Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et M. H... C... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 2 octobre 2020 par laquelle l'établissement public foncier d'Île-de-France a décidé de préempter un bien immobilier situé 28 avenue Henri Barbusse, au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Par un jugement n° 2012830 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2022, Mme A... C... et M. H... C..., représentés par Me Ramdenie, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2012830 du 28 avril 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 2 octobre 2020 du directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier d'Île-de-France la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision a été prise par une personne incompétente pour ce faire, dès lors que la délibération du 8 octobre 2015 portant délégation du droit de préemption au directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France n'était pas exécutoire ;
- la notification de la décision est tardive dès lors que :
. il n'est pas établi que le délai de notification avait été suspendu, faute pour la demande de pièces complémentaires et la demande de visite d'avoir été reçues par les propriétaires ;
. elle ne leur a été faite que postérieurement au délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la réalité du projet n'est pas établie ;
- l'opération projetée ne présente pas d'intérêt général.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2022, l'établissement public foncier d'Île-de-France, représenté par Me Salaün, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme et M. C... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme B... et à M. G... qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Bourdin substituant Me Ramdenie, représentant Mme et M. C...,
- et les observations de Me Salaün, représentant l'établissement public foncier d'Île-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 2 octobre 2020, l'établissement public foncier d'Île-de-France a préempté un bien immobilier situé 28 avenue Henri Barbusse au Blanc-Mesnil. M. et Mme C..., propriétaires de ce bien, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision. Ils relèvent appel du jugement du 28 avril 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, si les requérants soutiennent qu'il n'est pas établi que la délibération du conseil d'administration de l'établissement public foncier d'Île-de-France du 8 octobre 2015 portant délégation du droit de préemption à son directeur général avait fait l'objet d'une publication, il ressort des pièces du dossier que cette délibération a été publiée au recueil des actes administratifs du 30 novembre 2015 sous le numéro 2015288-0037 et qu'en tout état de cause, par une délibération n° A19-2-3 du 20 juin 2019 publiée au recueil, le conseil d'administration de l'établissement public foncier d'Île-de-France a approuvé les modifications du règlement intérieur dont l'article 14 permet au directeur général d'exercer le droit de préemption.
3. En deuxième lieu, aux termes des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...) La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien (...) ".
4. Aux termes de l'article 664-1 du code de procédure civile : " La date de la signification d'un acte d'huissier de justice, sous réserve de l'article 647-1, est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l'article 659, celle de l'établissement du procès-verbal. La date et l'heure de la signification par voie électronique sont celles de l'envoi de l'acte à son destinataire ". Aux termes de l'article 647-1 du même code : " La date de notification, y compris lorsqu'elle doit être faite dans un délai déterminé, d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu'à l'étranger est, à l'égard de celui qui y procède, la date d'expédition de l'acte par l'huissier de justice ou le greffe ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent ". Aux termes de l'article 687-2 du même code : " La date de notification d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l'étranger est, sans préjudice des dispositions de l'article 687-1, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date à laquelle l'acte lui est remis ou valablement notifié ".
5. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois, éventuellement prorogé dans les conditions mentionnées ci-dessus, imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption. S'agissant de la notification par voie d'huissier d'un acte à une personne résidant à l'étranger, celle-ci est réputée accomplie, ainsi que le dispose l'article 647-1 du code de procédure civile, à l'égard du destinataire, à la date à laquelle cet acte lui est remis, et à l'égard de celui qui y procède, à la date d'expédition.
6. Les requérants soutiennent que le délai n'était pas suspendu faute pour eux d'avoir reçu une demande de pièces complémentaires et qu'en tout état de cause, la notification de la décision ne leur a pas été faite dans le délai de deux mois prévu par les dispositions contestées.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner le bien en cause a été réceptionnée par la mairie du Blanc-Mesnil le 20 juillet 2020, que par un courrier daté du 25 août 2020, le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a sollicité la communication de pièces complémentaires ainsi qu'une visite du bien et que M. et Mme C... ont répondu à ces demandes, par deux courriers électroniques du 2 septembre puis du 8 septembre 2020 dans lesquels, après avoir confirmé avoir reçu ces demandes le 1er septembre, ils déclarent s'opposer à la demande de visite et précisent que les documents demandés ont été transmis par l'intermédiaire des notaires. Il résulte de ce qui précède que le délai de préemption avait été suspendu et avait recommencé à courir pour expirer le 8 octobre 2020 soit postérieurement à la date de la décision.
8. D'autre part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si la décision de préemption contestée du 2 octobre 2020 a été signifiée par voie d'huissier à M. C..., seul propriétaire mentionné par la déclaration d'intention d'aliéner, qui réside au Luxembourg, le 20 octobre 2020, cette notification à l'étranger était toutefois réputée accomplie, à l'égard de l'auteur de la préemption, à la date d'expédition de l'acte ainsi que le prévoit l'article 647-1 du code de procédure civile, soit en l'espèce le 7 octobre 2020. Il en résulte que la décision avait été notifiée dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées.
9. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". L'article L. 210-1 du même code dans sa version alors en vigueur dispose que : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l'Etat peut déléguer ce droit à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant conclu une convention mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 301-5-1 du même code, au II de l'article L. 5217-2, au II de l'article L. 5218-2 ou au VI de l'article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, à la métropole de Lyon ayant conclu une convention mentionnée à l'article L. 3641-5 du même code, à un établissement public foncier créé en application des articles L. 321-1 ou L. 324-1 du présent code, à l'office foncier de la Corse mentionné à l'article L. 4424-26-1 du code général des collectivités territoriales, à une société d'économie mixte agréée mentionnée à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation, à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article L. 411-2 du même code ou à un des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-2 dudit code. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ".
10. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
11. D'une part, la décision contestée mentionne précisément que l'acquisition du bien permettra de développer une opération de 26 logements avec des commerces en rez-de-chaussée pour une surface de plancher totale de 1 900 m2 après remembrement avec les parcelles voisines. Elle est ainsi suffisamment motivée.
12. D'autre part, outre que le diagnostic foncier de mai 2020 identifie des secteurs potentiels, dont le secteur " Barbusse Sud - Pierre et Marie Curie " dans lequel est située la parcelle, et comporte une étude de mutabilité mentionnant la parcelle en litige comme à très fort potentiel mutable, l'étude de faisabilité, dont l'antériorité est établie par sa mention dans un courrier électronique du 27 juillet 2020, décrit avec précision l'opération projetée. Il résulte de ce qui précède que l'établissement public foncier d'Île-de-France justifie de la réalité du projet, quand bien même il ne disposerait pas, à la date de la décision, des terrains voisins. Ne sont pas plus de nature à en infirmer la réalité l'affirmation non assortie de pièces probantes selon laquelle les propriétaires des parcelles voisines n'envisageraient pas de les vendre, non plus que la contradiction alléguée dans les motifs de la décision, laquelle ne ressort au demeurant pas de ces derniers.
13. Enfin, la circonstance que le projet ne porterait pas sur des logements sociaux n'est pas de nature à établir que l'opération ne répondrait pas à un intérêt général suffisant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public foncier d'Île-de-France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme et M. C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme et M. C... une somme totale de 1 500 euros à verser à l'établissement public foncier d'Île-de-France.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme et M. C... est rejetée.
Article 2 : Mme et M. D... verseront la somme totale de 1 500 euros à l'établissement public foncier d'Île-de-France.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. H... C..., à l'établissement public foncier d'Île-de-France, à Mme E... B... et à M. F... G....
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02983