Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2107743 du 6 octobre 2022 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Andrivet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, le préfet s'étant crû lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- il méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, compte tenu de ce qu'il ne peut avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; en outre il ne peut voyager sans risque vers ce pays ;
- il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité, se fondant sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'illégalité, se fondant sur un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'illégalité, se fondant sur un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Lapouzade a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né en 1992, entré en France le 16 août 2019, a sollicité, le 12 octobre 2020, la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté auprès du tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement du 6 octobre 2022, dont il fait appel, ce tribunal a rejeté sa requête.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien, applicable aux ressortissants algériens qui demandent la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. En premier lieu, l'avis émis le 4 mars 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) précise que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il peut bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine. Si dans son arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a mentionné les termes de cet avis, dont il s'est approprié la teneur, il a également précisé : " qu'en outre M. A... n'a pas allégué de circonstances exceptionnelles empêchant son accès aux soins dans son pays " et a donc pris en considération l'ensemble des éléments qui lui ont été présentés, pour apprécier si l'état de santé de l'intéressé répondait aux conditions fixées par l'article 6 -7° de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a donc pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ou d'un défaut de motivation.
4. En deuxième lieu, M. A... soutient que le traitement de la schizophrénie paranoïde dont il est atteint n'est pas disponible en Algérie. Il ressort des pièces du dossier qu'il suit en France un traitement composé de deux médicaments, pour lequel aucune pièce au dossier ne démontre qu'il ne serait pas disponible en Algérie. Si le psychiatre qui l'a suivi en Algérie a indiqué qu'il pouvait bénéficier en France de molécules neuroleptiques nouvelles inexistantes en Algérie, compte tenu d'une résistance aux médicaments prescrits en Algérie, en l'absence de toute précision supplémentaire, ce certificat n'est pas suffisamment probant. Si ce même médecin a également indiqué que le traitement par électrochocs n'était pas disponible en Algérie, il ne ressort toutefois pas des certificats médicaux produits par l'intéressé et en particulier de ceux de la psychiatre qui le suit à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, dont le certificat du 29 novembre 2022, que si un tel traitement a été pratiqué à partir d'août 2019 jusqu'en janvier 2020, lors des hospitalisations de M. A..., il en ait actuellement encore besoin, quand bien même ce médecin signale qu'en cas de rechute son état pourrait nécessiter d'autres séances. En outre M. A... indique lui-même dans ses écritures que "ce dispositif n'est pas largement pratiqué dans les centres hospitaliers en Algérie", mais n'allègue pas qu'il y serait inexistant. Si M. A..., soutient que la rupture de suivi thérapeutique avec son médecin qui le suit au centre médico-psychologique de l'hôpital Paul Guiraud à Clamart lui serait préjudiciable, rien ne démontre au dossier, alors au demeurant que ce suivi était récent à la date de la décision contestée, n'ayant été effectif qu'à compter d'octobre 2020, qu'il ne pourrait tisser une nouvelle relation de confiance avec un psychiatre en Algérie où d'ailleurs il a déjà été suivi. De même, si ce médecin fait état de ce qu'il a besoin de l'entourage de sa mère, rien n'atteste au dossier de ce qu'elle ne pourrait le suivre en Algérie. Enfin, si M. A... soutient que l'avis du collège des médecins de l'OFII est erroné en ce qui concerne la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, compte tenu de ce qu'il souffre d'apragmatisme, comme l'atteste un certificat médical du 28 octobre 2022 du psychiatre qui le suit, cette seule pièce ne démontre pas que ce symptôme l'empêcherait d'entreprendre tout voyage réalisé dans des conditions adéquates, notamment s'il était accompagné pour cela. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. A... ne permettent pas d'établir que, contrairement à l'appréciation portée sur ce point par le collège de médecins de l'OFII, il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard de son état de santé, ni que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est également délivré de plein droit: " (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée du 30 avril 2021, le séjour de M. A..., qui n'est arrivé qu'en août 2019 en France, était récent. Il ressort des écritures de l'intéressé qu'il est hébergé chez un ami de sa famille, et s'il fait valoir qu'il a besoin de la présence de sa mère qui s'occupe de lui, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dehors du certificat du médecin qui le suit au centre médico-psychologique de l'hôpital Paul Guiraud à Clamart en date du 13 mai 2022, lequel mentionne que cette dernière s'occupe depuis 2019 de son fils pour ses soins, qu'elle serait établie de manière permanente en France, ni à quelle fréquence elle prendrait effectivement en charge son fils. M. A... ne produit pas d'éléments justifiant de son intégration en France, et ne fait pas état de relations sociales qu'il aurait constituées. Il n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, même si certains membres de sa famille vivent à l'étranger. Dans ces conditions, la décision contestée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En outre la circonstance qu'il ne menace pas l'ordre public est sans influence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
9. Comme il a été dit plus haut, M. A... ne justifie pas d'un état de santé nécessitant la poursuite d'une prise en charge médicale en France, et ne démontre pas qu'il ne pourrait avoir accès aux soins en Algérie. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, en prenant la décision litigieuse, n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième lieu, comme il a déjà été exposé, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le délai de départ volontaire et tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
En ce qui concerne le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
14. M. A... n'établissant pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, il n'est pas fondé à invoquer les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation doivent également être rejetées, de même que celles visant à mettre à la charge de l'État le versement de frais irrépétibles.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
Le président rapporteur,
J. LAPOUZADELe président-assesseur,
S. DIEMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04762