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21/06/2023 | FRANCE | N°22PA05487

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 juin 2023, 22PA05487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de sa fille, ensemble la décision implicite du 24 août 2021 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 2109680 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un m

moire complémentaire, enregistrés le 24 décembre 2022 et le

6 janvier 2023, Mme A..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de sa fille, ensemble la décision implicite du 24 août 2021 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 2109680 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 décembre 2022 et le

6 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Hervet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2109680 du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 28 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne ensemble la décision implicite du 24 août 2021 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision ;

3°) de lui accorder le regroupement familial sollicité ou à défaut, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa demande.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 434-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 12 février 1977, est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle dont la validité expirait le 20 mars 2021. Le 15 juillet 2019, elle a déposé une demande de regroupement familial en faveur de sa fille mineure B... E... née le 1er septembre 2009. Par une décision du 28 avril 2021, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande. Par un jugement du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2021 ainsi que de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date des décisions attaquées : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-4 du même code alors applicable : " (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Enfin, aux termes de l'article L. 411-6 du même code alors applicable : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) / 3º Un membre de la famille résidant en France ".

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. D'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 que le regroupement familial doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'un regroupement familial partiel ne peut être autorisé que si l'intérêt de l'enfant au bénéfice duquel la mesure de regroupement est sollicitée le justifie.

5. D'autre part, il résulte des mêmes dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises, notamment en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

6. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée Mme A..., la préfète du Val-de-Marne a, d'une part, relevé que la jeune E... B... résidait déjà sur le territoire national et d'autre part, qu'il n'était pas démontré que le regroupement familial partiel serait dans l'intérêt de cet enfant. Il n'est pas contesté que la fille de Mme A..., née le 1er septembre 2009, est entrée en France en septembre 2018 et qu'elle résidait auparavant au Cameroun avec son père et son frère né le 17 avril 2003. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des documents médicaux produits pour la première fois en appel, que le père de l'enfant, atteint de graves pathologies, n'était plus en mesure de s'occuper de sa fille et que cette dernière ainsi que son frère ont été confiés à leur oncle. Par un jugement du 17 février 2020 rendu par le tribunal de première instance de Douala, Mme A... s'est ainsi vue confier la garde et le plein exercice de l'autorité parentale sur sa fille. En outre, il ressort des pièces du dossier que cette dernière est scolarisée depuis son arrivée en France en septembre 2018 et est pleinement investie dans ses études. Dès lors que la jeune E... B... est déjà présente sur le territoire national et vit aux côtés de sa mère, de son demi-frère et de sa demi-sœur, que son père ne dispose plus de l'autorité parentale à son égard et que son frère, désormais majeur, est inscrit à l'université et envisage de poursuivre ses études au Canada, le regroupement familial partiel peut être regardé comme répondant à l'intérêt supérieur de la fille de Mme A.... En outre, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision attaquée, alors même qu'elle n'entraînerait pas l'éloignement de la fille de Mme A..., porte atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Val-de-Marne du 28 avril 2021 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Compte tenu du motif d'annulation retenu, et en l'absence de contestation du préfet quant aux autres conditions mises au regroupement familial en application de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit fait droit à la demande de regroupement familial présentée par Mme A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne d'accorder le regroupement familial au bénéfice de la fille mineure de la requérante, E... B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun et la décision du

28 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne ainsi que la décision implicite du 24 août 2021 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne d'admettre E... Ndiky, fille de Mme A..., au bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., à la préfète du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère ;

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

La rapporteure,

G. C...La présidente,

M. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05487
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Gaëlle DÉGARDIN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : HERVET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-21;22pa05487 ?
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