivrer à ce dernier un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement du 13 octobre 2022.
8. M. A... a saisi la Cour d'une demande d'exécution du jugement attaqué et sollicite qu'une astreinte de 50 euros par jour soit prononcée. Toutefois, aucune procédure d'exécution juridictionnelle n'a encore été ouverte par le président de la Cour en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Ces conclusions sont donc irrecevables dans la présente instance.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Lerein, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Lerein renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... à fin d'exécution du jugement et tendant à ce qu'une astreinte de 50 euros par jour soit prononcée sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A..., Me Lerein, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
Le président-rapporteur,
J. LAPOUZADELe président-assesseur,
S. DIEMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04776