Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de développement du Pacifique Sud a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la province Sud à lui verser la somme de 26 229 304 francs CFP en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de déclassement de son établissement hôtelier " Le Ramada Hôtel and Suites Nouméa " ayant eu pour conséquence de la soumettre à des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2100358-1 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 juin 2022 et 9 février 2023 (à 7h45), la société de développement du Pacifique Sud, représentée par Me Céline Joannopoulos, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie ;
2°) de faire droit à sa demande présentée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la province Sud de Nouvelle-Calédonie la somme de 450 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Province Sud a commis une faute en édictant la délibération n° 41-2013 du 5 décembre 2013 en méconnaissance de l'objectif de sécurité juridique et de clarté de la norme ;
- la décision du 1er septembre 2014, à supposer qu'elle ait constitué un rejet de sa demande, était illégale en raison de l'illégalité de la délibération du 5 décembre 2013 et dès lors que l'administration aurait dû procéder au déclassement sur le fondement de la délibération du 10 octobre 1991 ;
- la province Sud a commis une faute au regard des délais de traitement de ses demandes de déclassement ;
- son préjudice s'élève au montant des rappels de taxe sur les nuitées hôtelières qui lui ont été assignées au titre de l'année 2015 en conséquence de son maintien dans la catégorie trois étoiles ;
- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée dès lors que les rappels de taxe sur les nuitées hôtelières lui ont été notifiées le 10 octobre 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, la province Sud de Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Sébastien Dartois, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société de développement du Pacifique Sud la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- la créance est prescrite en application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi organique n° 99-209 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 relative à la norme de classement de l'hôtellerie touristique ou de séjour dans la province Sud ;
- la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 fixant les normes de classement de 1'hôtellerie touristique dans la province Sud ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Pivot substituant Me Dartois, représentant la province Sud de Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. La société de développement du Pacifique Sud (SDPS) exploite un établissement hôtelier " Le Ramada Hôtel and Suites Nouméa ", classé dans la catégorie trois étoiles depuis un arrêté du 30 juillet 2012 du président de la province Sud en application de la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991. Elle a demandé, par courrier du 28 juillet 2014 adressé à la province Sud, un " retrait provisoire de classement " de l'hôtel jusqu'au 30 juin 2016, le temps d'effectuer des travaux de remise aux normes nouvellement instituées par la délibération de la province Sud n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013. Par courrier du 1er septembre 2014, le directeur de la direction de l'économie, de la formation et de l'emploi de la province Sud lui a indiqué qu'un classement suivant les nouvelles normes nécessitait de faire la demande auprès du Bureau Veritas, que le classement en trois étoiles de son établissement hôtelier restait effectif jusqu'à fin 2015 et qu'il n'était donc pas nécessaire de procéder à un déclassement provisoire. Par courrier du 26 novembre 2014, la SDPS a réitéré sa demande de déclassement et informé la province Sud qu'elle considérait son établissement hôtelier comme non classé à compter du 1er décembre 2014. Par un courrier du 29 décembre 2014, l'administration lui a rappelé le contenu de son précédent courrier du 1er septembre 2014 quant à la prolongation de la validité du classement obtenu le 30 juillet 2012 jusqu'à fin 2015, en indiquant également saisir la direction juridique de la province Sud pour obtenir des précisions quant aux conditions permettant d'accéder favorablement à la demande de déclassement de la société de développement du Pacifique Sud. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur les nuitées hôtelières pour un montant total de
26 229 304 francs CFP au titre de l'année 2015 correspondant à un classement de l'établissement dans la catégorie trois étoiles, alors que la société avait déclaré cette taxe sur la base d'un établissement non classé. Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, confirmé en appel sur ce point par la Cour administrative d'appel de Paris le 13 avril 2022, a rejeté le 11 mars 2021 les conclusions présentées par la société à fin de décharge de cette taxe. La société de développement du Pacifique Sud a formé, en vain, une réclamation préalable auprès de la province Sud en vue de se voir indemniser du préjudice, correspondant au montant de ces rappels de taxe, résultant de fautes qu'elle estime que l'administration a commises dans le traitement de sa demande de déclassement. Par un jugement du 21 avril 2022, dont la société relève appel, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la province Sud à lui verser la somme de 26 229 304 francs CFP en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de déclassement de son établissement hôtelier " Le Ramada Hôtel and Suites Nouméa ".
Sur l'illégalité fautive de la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 : " L'exploitant qui souhaite obtenir ou actualiser le classement de son établissement adresse à la province Sud un dossier de demande, en deux exemplaires dont un exemplaire sous forme numérique, comprenant : / - le formulaire de demande de classement conforme à l'annexe 2 ; / - la facture de l'organisme évaluateur relatif à la demande ou à l'actualisation du classement de l'établissement ; / - le certificat de visite, datant de moins de trois mois, délivré par un organisme évaluateur agréé par la province Sud ". Aux termes de l'article 10 de cette même délibération : " La décision de classement est prise par arrêté de la présidente de l'assemblée de province dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier complet de la demande, tel que mentionné à l'article 7. ". Et les articles 18 et 19 de cette délibération prévoient respectivement que : " La délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 instituant la norme de classement de l'hôtellerie touristique ou de séjour dans la province Sud est abrogée " et que : " Les classements obtenus au titre de la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 instituant la norme de classement de l'hôtellerie touristique ou de séjour dans la province Sud cessent de produire leurs effets à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente délibération ".
3. Il résulte de l'instruction que les dispositions de la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 ne présentent aucune difficulté particulière d'interprétation qui, eu égard notamment à leur ambiguïté ou à leur caractère contradictoire, serait source d'insécurité juridique. Cette délibération ne méconnaît donc pas l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.
4. En second lieu, si la société requérante soutient que cette délibération est viciée dès lors qu'elle ne prévoit pas la possibilité de déclassement automatique sur demande de l'établissement hôtelier, d'une part elle ne précise pas quelle norme supérieure aurait été ainsi méconnue, d'autre part et en tout état de cause, l'article 7 de la délibération prévoit bien une procédure d'actualisation du classement à l'initiative de l'exploitant.
5. Il résulte de ce qui précède que la société de développement du Pacifique Sud n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 5 décembre 2013 serait illégale et que la province Sud aurait commis des fautes en l'édictant.
Sur l'illégalité fautive de la décision de refus de déclassement :
6. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 2. et 3. du présent arrêt, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 1er septembre 2014 par laquelle la province Sud lui indique la procédure de modification de classement et l'informe du maintien de son classement dans la catégorie trois étoiles jusqu'à la fin de 2015, constitutive d'un rejet de procéder au déclassement sollicité, est illégale par voie d'exception d'illégalité de la délibération du 5 décembre 2013.
7. En second lieu, la société requérante ne peut utilement faire valoir que cette décision méconnaîtrait les dispositions de la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 dès lors que cette délibération a été expressément abrogée par l'article 18 de la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013.
8. Il résulte de ce qui précède que la société de développement du Pacifique Sud n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de déclassement est illégale et donc fautive.
Sur les délais de traitement excessifs de ses demandes :
9. D'une part la société requérante ne justifie pas de la date à laquelle elle a présenté sa première demande de déclassement ayant abouti à la décision du 30 juillet 2012, alors qu'au demeurant cette décision fait référence à une demande de l'exploitant du 10 mars 2012. D'autre part, sa seconde demande de déclassement, adressée par un courrier du 28 juillet 2014 a été rejetée par une décision datée du 1er septembre 2014, laquelle en tout état de cause, lui rappelait qu'elle devait s'adresser à un organisme évaluateur agréé, conformément aux dispositions précitées de l'article 7 de la délibération du 5 décembre 2013. La société de développement du Pacifique Sud, qui n'a jamais déposé de demande d'actualisation du classement de son établissement hôtelier, dans les formes prévues par cette délibération, n'est dans ces conditions et en tout état de cause pas fondée à soutenir que les délais de traitement de ses demandes auraient été excessifs.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'un lien entre les fautes invoquées et le préjudice allégué dès lors qu'aucune faute de la province Sud n'est établie, ni de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la province Sud, que la société de développement du Pacifique Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société de développement du Pacifique Sud est rejetée.
Article 2 : La société de développement du Pacifique Sud versera 1 500 euros à la province Sud de Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de développement du Pacifique Sud et à la province Sud de Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
La rapporteure,
Signé
E. TOPINLe président,
Signé
I. BROTONS
Le greffier,
Signé
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02902