Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 15 septembre 2022 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2214166 du 18 novembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2022 et 3 mai 2023, M. A..., représenté par Me Hervet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de police du 15 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " salarié ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à défaut, d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
S'agissant du mémoire en défense présenté devant la Cour :
- il doit être écarté des débats dès lors qu'il a été communiqué postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 17 mars 2023 ;
- il est irrecevable à défaut d'être signé ;
S'agissant du jugement attaqué :
- le premier juge n'a pas suffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, du défaut de motivation et du défaut d'examen de sa situation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 et du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;
- elle n'est pas motivée en fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 23 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2023 à 12 heures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2023, dont la communication le 20 avril 2023 vaut réouverture implicite de l'instruction, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 septembre 2022, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant camerounais, né le 29 décembre 2001, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 septembre 2022 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté le 17 mars 2023 devant la Cour :
2. Aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention (...) ". Par ailleurs, en vertu des dispositions combinées des articles R. 414-1 et R. 611-8-4 du code de justice administrative, lorsqu'une partie adresse au juge administratif un mémoire ou des pièces par l'intermédiaire de l'application informatique dénommée Télérecours, son identification selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application vaut signature pour l'application des dispositions du code de justice administrative.
3. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du préfet de police, enregistré le 17 mars 2023, a été présenté par Mme B..., adjointe au chef du contentieux judiciaire et de l'excès de pouvoir à la préfecture de police, au moyen de l'application Télérecours. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de signature manuscrite de l'auteure de la requête doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Afin de satisfaire à ce principe de motivation des décisions de justice, le juge administratif doit répondre, à proportion de l'argumentation qui les étaye, aux moyens qui ont été soulevés par les parties auxquelles sa décision fait grief et qui ne sont pas inopérants.
5. En l'espèce, eu égard aux précisions et justificatifs produits par M. A... au soutien des moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et qu'elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, le premier juge a suffisamment répondu à ces moyens en relevant aux points 2 et 3 de son jugement que, d'une part, " les décisions mentionnent les motifs de droit et de fait qui les fondent avec une précision suffisante, ce qui permet d'en comprendre le sens et de les contester utilement " et que, d'autre part, " il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la situation personnelle de M. A..., qui a été entendu par les services de la préfecture de police le 15 septembre 2022 à 13h00 ". Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".
7. La décision attaquée, qui vise les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... " qui ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français, est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas entaché cette décision d'un défaut d'examen de la situation de M. A....
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a reconnu lors de son audition être en situation irrégulière sur le territoire français. Par ailleurs, la circonstance invoquée par le requérant qu'il était mineur lors de son entrée en France n'était pas de nature à le dispenser d'une entrée régulière sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment de pièces produites pour la première fois en appel, que M. A... est entré en France le 24 juin 2017, soit à l'âge de 15 ans, et qu'il n'a pas cessé d'y résider, soit depuis un peu plus de cinq ans à la date des décisions attaquées, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille en France à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, s'il établit qu'il est hébergé en France chez son oncle et qu'il n'a jamais connu son père, il ne justifie pas, comme il l'allègue, que sa mère vivrait désormais en Afrique du Sud ni qu'il n'aurait aucune attache familiale dans son pays d'origine. Enfin, si le requérant a suivi, entre 2017 et 2020, une scolarité sur le sol national à l'issue de laquelle il a obtenu, le 3 juillet 2020, un certificat d'aptitude professionnelle pour exercer le métier de pâtissier, il ne fournit pas plus en appel qu'en première instance d'éléments attestant de son intégration dans la société française depuis l'obtention de son diplôme, soit depuis un peu plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En cinquième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
13. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à l'encontre du requérant l'obligation de quitter le territoire français attaquée sans méconnaître les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
14. D'autre part, M. A... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne peut utilement invoquer ces dispositions qui ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français attaquée sans méconnaître les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté.
16. En dernier lieu, en dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre. S'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, la décision attaquée par laquelle le préfet de police fixe le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde dès lors qu'elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle précise la nationalité camerounaise de M. A.... Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
18. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 15, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent, en tout état de cause, être écartés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05349